La société civile appelle le Conseil des Ministres de la CEDEAO à rejeter l’offre d’accès au marché de 75%
Afrique de l’Ouest (Dakar et Abuja) 20 Juin 2013 – La 70ème session ordinaire du Conseil des Ministres de la CEDEAO se réunit du 20 au 21 juin 2013 à Abidjan pour échanger sur d’importantes questions relatives aux principaux chantiers de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. Parmi ces questions, figurent en bonne place le rapport sur le Tarif extérieur commun adopté par les Ministres des Finances en mars 2013 à Praia, au Cap Vert et la proposition d’une nouvelle et subite concession d’ouverture du marché régional à l’UE dans le cadre de la négociation de l’Accord de partenariat économique (APE).
La société civile ouest africaine, dans sa plus grande diversité, supporte et encourage le Conseil des Ministres à accélérer le pas pour l’adoption d’instruments de politique commerciale et économique appropriés, centrés sur les intérêts et aspirations des peuples de l’Afrique de l’Ouest et servant de base pour la transformation économique et la construction d’un marché régional fort et intégré.
Mais la réalisation de cet objectif majeur, poursuivi depuis 1975, n’est pas compatible avec la volonté actuelle de certains négociateurs de la CEDEAO d’accorder à l’union européenne une libéralisation de 75% du marché ouest africain dans le cadre des APE, en dépit des avis contraires exprimés par la quasi-totalité des acteurs de la région et étayés par les études les plus rigoureuses.
La société civile demande au Conseil des Ministres de rejeter la proposition d’offre de libéralisation de 75% du marché régional ouest africain.
Les sacrifices consentis par l’Afrique de l’Ouest pour se rapprocher des positions de l’Union européenne doivent être proportionnels aux efforts de cette dernière pour atteindre le même objectif. Or jusqu’ici, l’Union européenne est restée cramponnée sur ses certitudes juridiques, son dogmatisme économique et son manque de flexibilité politique contraire à toute idée de partenariat respectueux ainsi qu’aux normes de l’organisation mondiale du commerce qui accordent aux PMA un traitement spécial et différencié. N’ayant que la pression et les menaces comme stratégie pour répondre aux préoccupations légitimes de ses partenaires, la Commission européenne se rend coupable d’être le principal fossoyeur du partenariat entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest.
La libéralisation de 75% du marché ouest africain n’est pas soutenable pour les 11 pays les moins avancés (PMA) et les 4 pays en développement que compte l’Afrique de l’Ouest, une région parmi les plus vulnérables au monde. Certes, l’Afrique de l’Ouest fait face à de graves menaces sur son intégration. Mais la conclusion d’un APE déséquilibré et destructeur ne doit pas être le prix à payer pour préserver cette intégration. Car la désintégration de l’Afrique de l’Ouest du fait de la non conclusion de l’APE n’est pas une option acceptable. La signature d’un mauvais accord, juste pour sauver cette intégration ne l’est pas non plus.
Dans un monde complexe et trouble, et face aux défis qui se profilent à l’horizon, les peuples ouest africains attendent de leurs dirigeants, non pas une fuite en avant aventureuse et suicidaire, mais un véritable leadership pour le progrès qui ne peut s’accommoder de décisions et de choix économiques approximatifs.
La recherche d’alternatives crédibles et de solutions politiques et économiques acceptables est un impératif pour la région. Le scénario de 2007 montrant l’image d’une région n’ayant aucune solution interne et souveraine à proposer à ses Etats membres en difficulté doit être évitée à tout prix. Nous appelons le Conseil des Ministres de la CEDEAO à la sagesse et à faire preuve de courage politique pour refuser de compromettre durablement l’avenir de l’Afrique de l’Ouest. Plutôt que de se lier éternellement à un partenaire, nous encourageons les Ministres à fournir des efforts concertés pour élargir les perspectives de partenariat économique, notamment vers les pays émergents du Sud.
Nous attirons l’attention du Conseil des Ministres sur le fait que seul le Comité Ministériel de suivi a été investi du mandat de conduire les négociations de l’APE et formuler les positions de l’Afrique de l’Ouest. Toute autre démarche sera nulle et de nul effet.
Fait en Afrique de l’Ouest le 20 Juin 2013
Organisations signataires
1. National association of Nigerian Traders (NANTS, NIGERIA)
2. Third World Network Africa (TWNAFRICA, GHANA)
3. Centre africain pour le commerce, l’intégration et le développement (Enda CACID, SENEGAL)
4. West African civil society Forum (WACSOF)
5. Centre du commerce international pour le développement (CECIDE, Guinée)
6. Forum social sénégalais (SENEGAL)
7. Mouvement de la société civile (GUINEE BISSAU)
8. Groupe d’action et de recherche sur l’environnement et le développement (GARED ; TOGO)
9. Coordination malienne des acteurs non étatiques (CMANE AC, MALI)
10. Enda Tiers Monde (SENEGAL)
11. Organisation de la société civile d’Afrique francophone (OSCAF)
12. Groupe de Recherche et d’Action pour la Promotion de l’Agriculture et du Développement (GRAPAD, BENIN)
13. Réseaux des organisations et plateformes de la société civile (REPAOC, SENEGAL)
14. Plateforme des organisations de la société civile du Bénin (PASCIB, BENIN)
15. Plateforme des organisations de la société civile de l’Afrique de l’Ouest sur l’Accord de Cotonou (POSCAO)
16. Réseau des organisations de défense des droits de l’homme de la démocratie et du développement (RODDADHD ; NIGER)
17. Worldview (GAMBIA)