Le printemps est un moment clé dans les marchés financiers. Entre les prévisions des récoltes, les rumeurs sur les résultats des entreprises cotées et des facteurs macroéconomiques, les brokers y perdent leur dioula et, parfois, leur porte-monnaie.
Le 21 mars, début du printemps, est une date clé en littérature, en cosmographie (en astrologie aussi ?) et surtout en Finance. C’est le jour où l’orbite du soleil croise celui de la terre. En ce jour d’équinoxe, la nuit égale le jour en durée. Dans les marchés financiers régulés, saturés par les nouvelles, le 21 mars est à quelques jets de la date limite de publication des Etats financiers, soit le 31 mars. A cette date, les brokers sont aussi bien informés que les neveux, parents et amis des membres du conseil d’administration des entreprises cotées. Seuls les petits porteurs, vous et moi, derniers à prendre place dans le train, attendent encore la publication des bilans. Incapables d’accepter l’empirisme de l’analyse technique qui vaut son once d’or : «les bilans racontent le passé et non l’avenir», les petits investisseurs recommencent la même erreur : rejoindre une tendance déjà mûre.
Mieux vaut pourtant acheter les valeurs montantes à cette date du début du printemps pour accompagner des hausses qui seront nourries parfois jusqu’ au détachement de dividendes. Dans d’autres compartiments du marché, cette date du 21 mars revêt aussi une signification particulière. La première vague des contrats à termes sur les grains et autres commodités négociés en décembre de l’année dernière arrive à expiration le troisième vendredi du mois de mars, soit les premiers jours des 4 sorcières de l’année. Cela tombe cette année à vendredi 29 mars, deux jours avant l’expiration du délai légal de publication des états financiers.
Certes tout vendredi est spécial en Bourse, mais le dernier vendredi du mois de mars est d’une autre dimension. En effet, ce jour –là expire quatre classes de produits : les options sur indices boursiers, les contrats à termes sur indices boursiers, les options sur actions et les contrats à termes sur actions. C’est dans ces moments importants que l’expression «acheter la rumeur, vendre l’information », prend tout son sens. Les investisseurs qui défont leurs positions ont besoin d’informations de première main, qui s’assimile souvent à des bribes, des rumeurs. Seuls les audacieux anticipent les marchés. Ce sont les faiseurs de tendance. Les autres seront condamnés à acheter plus tard, quand l’information s’est avérée.
C’est pour cela que l’on assiste pendant ce dernier vendredi de mars à une significative augmentation de volumes, correspondant à des liquidations de position de la part des courtiers attentifs désormais sur les prévisions de fret et les tendances de récoltes. Ceux qui travaillent dans le coton courent à la recherche de l’information des niveaux de récoltes futures dans l’hémisphère nord. Là aussi, mieux vaut prendre position que d’attendre. Le 21 mars est décidemment l’une des rares dates où la littérature croise la finance. N’est-ce pas Marcel Proust qui disait que «le désir fleurit, la possession flétrit ». La finance a fait une interprétation pragmatique de cette loi du cœur en se faisant coutume d’acheter le printemps et de solder l’été avant les grandes chaleurs et les grandes vacances. Facile à entrevoir dans les Bourses tempérées de Casablanca et de Tunis, le printemps perd ses nuances à Abidjan et à Libreville. Sur la lagune Ebrié, la date de publication des états financiers est fixée au 30 juin. La fin mars est donc un mois de transition propice aux délais d’initiés. L’écart de la transmission de l’information de l’entreprise aux cabinets d’experts comptables et de ceux-ci au marché ne milite pas pour la symétrie. A Libreville, pas de risques de délits d’initiés, aucune entreprise n’étant encore cotée. La SIAT sera-t-elle l’hirondelle qui annonce le printemps, saison inconnue dans l’équateur !
Kamaroudine St, analyste marché
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