Jean-Joseph Boillot (photo) a publié avec le jeune journaliste économique Stanislas Dembinski, il y a quelques semaines, chez Odile Jacob, le livre CHINDIAFRIQUE : La Chine, l’Inde et l’Afrique feront le monde de demain. Le seul néologisme CHINDIAFRIQUE mérite le détour. Davantage, le poids cumulé de ces 3 «continents» atteindra 50 % du PIB en parité du pouvoir d’achat en en 2030. Un renversement stupéfiant ! Dans cet essai prospectif, superbement écrit et rassemblant des idées convaincantes, le lecteur se délecte. Dans cet entretien exclusif accordé à FinancialAfrik.com, il aborde plusieurs sujets centraux des thèses du livre : il parle de Fenêtre d’Opportunité Démographique, de guerre économique ou de l’évolution en trois temps du trio Chine, Inde et Afrique. Lisez plutôt.
propos recueillis par Serge Tchaha
Comment vous est-il venu l’idée d’écrire un livre sur ces 3 «continents» ?
Ce n’est pas simplement une idée. Le concept de « Chindiafrique » est le résultat d’un travail mélangeant travail prospectif et enquête de terrain dans les pays émergents depuis une trentaine d’années. J’ai commencé par l’Inde en 1981 où je sentais à quel point ce continent était déjà sur une trajectoire de décollage alors que les idées dominantes à l’ouest étaient celles de la misère, des castes etc. De façon tout à fait naturelle, j’ai souhaité comparer cette nouvelle Inde avec un ensemble continental de poids comparable. C’était alors l’ouverture de la Chine et sa taille en faisait un point de comparaison évident. Pendant une quinzaine d’années, je n’ai cessé de passer d’un géant asiatique à l’autre et ce fut le sujet de ma thèse. Ce n’est qu’au début des années 2000 que j’ai senti la nécessité d’intégrer l’Afrique à ma réflexion prospective. J’étais alors conseillé financier à New Delhi, et c’est à l’occasion d’une note prospective sur les perspectives de l’Inde que j’ai découvert l’importance non seulement de la Chine bien sûr, mais aussi de l’Afrique. Toutes les courbes à l’horizon 2020-2030 montraient en effet que l’Afrique était en train de s’affirmer non seulement comme une puissance démographique mais également économique. Est venue alors cette intuition d’un jeu à trois que j’ai voulu explorer de façon beaucoup plus rigoureuse pour comprendre ce que pourrait être le monde dans les prochaines décennies. Et pour cela, il m’a fallu plusieurs années pour comprendre l’Afrique, cette fois avec un regard asiatique tout à fait nouveau. Et je n’ai pas été déçu de mes découvertes progressives. Tout au contraire.
Pendant la recherche, y-a-t-il eu des éléments surprenants ?
Oui je n’ai cessé d’aller de surprise en surprise. D’abord l’importance du tissu de relations entre les trois géants qu’on n’avait pas l’habitude de regarder avec cette nouvelle perspective. La Chine est ainsi devenue le 1er partenaire économique de l’Afrique pendant mon travail de recherche, mais l’Inde s’est également hissée au 3e rang en quelques années. Je parle d’un tissu de relations car il ne s’agit pas seulement de relations diplomatiques, de visites de chefs d’État, mais tout autant d’investissement directs de firmes chinoises ou indiennes dans un très grand nombre de pays africains, ou encore de relations culturelles de plus en plus denses. Je pense ici aux instituts Confucius ou encore à l’impact du cinéma Bollywoood auprès de la jeunesse africaine. Une autre surprise a été de voir l’impact net de ces deux pays, et en particulier de la Chine, s’avérer plus positif que ne le disent beaucoup d’experts ou encore de journalistes occidentaux obsédés par le « pillage colonial de l’Afrique ». Même si on ne doit pas occulter certains effets négatifs des relations avec la Chine ou même l’Inde, j’aime utiliser l’expression « coups de pieds dans la fourmilière africaine » pour décrire ce que représente l’arrivée des deux géants asiatiques sur les terres africaines depuis les années 1990. Le made in China a sans doute beaucoup détruit de petites entreprises ou de petits commerces, ou encore alimenté les réseaux de corruption, mais il a remis en cause également beaucoup de rentes de situation locales et surtout extérieures comme la françafrique par exemple.
Quand on vous lit, on se dit qu’en raison de sa démographie, notamment, l’Afrique aura forcément un formidable coup à jouer. Sa Fenêtre d’Opportunité Démographique va apparaître. Est-ce une interprétation juste ? Comment apparaîtra cette fenêtre ? Quelles conséquences pour l’économie ?
