Le processus d’un emprunt obligataire de 20 milliards de FCFA (41 millions de dollars) entamé le 16 fèvrier dernier suite à une autorisation du conseil municipal de Dakar vient d’atterrir devant la justice. Le maire, Khalifa Sall, considéré comme un probable adversaire du président Macky Sall aux prochaines présidentielles, sollicite l’avis de la Cour Suprême à titre conservatoire.
Pour rappel, l’emprunt avait été interrompu sine die avant son lancement qui devait intervenir le 19 fèvrier. Le ministre des Finances, Amadou Bâ, avait alors expliqué n’avoir pas été mis au courant du projet que, pourtant, ses propres services ont validé à travers un accord de non objection signé en juin 2014.
«Quand on a eu le visa, on attendait à avoir les supports de communication. Et c’est au moment où on était dans l’attente que le ministre des Finances m’a dit qu’il n’était pas informé de notre emprunt. Je lui ai dit que j’étais surpris que vous me disiez cela, monsieur le ministre, parce que vos services ont joué leur partition. Si on n’avait pas eu l’avis de non objection du ministère des Finances, on n’aurait pas pu avancer sur cet emprunt » expliquait le maire en marge d’un conseil municipal consacré au sujet.
Pas assez à l’aise dans les manœuvres politiques, le ministre des Finances ne pouvait plaider l’ignorance trop longtemps. «Chaque fois qu’il pose un problème et qu’on y répond en lui donnant les documents, sa position change», rappelle le même Khalifa Sall qui se verra par la suite confronté aux conséquences du nouveau découpage de la ville de Dakar.
En effet, un décret pris par le président Macky Sall, le 30 juin 2014, soit bien après l’entame du processus de l’emprunt, a consacré quelques communes de Dakar ville de plein exercice.
Par la suite, les Finances diront que l’association intercommunale de Dakar (SPID) n’était pas habileté à réaliser des emprunts à la place du percepteur. «La seule chose que le ministre oublie, c’est que la SPID est une association inter communale, une société anonyme avec une personnalité juridique claire à qui les communes ont délégué leur pouvoir d’agir dans l’acquisition et la collecte des recettes.», rétorque le maire.
Le gendarme perd son sifflet
Le ministère finira par mettre l’accent sur l’endettement de la ville de Dakar et la soutenabilite de la dette. Rappelons que la même mairie est notée BBB+ par l’agence Bloomfield, agréée par le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (Crepmf). Cette note Investment grade dispense la ville de Dakar de l’obligation de la garantie.
Saisi à son tour pour arbitrer, le gendarme du marché financier de l’UEMOA (CREMPF) déclarera d’autorité, le 5 mars dernier, avoir sursis au lancement de l’emprunt, ce qui selon les avis, va au delà de l’instruction 36 qui ne lui permet pas d’interrompre ou d’annuler. Le CREMPF rendra un avis mitigé appelant la ville de Dakar à se rapprocher des services du ministère des Finances. Un rapprochement qui était déjà fait selon les déclarations du maire de Dakar.
Et quand le ministre explique ses réserves par le devoir de prudence nécessaire avant l’émission d’une garantie de 10 milliards de FCFA qui viendrait appuyer l’emprunt, le maire dégaine: «Nous n’avons pas demandé, nous ne souhaitons pas et nous ne voulons pas d’une garantie de l’Etat dans le cadre de cet emprunt».
Rappelons que l’USAID garantissait le prêt à hauteur de 50%. Somme toute, une couverture superflue pour un émetteur Investment grade qui s’était engagé non seulement à loger l’argent provenant de l’emprunt dans un compte séquestre selon le voeu du percepteur mais aussi à se doter d’un compte de réserve pour rembourser l’emprunt libellé sur 7 ans.
En attendant, le maire dit déjà avoir dépensé 3 milliards de FCFA sur cet emprunt. Qui va encaisser les pertes et les dommages ? C’est clair, l’autonomie des villes africaines et la décentralisation avancée est encore théorique.