En Tunisie, le nom du professeur Mondher Bellalah est associé à la Finance. Diplômé de l’Institut des hautes études commerciales de Tunis, agrégé en sciences de gestion, docteur en finance de Paris-Dauphine et HEC, Mondher Bellalah a enseigné à l’université Paris-Dauphine, à HEC et à l’EDC. II a exercé les fonctions de directeur de centres de recherches en finance et en entrepreneuriat. II est consultant international et membre du comité scientifique de revues et d’institutions financières (BNP-Paribas). A la tête de la première université privée de Tunisie, le professeur est connu en France et à l’international par la ses différents travaux sur différents thèmes de la finance dont le dividende. Faut-il le distribuer à tout prix? Que représente-t-il dans un marché efficient? Entretien exclusif.
D’abord, professeur, qu’elle définition donnez-vous au dividende?
Le dividende est une partie du resultat que les actionnaires et le management décident de distribuer chaque année à la fin de l’exercice comptable en fonction d’une politique du dividende. La politique de dividende est souvent stable .La distribution de dividendes réduit la trésorerie disponible et affecte l’autofinancement. Dans ce cas, s’il existe une politique optimale de distribution de dividendes, elle doit contribuer à la maximisation de la richesse des actionnaires.
Comme la valeur de la société dépend de ses flux anticipés et du risque de son activité, il est improbable que les gestionnaires puissent créer une richesse supplémentaire en effectuant une répartition judicieuse du bénéfice entre les réserves et les dividendes. Ce résultat montre la neutralité de la politique des dividendes.L’analyse des effets de la distribution des dividendes sur la valeur de la société nécessite de répondre aux questions suivantes:
-Quelle est la stratégie de l’entreprise en matière de distribution de dividendes ?
-Quelle est la meilleure répartition des bénéfices entre autofinancement et dividendes ?
-L’objectif de la maximisation de la richesse des actionnaires permet-il d’expliquer les décisions financières en matière de politique de dividendes dans la nouvelle vision de l’entreprise (selon laquelle différents groupes d’intérêt contribuent à la croissance et à l’avenir de l’entreprise) ?
Bref, la question fondamentale est de savoir si la décision affecte la valeur de la société. Le calcul de la rentabilité anticipée sur les fonds propres permet d’apprécier l’influence des dividendes sur la valeur de la société. L’analyse utilise le concept du cash-flow disponible. Ce concept est appliqué à la valeur de l’entreprise dans le cas où elle distribue la totalité de son résultat sous la forme de dividendes et dans le cas où elle distribue plus de dividendes par rapport à ses cash-flows.
Une entreprise qui distribue la totalité de son bénéfice en plus de ses réserves disponibles est-elle dans une logique de long terme ?
Cette politique a été observée aux Etats Unis dans les années 1970 par certaines entreprises. Le dividende est une composante fondamentale de la rentabilité qui permet d’une part de fidéliser les actionnaires qui s’intéressent à un revenu élevé et, d’autre part, de véhiculer l’information entre les dirigeants, les actionnaires, l’entreprise et le marché. L’impact de la politique de dividendes sur la valeur de la société est analysé par référence au concept de cash-flow disponible après l’investissement dans des projets rentables. Dans le cadre de la théorie néoclassique, le dividende n’a pas d’impact sur la valeur de la société.
Lorsque l’entreprise distribue la totalité ou une partie de son résultat disponible, voire même plus, en recourant à des sources de financement externes (une émission d’actions ou d’obligations), sa valeur n’est pas modifiée par la politique de dividende. Dans le même contexte, la rentabilité anticipée par les actionnaires n’est pas affectée. Modigliani et Miller montrent que les actionnaires sont indifférents à l’égard de la politique de dividendes adoptée par la société dans un marché parfait, lorsque les dividendes sont imposés au même taux que les plus-values. Néanmoins, lorsque les dividendes sont imposés à un taux supérieur à celui des plus-values, Modigliani et Miller estiment qu’il est préférable pour la société de racheter ses actions au lieu de distribuer des dividendes.
Dans le cas typique du marché tunisien, la distribution ou non de dividende a t- elle valeur d’information?
La distribution du dividende a un contenu informatif et informationel dans tous les marchés efficients pour les entreprises cotées en Bourse. Plusieurs facteurs influent la politique des dividendes dont Le facteur informationnel. L‘influence de ce facteur informationnel permet de répondre aux questions suivantes :
Quelle est la politique de distribution des dividendes dans le passé ? Quelle information sur les cash-flows la société désire-t-elle communiquer au marché ?
Autre facteur mis en exergue, le ratio ratio de distribution cible qui permet de se demander quel est le ratio de distribution des dividendes à long terme que se fixe les dirigeants . Il y a aussi l’effet clientèle. Est-ce que les actionnaires de la société font partie de la classe des investisseurs peu imposables, très imposables ou non imposables ? Est-ce que les actionnaires préfèrent les dividendes ou la plus-value ?
