Par Daniel Pingeot.
Sous le premier mandat d’Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire a fait peau neuve, après dix années de troubles. Les réformes attirent un nombre considérable d’investisseurs, dont la BEI et le FMI dernièrement. Une dynamique qui devrait encore se renforcer dans les années à venir sous l’impulsion des réformes entreprises par le gouvernement. Des perspectives très positives, qui ne mettent néanmoins pas le pays à l’abri d’une erreur de gestion.
La Côte d’Ivoire est en branle-bas. Le nouveau gouvernement a choisi de faire du secteur privé le moteur de la croissance, dans ce pays qui a le vent en poupe, depuis sa sortie de la crise post-électorale de 2010. Avec un taux de croissance du PIB de 8,5 % par an en moyenne entre 2012 et 2015, la Côte d’Ivoire réalise l’une des meilleures performances en Afrique subsaharienne.
Afin de porter son émergence, le pays mise gros sur les investissements étrangers. A cette fin, il met en avant ses atouts : économie dynamique, main d’œuvre qualifiée, sous-sol riche et un climat propice à l’agriculture. La Côte d’Ivoire est également une des plus importantes places financières en Afrique de l’ouest. Le pays semble également avoir définitivement tourné la page du clivage religieux et ethnique, avec la réélection sans heurt du président Ouattara.
La sécurisation du pays et l’apaisement social ont été les priorités du gouvernement ivoirien depuis 2010, afin d’éviter un nouvel épisode de guerre civile, toujours désastreux pour l’économie et l’image du pays. Mais ils passent aussi par un climat économique et social plus favorable. Ainsi, selon l’enquête sur la mesure des niveaux de vie de la Banque mondiale de 2015, l’incidence de la pauvreté a reculé d’environ 51 % en 2011 à 46 % en 2015, et l’accent a été mis sur le développement économique des zones rurales, trop souvent laissées pour compte.
En outre, afin de rendre le pays plus attractif, le président Alassane Ouattara a décidé de procéder à un ensemble de réformes : allègements bureaucratiques, développement des infrastructures – très endommagées après deux crises politiques majeures – au travers d’un programme de grands travaux (notamment les transports, avec la privatisation de la ligne de chemin de fer Abidjan – Ouagadougou), allègement fiscal, un guichet unique pour la création d’entreprises et un sérieux renforcement de la protection des investissements.
Ces efforts ont su convaincre. La capitale ivoirienne, Abidjan est ainsi devenu le siège de la branche Afrique de l’Ouest de la Banque européenne d’investissement (BEI). Le président de l’institution, Werner Hoyer, a procédé, lundi 21 novembre, à l’inauguration du bureau régional. Il s’est alors félicité du début d’une « nouvelle étape dans la coopération entre la BEI et les Etat de la sous-région, et la Côte d’Ivoire en particulier ». Pour lui, le choix d’Abidjan « reflète le partenariat de confiance qui lie désormais la BEI à la Côte d’Ivoire pour une action accrue notamment en faveur des infrastructures durables et du soutien au secteur privé ». Aussi, la Côte d’Ivoire sera le premier pays en Afrique à bénéficier d’un prêt de l’institution, dans le cadre de l’initiative « Boost Africa ». Elle vise à soutenir la création et la croissance des start-ups et des PME sur le continent, grâce à un programme d’Investissement, un programme d’assistance qui renforcera les capacités techniques des entreprises, et un programme de Laboratoire d’innovation pour le développement des connaissances.
Dans le même temps, le Fonds monétaire international (FMI) et le gouvernement ivoirien ont conclu un accord sur un projet économique de trois ans censé soutenir le PND 2016-2020 (plan de renforcement durable du secteur privé par des investissements dans les infrastructures et les secteurs sociaux, le soutien de la transformation structurelle et l’industrialisation de l’économie ainsi que de réduction de la pauvreté et des inégalités) prévu pour le second mandat du Président. A cette fin, le FMI prévoir de mobiliser 300 milliards de FCFA (environs 610 millions d’euros). Cette confiance réitérée en Abidjan vient des perspectives que le Fonds a lui-même établies pour le pays : la Côte d’Ivoire sera la championne de la croissance économique entre 2016 et 2018 en Afrique subsaharienne d’après le rapport des perspectives économiques de la région du FMI du mois d’octobre 2016. « D’une manière générale, ce programme aidera le gouvernement à poursuivre les grands succès atteints durant les quatre dernières années et renforcer les fondations d’une croissance forte et inclusive qui favorisera la réduction de la pauvreté », peut-on y lire.
Le prêt du FMI pourrait être appuyé par deux autres accords, l’un auprès de la facilité élargie de crédit (FEC), le second au titre du mécanisme élargi de crédit (MEDC). Ces deux outils financiers viennent en aide aux pays qui connaissent des difficultés prolongées de balance des paiements. Autant de perspectives heureuses pour la Côte d’Ivoire. Le FMI met néanmoins en garde contre un recours trop important aux investisseurs et prestataires de service internationaux, qui a long terme pourrait gonfler le déficit courant et fragiliser la balance des revenues secondaires.
Un parcours délicat attend donc le gouvernement ivoirien, qui doit s’assurer de la durabilité de ses acquis et ne pas céder à la gourmandise. La Côte d’Ivoire doit créer assez d’espace budgétaire avant de consentir à davantage d’investissements en infrastructures et de dépenses sociales. La gestion du pays lors du premier mandat Ouattara a été un sans-faute – et ce dans le contexte délicat d’une sortie de crise ayant divisé le pays durant dix ans. L’avenir dira si l’ancien économiste du FMI tiendra bon la barre pour les cinq ans à venir.