Oui, la démographie joue un rôle clé. Mais attention. Il s’agit non pas du nombre d’habitants, mais de l’ensemble des séquences socio-démographiques induites par ce qu’on appelle la «transition démographique», et notamment les pressions de la vague de jeunes qui arrivent à l’âge actif. D’abord des phénomènes générationnels qui pèsent en particulier sur des structures politiques dominées par les vieilles générations, comme sur les structures familiales. Ensuite des phénomènes économiques classiques bien connus tant du côté de l’offre que de la demande. La jeunesse recherche du travail, veut consommer et se constituer en famille, élargissant de ce fait les débouchés du côté de la consommation interne.
Mais attention là encore. Une fenêtre d’opportunité, c’est une opportunité qui peut se transformer en fatalité dès lors que l’on n’arrive pas à valoriser cette ressource extraordinaire que représente le capital humain. L’état actuel du chômage des jeunes en Afrique m’amène plutôt à relativiser l’idée d’un miracle africain. C’est la raison pour laquelle j’indique dans le livre Chindiafrique qu’une grande partie de la fenêtre d’opportunité démographique va dépendre de la capacité à optimiser les flux migratoires dans les deux décennies à venir. Je ne pense pas en effet que l’état actuel des politiques économiques permette à l’Afrique d’absorber véritablement les 10 à 15 millions de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail. L’Afrique va donc devoir jouer doublement sur les politiques migratoires et sur les politiques de développement économique pour valoriser sa fenêtre d’opportunité démographique. Optimiser cette fenêtre ne va pas de soi. Mais si elle y arrive, alors on peut espérer que la croissance africaine devienne durable autour de 6 à 8 % par an en moyenne, au lieu des 5 % actuels assez largement tiré par l’utilisation des ressources naturelles mais pas encore vraiment des ressources humaines.
Dans votre livre vous affirmez qu’il s’effectue une sorte de course à trois temps entre les trois géants : la Chine est suivie par l’Inde qui elle-même est devant l’Afrique. Parlez-nous de cette course?
Je ne parle pas vraiment d’une course entre les trois géants. Mais plutôt d’une valse à trois temps. Il y a en effet très peu de chances que l’Afrique rattrape la Chine avant bien longtemps et je ne crois pas non plus à un rattrapage rapide de l’Inde. Par ailleurs les trois géants sont suffisamment différents pour qu’on puisse dire qu’ils ne pratiquent pas le même sport. Pour reprendre cette image, je dirais qu’on a plutôt affaire à trois sportifs dans trois sports différents et qui mûrissent à trois moments différents. Mais il est vrai que la Chine a ouvert le chemin à la fin des années 70 et que c’est cela qui a bousculé l’Inde au moment même où elle rentrait dans sa fenêtre d’opportunité démographique et qu’il lui fallait dépasser le premier modèle d’industrialisation de Nehru. Et c’est la combinaison des deux qui a bousculé l’Afrique à son tour au moment de la décennie terrible des ajustements structurels.
Avec ces trois géants, il faut donc raisonner avec deux axes au moins : le facteur temps d’un côté, mais aussi des structures socio-politiques très différentes. Cela décrit donc un espace assez complexe que j’appelle précisément le triangle Chindiafrique. Il n’y aura pas à mon sens de gagnants ou de perdants car j’ai le sentiment que les trois réussiront tant bien que mal sur leur trajectoire de renaissance à l’échelle mondiale.
À propos de cette valse, nous avons noté que Jacques Attali affirmait que le XXIe siècle sera africain et non chinois, partagez-vous son avis ?
Disons qu’il s’agit plutôt d’une intuition de Jacques Attali puisqu’il procède largement de cette façon. Pour en avoir parlé avec lui, Jacques Attali insiste en réalité sur l’importance des facteurs culturels pour penser que l’Afrique a plus de chances de marquer le XXIe siècle. Il considère en effet que la culture monochrome chinoise à moins de capacité à influencer le monde que la culture polychrome de l’Afrique. Je ne suis pas loin de partager son intuition, même si en tant que scientifique j’ai le sentiment que les choses sont plus compliquées. Depuis plus de 5000 ans, la Chine a érigé une civilisation complexe capable manifestement d’une grande efficacité mais aussi d’une grande résilience même si elle a connu des pages noires dans son histoire tantôt dues à des conflits internes, tantôt à des interventions étrangères. Ceci en fera probablement un acteur clé du XXIe siècle. En revanche, il me semble effectivement que l’Afrique pourrait jouer un rôle de plus en plus central pour trois raisons : sa polychromie culturelle bien plus complète que chez les deux autres géants, mais aussi l’histoire de sa diaspora beaucoup plus présente dans le monde que les diasporas chinoise ou indienne, et enfin d’un phénomène géographique tout bête : sa localisation entre l’Amérique, l’Europe et le Moyen-Orient, c’est-à-dire des acteurs qui resteront des clés du XXIe siècle.