Concernant les anticipations du marché, étape importante de l’analyse. Quel est le taux de distribution des dividendes habituel de la société ? Quel est le pourcentage de dividendes dans les bénéfices ?
L’on prend en compte aussi dans cette politique de dividende, les nouvelles opportunités d’investissement. Deux questions à ce niveau: quelles sont les opportunités d’investissement de la société sur le moyen et le long terme ? Est-il possible d’isoler la décision d’investissement de celle du financement ?
La structure financière rentre aussi en ligne de compte. Sur ce volet, l’on se pose la question de la proportion qu’on substituer de la dette aux capitaux propres, du ratio d’endettement optimal de la société et du comment la distribution des dividendes affecte-t-elle la répartition entre les dettes et les capitaux propres.
Pour le reste, voici d’autres facteurs qu’on met aussi dans la balance:
–Les clauses restrictives. Existe-t-il des clauses dans les contrats d’émission (d’actions ou d’obligations) de la société lui imposant des restrictions sur la distribution des dividendes ?
Les considérations fiscales. Quel est le taux d’imposition de la société ? Quel est le taux d’imposition des actionnaires ?
Les opérations de prise de contrôle. Existe-t-il un besoin pour émettre de nouvelles actions ? Si oui, quel est l’effet d’une telle émission sur le contrôle de la société ?
Les réponses à toutes ces questions sont analysées par référence aux développements récents relatifs à la politique des dividendes.
En clair, les changements de la politique des dividendes communiquent une information aux investisseurs et aux marchés financiers. L’augmentation du dividende est une bonne nouvelle pour l’évolution des bénéfices futurs de la société. Elle informe le marché d’une hausse en moyenne des résultats anticipés par rapport à l’année précédente. Si cette information n’est pas anticipée par le marché, l’annonce conduit à une hausse des cours.
Encadré
Les pratiques de la distribution des dividendes
-Distribution de la totalité des Bénéfices. Rubner (1966) suggère une distribution de la totalité des bénéfices sous forme de dividendes. Sa suggestion est fondée sur le fait que les actionnaires préfèrent recevoir “plus” de dividendes “à moins” de dividendes.
–La Politique résiduelle des dividendes. Dans la mesure où la société n’adopte que les projets rentables, ayant une valeur actualisée nette positive, tout bénéfice supplémentaire doit être distribué sous forme de dividendes : c’est l’approche d’un dividende résiduel.
-L’absence de distribution des dividendes: Clarkson et Elliot (1966) avancent que le dividende constitue un “luxe” que ni les sociétés, ni les actionnaires ne peuvent se permettre. En pratique, quels que soient les mérites de cette approche, il est rare de voir les sociétés retenir la totalité des bénéfices en réserves sans distribuer de dividendes.
–La politique d’un dividende stable:Les chercheurs observent que les sociétés attribuent une importance considérable aux dividendes de l’année précédente. Ces résultats laissent à croire que les sociétés ont tendance à suivre un ratio de distribution relativement stable à long terme.
Notes:
Sur les ouvrages de Mondher Bellalah:
3 commentaires
merci pour cette explication , dont voici un complément:
une entreprise sur un marché qui fonctionne correctement réalise en Europe par exemple 2% de résultat net ( c’est le montant qui reste quand vous avez payé tout le monde)
sur les 2% de résultat vous payez alors des impôts ( en générale 30% … ce qui est énorme …)
ensuite vient le moment de ditribuer aux actionnaires ou pas :
-si vous distribuez tout l’argent , le banquier va vous dire : vous n’avez pas confiance en votre entreprise ? pourquoi ne pas investir ‘dans les fonds propres de votre entreprise ?
-si vous ne donnez pas de dividendes à vos actionnaires , il vont vous dire : vous retirez un emploi de l’entreprise pas nous , pourquoi vous ne nous versez pas de l’argent sur nos capitaux investis chez vous?
en conclusion une entreprise qui verse 50% de ses dividendes est une entreprise respectueuse des uns et des autres , en dessous d’un versement de 50% des dividendes , posez vous la question pourqoi le président directeur général privilégie les uns par rapport aux autres
Bonjour
si ça vous dérange pas Monsieur , Madame ou Mademoiselle merci de me donnez un document ou un petit rapport ou quelques paragraphes sur la politique de dividende des Entreprises Tunisiennes cotées en bourse
je serais très reconnaissante , j’ai beaucoup besoin de ces information et urgent
merci d’avance
Il n’y a pas de politique de versement de dividendes des entreprises Tunisiennes côtées en bourse , donc il n’est pas possible de donner de documents à ce sujet : chaque entreprise décide de verser ou pas des dividendes en fonction des résolutions du conseil d’administration.