La destitution du président Mohamed Morsi, islamiste modéré, élu avec 57% des suffrages, il y a tout juste un an, nous rappelle aux dures réalités des relations internationales. Celles-ci ne sont pas régies par la morale démocratique mais par les intérêts économiques et stratégiques.
Autant, l’Union Africaine, à travers ses instances les plus indiquées (Conseil de Paix et de Sécurité, la Commission de l’Union Africaine) a appliqué ses principes à la lettre, suspendant ce grand pays, grand contributeur à son budget, pour interruption brutale de la constitution. Autant, les grands pays de l’Occident, ont multiplié les atermoiements pour éviter de parler de « putsch » et entretenir leur opinion publique par la peur de l’islamisme.
Les USA dont la constitution interdit tout soutien à un coup d’Etat s’accommodent ainsi du nouvel ordre égyptien, lequel rappelle l’ordre ancien incarné par Moubarak et cie. Au delà des pirouettes du langage diplomatique, Washington, Paris et Londres témoignent leurs préférences à un ordre sécuritaire, « respectueux des minorités et des femmes », « modernisant et laïcisant » plutôt qu’à un ordre démocratique incarné par le suffrage universel direct, que la conception islamiste faisait coïncider à la dictature de la majorité.
Or c’est peut-être là, sur les valeurs universelles, le respect des minorités et des libertés individuelles que la démocratie égyptienne et celle de tous les gouvernements des pays de la région, nés dans le giron du printemps arabe, ont le plus à se reprocher. La suspicion de confiscation des libertés, la carence de légitimité qui pèse sur la constitution égyptienne -entérinée à la hussarde- ainsi que l’avenir en suspens de la minorité copte ont régulièrement nourri les critiques envers les Frères musulmans. S’ils se défendent de tout projet attentatoire à la démocratie, les islamistes n’en insistaient pas moins sur la nécessité de réconcilier l’Egypte avec ses traditions et ses valeurs culturelles à dominance musulmanes.
Aprés 500 ans de domination Ottomanes et une courte période de fascination occidentale incarnée par Méhemet Ali, l’Egypte était tombé sous la botte sécuritaire garante des intérêts franco-britanniques et de l’ordre mondial d’antan. L’intermède de Gamal Abdel Nasser n’aura duré qu’un printemps, le temps de cristalliser l’option sécuritaire et militaire comme moyen de pouvoir, de paix et de sécurité pour l’Egypte. L’Egypte est trop stratégique pour être laissée aux barbus, fussent-il démocrates. La défense du canal de Suez, du terminal de Rafah et des accords de camp David sont suffisamment importantes pour justifier une entorse à l’image d’Epinal de l’Occident, défenseur de la démocratie dans le monde. Va-t-on désormais poursuivre les attaques contre le Syrie au nom de la démocratie? Va-t-on poursuivre l’embargo contre Robert Mugabé du Zimbabwé au nom de la démocratie?