Invité spécial de Financial Afrique, le professeur Diarra Ibrahim, économiste, enseignant chercheur, tente de saisir la réalité du transfert d’argent en Afrique, dominé par Western Union et Moneygram, qui pratiquent des tarifs élevés. Entretien.
DIARRA Ibrahim, pouvez-vous vous présenter en quelques mots à nos lecteurs ?
Je me nomme DIARRA Ibrahim, je suis Economiste, Enseignant-Chercheur à l’Unité de Formation et de Recherche en Sciences Economiques et de Gestion de l’Université Félix Houphouët Boigny, et actuellement le Directeur du CIRES.
Qu’est-ce que le CIRES ?
Le CIRES, c’est le Centre Ivoirien de Recherches Economiques et Sociales, qui est une structure autonome de l’Université Félix Houphouët Boigny de Cocody. Créé depuis 1971, le CIRES a pour missions d’entreprendre des activités de recherche concernant les problèmes économiques et sociaux de la Côte d’Ivoire et de la Sous-Région ; d’établir des relations suivies avec le maximum d’organes économiques publics ou privés, et publier des travaux de recherche concernant les disciplines économiques et sociales.
Le marché des transferts africains est actuellement assuré par Western Union et Money Gram. Le manque des entreprises dans le marché des transferts, selon certains analystes, c’est des raisons principales qui poussent à ces coûts très élevés, que pensez-vous ?
Les coûts élevés des transferts de fonds en Afrique sont globalement, la conséquence d’une inefficience de ce marché. Les causes de cette inefficience résident bien entendu dans la structure oligopolistique du marché des transferts qui est dominé à plus de 65% par Western Union et Money Gram. Cependant, le cadre bancaire, réglementaire et de suivi constitue également un frein. Des mesures allant dans le sens d’un encouragement de la concurrence devraient viser à améliorer l’infrastructure des systèmes de paiement et les réglementations relatives aux services de transferts d’argent (Banque Mondiale et Commission Européenne, 2011).
La Tanzanie, l’Afrique du Sud et le Ghana sont les pays qui pratiquent les tarifs les plus élevés en Afrique, quelle est votre analyse ?
N’ayant pas les raisons objectives de ces tarifs élevés, nous pouvons cependant dire que si les structures en charge des transferts de fonds sont dans une sorte de monopole ou d’oligopole, les prix liés aux transferts seront élevés. Au Ghana par exemple seules les institutions de microfinance sont habilitées à effectuer des transferts de fonds internationaux, justifiant ainsi que les tarifs soient élevés. Ce n’est pas toujours le cas dans de nombreux pays africains.
Les coûts de l’Afrique sont encore 25 % de plus qu’en Amérique latine et en Asie, qui ont connu une nette réduction des coûts ces dernières années. Pourquoi cette différence?
L’Afrique souffre de plusieurs maux :
– Le manque de transparence du marché
– La faiblesse de l’infrastructure utilisée pour fournir les services de transferts de fonds
– les effets nuisibles d’une réglementation défaillante ou disproportionnée ou d’un cadre juridique déficient
– le manque de concurrence
Selon vous, les transferts des migrants offrent-ils réellement des avantages considérables en Afrique?
Nos recherches au CIRES à partir des données d’enquête ENV 2008 ont montré que les transferts réduisent significativement l’incidence de la pauvreté ou la probabilité d’être pauvre et ont tendance à réduire la profondeur et la sévérité de la pauvreté. Aussi à partir des enquêtes effectuées par le CIRES dans le Cadre du projet « Transferts Internationaux, pauvreté et inégalités en Afrique de l’Ouest », on a montré que les fonds envoyés servent à financer la consommation finale (85,84%); l’investissement en capital humain : éducation/santé (42,45%); l’investissement dans l’immobilier et les petites affaires et épargne (35,85%). En analysant ces transferts reçus sous l’angle des usages prioritaires, ces fonds sont alloués prioritairement à la consommation finale (57%), au capital humain (19%), à l’immobilier et les petites affaires (18%) et les autres motifs (6%).
Quel est votre point de vue sur le mobile-banking, constitue-t-il vraiment une meilleure solution?
L’introduction de services de paiement mobile constitue une opportunité pour le développement du marché des transferts en Afrique en ce sens qu’elle va réduire les coûts liés aux opérations et favoriser toutes choses étant égales par ailleurs, une grande utilisation des services formels de transferts.
Quelques mots pour conclure ?
Les transferts des migrants peuvent et doivent constituer une source de relance de nos économies africaines, notamment en Afrique au Sud du Sahara, où ces fonds constituent la deuxième source de capitaux étrangers derrière les investissements directs étrangers (IDE) et devant l’aide publique au développement (APD). Il s’agit pour nos gouvernants de bien canaliser ces transferts et surtout d’encourager ces migrants à investir dans le secteur privé afin de créer des emplois.
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