L’Arabie Saoudite vient débloquer une aide de 5 milliards de dollars à l’Egypte. Les Emirats Arabes Unis ont fait de même pour 3 milliards de dollars. Ce renflouement express devrait être suivi prochainement par le Fonds monétaire international, lequel avait « idéologiquement » retardé la conclusion d’un accord avec le gouvernement islamiste de Mohamed Morsi.
Vainqueur des urnes il y a une année, Mohamed Morsi a été balayé par un puissant courant laïque qui a réussi une impressionnante mobilisation par internet (2 millions de pétitions) et sur la place Tahrir. L’armée qui a déposé et placé en détention le président démocratiquement élu est le véritable gagnant de la situation. Les généraux égyptiens ont réussi la prouesse d’obtenir le feu vert de Washington, Paris et Londres pour un changement violent et meurtrier qui porte tous les symptômes d’un coup d’Etat.
Souvent accusée de protéger les dictateurs, l’Union Africaine se retrouve seule à défendre un ordre constitutionnel dont la chute a été accueillie par un étonnant silence de l’ONU. L’organisation africaine qui a nommé un panel de haut niveau pour le suivi de la crise égyptienne arrivera-t-elle à défendre une position que nombre d’experts jugent intenables?
En effet, derrière la chute de Mohamed Morsi, il y avait le bras de fer entre islamistes et laïcs. Les premiers sont soutenus par ceux, de Tunis à Téhéran, qui estiment, au delà du clivage sunnite-chiite, que la religion a la primauté sur tout, devant gérer la société et en être la référence suprême, source de droit.
Quant aux deuxièmes, modernistes autoproclamés, ils militent pour une société laïque d’inspiration occidentale où les femmes et les minorités religieuses auront des droits normaux.
Alors que les premiers se drapaient derrière une légitimité acquise par le suffrage universel, les deuxièmes invoquaient la légitimité de la rue. L’impopularité manifeste de Mohamed Morsi, dont le parti gouvernait seul à l’inverse de la Tunisie (où l’attelage gouvernemental est tiré par une troika comprenant divers courants, dominés toutefois par les islamistes) , valait-il une entorse à la constitution au risque de plonger le pays dans le bain de sang?
Pour les experts, l’Egypte est un pays stratégique, où les intérêts divers sont en conflit. Les monarchies du Golfe, traditionnellement hostiles aux islamistes réformateurs, ne voulaient pas d’un laboratoire salafiste à ciel ouvert à quelques kilomètres de leurs frontières. Hormis le Qatar et sa traditionnelle diplomatie double , aucune monarchie du Golfe n’est volée au secours de Morsi. Il semble bien que les jeux sont de plus en plus clairs dans ce que le romantisme médiatique avait désigné par l’expression analogique « printemps arabe ».
Adama Wade