L’indien Jindal échoue temporairement dans l’acquisition du gisement minier de Nkout au Cameroun. Suite à ce retrait, c’est IMIC, présidée par le mauritanien Ousmane Kane, qui est en pole position. Retour sur un bras de fer. Exclusif.
En décembre 2012, Naveen Jindal, le PDG du groupe indien Jindal Steel and Power limited (Jspl), est reçu par le président Paul Biya, à qui il promet d’investir 500 millions de dollars (250 milliards de FCFA) dans le fer et l’énergie au Cameroun. Les premiers investissements devaient intervenir en janvier 2013. Le plan d’investissement prévoyait une usine de transformation de minerais de fer, une centrale électrique de 500 MW à Limbe (Sud-Ouest) et une ligne de chemin de fer entre Djoum et le port de Kribi.
Pour matérialiser le projet, Jindal entreprend le processus d’acquisition du CaminexSarl, filiale locale du canadien Afferro-Mining, qui détient les droits de propriété du gisement de Nkout. Pour faciliter les négociations avec le Conseil d’administration du groupe canadien, un accord d’exclusivité est signé, devant rester en vigueur jusqu’au 13 janvier. Les négociations traînent en longueur.
Le 24 décembre, IMIC, déjà détentrice de 4% du capital d’Afferro, décide de faire une offre sur la totalité des actions de la société au cours du jour, alors élevé, avec un premium de 20%. Parallèlement, Ousmane Kane nommé en juin 2012 au poste d’administrateur non exécutif d’Afferro Mining, décide de se retirer du Board en janvier 2013 pour prendre la direction d’IMIC à la demande des actionnaires. Cotée à la bourse de Londres, IMIC a pour ambition d’acquérir et de développer, en partenariat avec AIOG et des entreprises d’état chinoises, des gisements africains de minerai de fer.
La démission d’Ousmane Kane du conseil d’administration d’Afferro est approuvée par David Netherway, président du groupe qui félicite le mauritanien pour sa contribution à asseoir la stratégie de la compagnie. Mais pas par les indiens qui y voient un tour de passe-passe et un déficit de transparence.
Pourtant, toutes les informations techniques relatives au gisement, connues des administrations, sont régulièrement postées sur le site d’Afferro. Les termes financiers de l’offre d’IMIC ont fait l’objet d’un communiqué de presse de la part d’Afferro. Le texte qui a été repris par la presse spécialisée est toujours visible sur le site du groupe canadien. Pourquoi donc Jindal a abandonné son ambition d’acquérir Afferro ? C’est là l’énigme de cette affaire. Impossible d’obtenir des informations auprès des responsables indiens de Jindal, moins prolixes en ce moment qu’en décembre dernier quand ils annonçaient des millions de dollars d’investissements et un millier d’emplois créés au Cameroun.
Contacté par nos soins, Kane Ousmane, l’ancien ministre mauritanien des Finances, également ancien gouverneur de la Banque centrale et ancien directeur général de la SNIM (Société nationale de l’industrie minière) déclare s’être toujours abstenu d’interférer dans les décisions concernant les relations éventuelles entre AIOG (dont il fut vice président) et Afferro, ou encore entre IMC (actionnaire dans Afferro) et Afferro. Les relations entre AIOG et IMIC sont claires, chacune détenant 10% de l’autre, indique Ousmane Kane. Une chose est sûre, Jindal et Afferro ne sont jamais parvenus à un accord final.
Le deadline du 13 janvier
Par contre, Jindal avait bel et bien fait une offre financière pour racheter la société Afferro, propriétaire du gisement de Nkout. En retour, Afferro avait accepté de lui donner un statut d’exclusivité jusqu’au 13 janvier 2013, période au cours de laquelle, elle s’est engagée à ne négocier sa vente avec aucun autre prétendant. Au terme de cette période d’exclusivité, les deux parties, n’étant pas parvenus à un accord, ont informé le marché conformément à la loi.
Chacune des parties a alors livré sa version des raisons qui ont conduit à l’absence d’accords. Jindal avait publiquement déclaré qu’il mettait fin aux discussions avec Afferro parce que le gisement de Nkout comportait une faible concentration de magnétite, qu’il n’y avait pas d’infrastructures pour évacuer le minerai et que le code minier camerounais est dissuasif. Les articles relevés dans la presse indienne lient également le retrait de Jindal à l’état des réserves (de qualité inférieure) et aux coûts d’exploitation élevés. Dans le communiqué diffusé à l’occasion, le groupe indien indique s’être retiré des discussions à la fin d’une période d’exclusivité où les deux parties ne sont pas parvenues à un accord. «Nous avons fait part à Afferro Mining de notre retrait en leur demandant d’informer les marchés », lisait-on dans la déclaration officielle faite à l’occasion.
Pour rappel, les réserves du gisement de Nkout sont estimées à plus de deux milliards de tonnes de minerai de fer. Le retrait de l’indien s’expliquait-il par des problèmes de trésorerie compte tenu, selon ses explications, qu’il faut des milliards de dollars pour construire les infrastructures devant acheminer le minerais ? A-t-il préféré finalement l’Australie (où il a lancé une offre d’achat sur une mine de charbon) au Cameroun où toutes les garanties leurs avaient été offertes ? Et si ces séries de déclaration d’intention d’acquérir en Afrique n’avaient pour but que de faire flamber le titre d’une société qui communique abondamment sur ses éventuelles acquisitions ?
Rappelons que Afferro est détenteur de concessions majeures au Cameroun dont deux doivent être renouvelées au courant de cette année 2013. Cela pourrait expliquer le retrait de Jindal qui reprocherait au code minier camerounais de fixer la durée des permis à 7 ans seulement. En mettant en défaut la qualité du gisement de Nkout, le groupe indien sait pertinemment que cela ne serait pas sans incidence sur le cours d’Afferro à la London Stock Exchange. La capitalisation boursière de la société avait frôlé les deux cents millions de dollars en décembre 2012. Elle est descendue à 139,31 millions de dollars le 13 janvier, lors de l’annonce de la rupture des négociations.
Les tractations pour l’acquisition d’Afferro se poursuivent et pourraient connaître leur dénouement dans les prochaines semaines.