Par Mohamadou SY Siré
«Avec l’instrument militaire, vous ne pouvez pas tout faire mais sans l’instrument militaire, vous ne pouvez rien faire».
Raymond Aron, Philosophe
Le président américain, Barak Obama, va effectuer du 26 Juin au 3 Juillet 2013, sa première grande tournée africaine depuis son arrivée au pouvoir en Janvier 2009, en se rendant au Sénégal, en Afrique du Sud et en Tanzanie, après s’être rendu au Ghana en Juillet 2009. Les véritables raisons de cette tournée de Barak Obama en Afrique sont d’ordre militaire et sécuritaire.
Barak Obama, vient en Afrique, fondamentalement, pour des questions militaires et sécuritaires qui s’inscrivent dans un objectif précis: surveiller les organisations terroristes à partir du continent (leur nouveau foyer) pour protéger l’Amérique d’un nouveau ‘’11 Septembre’’ d’une part et d’autre part, pour lutter contre la piraterie et assurer la sécurité des compagnies pétrolières, surtout dans le Golf de Guinée et le long de l’Océan Atlantique.
Ainsi donc, face à ‘’l’équation Chinoise’’ et avec la menace de l’Inde, du Brésil, de la Turquie et du Japon qui gagnent du terrain sur le continent africain en termes de parts de marché et d’influence, les USA sont devancés dans le combat économique des ressources naturelles (matières 1éres) et des produits manufacturés (marchés d’export) par ces ‘’nouvelles puissances émergentes’’. Sans compter le fait que les USA commencent à perdre beaucoup de terrain en Afrique, en termes d’influence idéologique et de mainmise économique.
Et pour la ‘’Maison Blanche’’, il n’est pas question de perdre en Afrique, le ‘’combat’’ qui les intéresse le plus en Afrique, la présence sécuritaire et le positionnement militaire-la bataille géostratégique- dont l’issue dépendra en grande partie dans les années à venir, de cette rude bataille économique, politique et géostratégique que se livrent l’Europe, l’Amérique et l’Asie sur le ‘’Continent premier’’, l’Afrique.
Vue de plus prés, les USA souhaiteraient transférer et installer en Afrique (surtout en Afrique de l’Ouest), leur base permanente- AFRICOM (commandement US pour la région Afrique)- qu’ils positionnent depuis 2008 à Stuttgart en Allemagne. Pour les USA, la meilleure manière de surveiller les organisations terroristes, de lutter contre la piraterie et d’assurer la sécurité des compagnies américaines US, par le biais des RSR (Renseignements, Surveillance, Reconnaissance), c’est de transférer cette base AFRICOM d’Europe vers l’Afrique, d’autant plus que des voix se lèvent en Allemagne pour contester la présence de cette base militaire sur le sol allemand.
D’ailleurs, de toutes les menaces globales auxquelles les USA doivent faire face, celle terroriste en est leur casse-tête, avec ses trois foyers de tensions à fortes activités terroristes en Afrique: le Sahel, la Corne de l’Afrique et le Golf de Guinée.
D’abord au Sahel avec AQMI «Al-Qaïda au Maghreb Islamique» et ses satellites qui sont présents en Libye, en Algérie, au Tchad, au Mali, au Niger, en Mauritanie, et une possible contagion au Burkina Faso et au Sénégal.
Ensuite, dans la Corne de l’Afrique avec El-Shebab et Al-Qaïda, présentes en Somalie, au Kenya, en Uganda, au Sud-Soudan, en Ethiopie, en Djibouti et en Erythrée.
Enfin, dans le Golfe de Guinée avec Boko Haram notamment au Nigéria et la Guinée Bissau qui est devenue une plaque tournante du trafic de drogue qui finance le terrorisme au Sahel et dans le Golfe de Guinée.
Toutefois, les USA ont des positions militaires en Afrique de l’Est (Seychelles, Kenya, Ethiopie, Ouganda, Sud Soudan et une base permanente en Djibouti), en Afrique du Nord (en Mauritanie). Il leur reste à s’implanter en Afrique de l’Ouest, pour circonscrire le continent africain d’Est en Ouest en passant par le Sud, avec une mission dévolue aux pays européens membres de l’OTAN, de ‘’surveiller’’ le Nord du continent africain (Maghreb).
C’est dans cette perspective que Dakar, porte océane de l’Afrique par l’Ouest, serait la cible idéale pour l’implantation d’une base militaire américaine- probablement AFRICOM-, pour contenir les pirates dans le Golf de Guinée et tuer dans l’œuf, le terrorisme d’inspiration salafiste et djihadiste. Cette base militaire depuis le Sénégal, permettrait aussi de réduire la distance des terrains d’opération et de raccourcir les délais de réaction en cas d’éventuelles interventions. En clair, les USA sont en train de tisser en toute discrétion, un vaste réseau de bases et de positions militaires en Afrique.
Ce qui fait qu’au delà d’accueillir le chef d’Etat et de l’Etat le plus puissant du monde, au-delà de toutes les symboles que véhiculent les USA et son président de Barak Obama, il s’agira pour le président Macky Sall et dans l’intérêt du Sénégal, de répondre par une offre voire une contre-proposition dans une logique de partenariat ‘’win-win’’, à ce désir d’Afrique des USA. Ni plus ni moins, ce sont des intérêts (géostratégiques) qui sont en jeu et dans un monde interdépendant porté à bras le corps par une économie globalisée, c’est le jeu de l’offre et de la demande qui prime.
Pour preuve, le fait que sa tournée africaine coûtera environ 100 millions US $ aux contribuables américains et le fait que Barak Obama survole le Kenya, la patrie de son défunt père, expliquent à suffisance que le Chef de l’Etat américain ne vient pas en Afrique pour faire du Safari et pour visiter la prison Robben Island, un des hauts symboles de l’apartheid; ni pour témoigner sa douleur et sa compassion sur l’esclavage (l’île de Gorée). Il s’agit de ‘’business’’, d’une offre ou d’une proposition américaine à laquelle il faudra apposer ou opposer, une demande ou une contre-proposition.
Après la naissance de la civilisation humaine et de l’écriture en Afrique, en Egypte antique, l’Afrique redevient pour la deuxième fois de son histoire, le centre de gravité de l’Humanité d’où on y vient de partout (Asie, Europe, Amérique) et en accourant s’il vous plait, pour diverses raisons. Les uns pour des questions de vie et de survie, les autres pour des questions de sécurité et d’instinct de conservation. Pour une deuxième fois (depuis 2000) et comme à la belotte, nous (l’Afrique) avons les atouts et les bonnes cartes et nous ne devons pas jouer à un faux jeu.
A propos de l’auteur
Mohamadou SY ‘’Siré’’ est rédacteur en chef de African Business Journal. Il est également CEO ‘’Epsilone Consulting’’, Stratégie & Management à Casablanca, Maroc.