Redonner de l’espoir aux enfants d’Afrique
Il y a beaucoup de choses que nous devons faire, mais aujourd’hui, je vais en retenir seulement trois.
Au tournant du 20e siècle, nous savons tous que – même dans certains des pays riches d’Afrique – on trouve encore jusqu’à 30% des enfants qui n’ont jamais atteint l’âge de cinq ans.
Aujourd’hui, des millions d’enfants ne vont toujours pas à l’école et continuent d’aller au lit affamés, une faim qui à son tour retardera le développement de leurs cerveaux et impactera négativement leurs notes à l’école et in fine leurs perspectives de carrière.
Beaucoup d’enfants travaillent encore dans des conditions inacceptables. Beaucoup d’entre eux sont victimes de traite et souvent meurent dans des États fragiles, et dans les pays en guerre ou en conflit prolongé.
Depuis le tournant du millénaire, il ne fait aucun doute que l’Afrique a franchi un cap. Sa performance encore fragile et incomplète, néanmoins il s’agit d’un renversement de situation.
Tony Blair décrivait l’Afrique au début des années 2000 comme étant une cicatrice sur la conscience du monde. En mai dernier, il la décrit comme l’endroit le plus prometteur sur la planète en raison de ses opportunités.
L’observation de la dynamique démographique, montre que la croissance de la population dans des régions comme le Sahel reste très élevée, soit 3,9%, tandis que la migration interne a accéléré, avec 40% des personnes vivant maintenant dans des villes sans plan d’urbanisation et mal équipées, et subissant la misère et le chômage.
En attendant, les moteurs de la croissance économique restent très limités, la transformation économique timide, et la part de l’agriculture et de l’industrie sont en diminution, avec des économies africaines opérant encore à des niveaux inférieurs des chaînes de valeur mondiales.
En conséquence, les jeunes, environ 15 millions, qui entrent sur le marché du travail chaque année, ne peuvent trouver un emploi, soit parce qu’il y en a peu, soit parce que leurs compétences ne correspondent pas aux besoins. Et dans certaines régions, comme ils ne peuvent pas trouver d’emploi, ils deviennent des proies faciles aux groupes terroristes, aux trafiquants d’êtres humains leur promettant un eldorado imaginaire, mais qui finissent par périr en Méditerranée.
Alors quelles actions entreprendre aujourd’hui pour redonner de l’espoir aux enfants, et aux jeunes de l’Afrique? Il y a beaucoup de choses que nous devons faire, mais aujourd’hui, je vais en retenir seulement trois.
Tout d’abord, nous devons construire un continent pacifique et stable. Le plus grand défi que nous devons relever pour les jeunes en Afrique est la réhabilitation des États fragiles ou ceux qui sont en conflit. C’est à ce niveau là où un effort particulier est nécessaire. Non seulement parce que des millions sont piégés dans ces régions, mais en raison des effets de contagion régionaux tels que les réfugiés et les personnes déplacées. Voilà ce qui explique pourquoi tous les systèmes, ceux de soins de santé primaire, d’éducation de base et d’infrastructure, sont en crise. Et pourquoi notre performance dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement est timide. Voilà pourquoi nous avons des enfants soldats et d’autres abus. Pensez à un jeune garçon ou une fille née en Somalie en 1990. Pendant 25 ans, ils n’ont connu que la guerre et la mort. La crise de l’Ébola était une démonstration claire de la façon dont une épidémie parfaitement contrôlable pourrait devenir hors de contrôle et devenir une catastrophe humaine en raison de la défaillance des soins de santé primaires et la faiblesse des moyens.
La deuxième chose qui interpelle le leadership africain est la lutte contre les inégalités et la promotion de l’inclusion. Cela signifie garantir aux enfants des pauvres gens, garçons et filles, l’accès à une école de qualité, et assurer qu’aucune région, ou groupe ethnique ou religieux ne soit délaissé. Ceci est le seul moyen de briser la transmission intergénérationnelle de la pauvreté. La croissance économique est seulement un moyen et non une fin en soi. La croissance économique qui n’est pas partagée est insoutenable socialement et politiquement. Elle gâche les talents, limite les perspectives économiques, et elle sape le fondement même des sociétés harmonieuses et pacifiques en entravant la mobilité sociale.
Il est tout à fait possible d’éliminer la pauvreté absolue d’ici 2030, si les économies africaines parviennent à croître constamment à un taux supérieur à 7%. Il y aura encore de larges pans de pauvreté, en particulier dans les pays les plus touchés, mais cet objectif est réalisable. Le principal défi à relever pour que ces économies enregistrent une croissance de plus de 7% par an est de combler le déficit dans les infrastructures, en particulier dans le domaine de l’énergie. Nous avons ici à faire face aux contraintes énergétiques qui constituent un frein majeur à la croissance du continent.
Enfin, un domaine où l’Afrique est capable et offre même une réelle opportunité est celui de l’économie numérique. L’essor de l’accessibilité à la téléphonie mobile a déjà fait une grande différence dans la vie des pauvres. Pensez à l’impact de l’inclusion financière.
Je rêve d’un jour où tous les jeunes en Afrique auront accès à Internet à un prix abordable. Au 19ème siècle, les gens ont construit les chemins de fer pour connecter le monde entier. Le réseau ferroviaire global d’aujourd’hui est l’internet. C’est dans ce domaine que la connaissance doit se développer, les emplois créés, et que nous pouvons accélérer l’accès à l’éducation, améliorer l’accès aux soins de la santé et aux marchés. À mesure que l’infrastructure de télécommunications s’améliore, j’espère que les gouvernements et le secteur privé collaborent pour rendre cela possible.
Le niveau de vie dépend peut-être des circonstances de votre naissance, de l’endroit où vous habitez, et du type de gouvernement qui vous gouverne. Cependant, ce dont je suis sûr est que aujourd’hui, l’on dispose de suffisamment de moyens pour fournir une vie meilleure aux enfants du monde entier.
*Donald Kaberuka, est le Président sortznt de la Banque Africaine de Développement (BAD). Appelé M. Infrastructures, il a investit 60 milliards de dollars dans les routes, l’Energie, l’eau au cours de son mandat. En septembre prochain, l’ancien ministre rwandais des Finances terminera son second mandat et sera remplacé par le nigérian Akinwimi Adesina, élu président de la BAD le 28 mai.
Article publiè avec Libre Afrique