Il est attribué à la diaspora chinoise un rôle important dans l’émergence de ce pays-continent. Les tortues de mer ont contribué à la prospérité économique et intellectuelle de l’Empire du Milieu. À partir de cette réalité, selon vous, que peut ou que doit attendre l’Afrique de sa diaspora ?
Oui le phénomène de la diaspora a joué un rôle central pour la Chine de Deng Xiaoping, notamment grâce à Hong Kong, Singapour et Taiwan, et plus récemment des États-Unis. Mais hors d’Asie, la diaspora chinoise dans le reste du monde est étroite. La diaspora indienne a également joué un rôle clé, notamment celle des années 1960 comme on en a parlé plus haut, et elle est beaucoup mieux répartie entre l’Asie et l’Amérique en passant par l’Europe, le Moyen-orient et bien sûr l’Afrique. C’est sur elle que s’appuient des groupes comme Mittal ou Essar, ou encore le fameux roi des roses en Ethiopie, un Gujarati, une communauté bien implantée sur toute la côte est de l’Afrique.
Pour l’Afrique, le phénomène pourrait être encore bien plus important compte tenu de l’ampleur de la diaspora africaine aux États-Unis ou en Europe. En revanche celle-ci est rarement bien positionnée dans les milieux d’affaires. La vraie question est comment utiliser la diaspora ? Comment lui donner envie de revenir, d’investir ? Et ici, la politique chinoise a été particulièrement judicieuse, y compris au moment de la rétrocession de Hong Kong en 1997. Les politiques africaines dans ce domaine ne m’apparaissent pas très claires alors même que beaucoup d’Africains en Europe ou aux États-Unis ont effectivement le sentiment que l’Afrique bouge et qu’ils pourraient désormais y faire des affaires, y investir leurs économies, leur réputation. Une véritable course de vitesse me semble engagée entre l’amélioration de l’environnement institutionnel pour la diaspora africaine et le désir d’un retour aux sources qui pourrait s’émousser. Mais je dois dire que je suis plutôt confiant à la vue de ce qui se passe dans le domaine des fonds d’investissement créés par des Africains d’origine comme Lionel Zinsou en France.
Votre livre est aussi très intéressant parce que vous y parlez d’innovations frugales venant d’Inde notamment. Vous pensez d’ailleurs que ces innovations vont renforcer le commerce au sein du triangle CHINDIAFRIQUE. Dites-nous en plus.
Oui, il s’agit d’un point fort du livre. Merci de le noter. Les innovations seront la clé du décollage de l’Afrique, et notamment les innovations « endogènes », c’est à dire pensées et mises en œuvre par les Africains eux-mêmes. Le made in china à plus tôt eu des effets dévastateurs sur les économies africaines avec l’efficacité légendaire des usines chinoises qui reproduisent du made in Occident à des prix défiant toute concurrence même s’il est parfois de qualité douteuse. Mais pas toujours. Pendant ce temps, l’Inde inventait un autre modèle de développement largement centré sur son marché domestique et sur ce qu’elle appelle là-bas la « self Reliance », c’est-à-dire la capacité endogène de développer son industrie avec ses propres entrepreneurs et ses propres cerveaux. Et pour cela, il a inventé par la force des choses ce qu’on appelle des innovations frugales et le fameux « ultra Low cost » : faire simple, pas cher mais aussi de qualité. Le bon exemple sont les médicaments génériques ou la distribution des produits par petite dosettes ou recharge de téléphone à quelques centimes. La Chine se rend compte aussi que pour réussir en Afrique, cibler la classe moyenne supérieure urbaine ne suffit pas. Il faut faire des choses simples, robustes, faciles à réparer et pas seulement bon marché. Ce qui est intéressant ici est que les firmes occidentales qui végétaient en réalité sur le marché africain ont commencé à se rendre compte que ce type d’innovations frugales allait être la clé de la concurrence pour atteindre ce qu’on appelle le « Bottom of the Pyramid », c’est à dire les centaines de millions de consommateurs africains qui vivent avec moins d’un ou deux dollars par jour. L’exemple de l’opérateur Orange est ici très révélateur. Il s’est manifestement inspiré du modèle indien de téléphonie mobile –Airtel- pour sortir du marasme dans lequel il s’était mis au début avec des marchés protégés, des prix élevés et des produits complexes. Le rétablissement d’Orange est aujourd’hui un succès reconnu par toutes les firmes occidentales. On peut citer également le cas de Pepsi, de Procter & Gamble et bien sûr de General Electric dans la santé notamment. A chaque fois, ce qui me frappe c’est l’axe Sud-Sud des innovations qui passent entre la Chine, l’Inde et l’Afrique. Ces géants ne rattrapent pas le monde occidental. Ils sont différents et inventeront des modèles, des solutions différentes.. Et je ne suis pas sûr du tout que l’Afrique ne rentre pas dans cette nouvelle donne de l’innovation si j’en juge par la créativité de ses jeunes entrepreneurs.
Christian Harbulot en parlant de la guerre économique, dit qu’il s’agit d’une guerre se déroulant en temps de paix. Dans une course effrénée pour les matières premières en Afrique, quelle sera l’attitude de l’Inde et la Chine dans les années à venir ?
Je ne crois pas à la notion de guerre économique ni à celle d’une course effrénée pour les matières premières, notamment parce que l’économie chinoise va clairement ralentir dans les prochaines années et que l’Inde a appris à être frugale. Tout est question de prix. Avec des prix structurellement élevés, on va apprendre à substituer des matières premières, mais aussi à être de plus en plus frugaux, y compris dans le monde occidental. En réalité l’obsession de la Chine et de l’Inde est la sécurité de leurs approvisionnements, c’est-à-dire avoir leurs propres entreprises dans les matières premières et traiter avec des partenaires fiables. Elles ont découvert que la tradition des pays non-alignés, née au sommet de Bandung en 1955, pouvait leur garantir que l’Afrique soit un partenaire fiable pour leurs géants nationaux. Il est clair qu’il s’agit pour l’Afrique d’une troisième fenêtre d’opportunité à ne pas manquer si elle sait gérer correctement cette relation. La Chine et l’Inde ont besoin de l’Afrique. Mais l’Afrique a également besoin de l’Inde et de la Chine pour sécuriser la valorisation de ses matières premières dans les prochaines décennies, y compris par une transformation croissante sur place si l’Afrique comprend qu’il n’y a pas beaucoup d’intérêt à exporter des produits bruts alors qu’elle a tant besoin en outre de créer des emplois sur place. Mais cela suppose de bonnes infrastructures, la garantie de l’état de droit dans les affaires, et une nette séparation entre les sphères politique et du business. Ce qui ne veut pas dire bien sûr que les Etats n’ont pas besoin de planifier l’avenir, de mener des « politiques industrielles », tout au contraire. En fait, le potentiel d’échanges entre la Chine, l’Inde et l’Afrique pour des produits manufacturés est considérable, qu’il s’agisse de la pétrochimie, de l’agro-alimentaire etc… La Chine et l’Inde ont notamment des contraintes majeures en termes d’environnement, d’espace et de ressources qui sont autant d’opportunités gigantesques pour l’industrialisation de l’Afrique. A elle de comprendre ces réalités et de se penser comme un acteur industriel majeur du XXIe siècle là où elle a manifestement des avantages comparatifs.
Restons dans cette guerre ou plutôt bataille si vous préférez; l’économiste Lionel Zinsou estime que viendra un moment où l’Afrique gardera ses matières premières pour elle-même, qu’en dites-vous ?
Oui, c’est exactement ce que je dis aussi dans le livre. Dans le cas du pétrole par exemple, mon travail de prospective montre que l’Afrique n’aura probablement pas assez de pétrole pour elle-même d’ici 2030 au rythme actuel de son développement. Lionel Zinsou a tout à fait raison. L’Afrique n’est ni le Brésil, ni la Russie. Elle dispose sans doute du tiers des réserves naturelles du monde mais elle va compter 2 milliards d’êtres humains en 2050 et n’aura pas de trop de ses ressources naturelles si elle veut atteindre le fameux seuil intermédiaire de richesse qui est compris entre 2 et 7000 USD environ pour le PIB par habitant. Le problème n’est donc pas seulement celui d’une valorisation sur place des ressources naturelles africaines, mais de mettre en oeuvre de plus en plus rapidement les usines de transformation et les infrastructures pan-africaines adéquates car le continent aura de plus en plus besoin de béton, d’acier, de plastique…
Dans leur livre « Chine : les nouveaux milliardaires rouges », Laure De Charrette et Marion Zipfel décrivent l’émergence d’une foultitude milliardaires (en dollars). Nombre de ceux-ci ont bâti leur fortune dans un temps relativement « court ». Verra-t-on pareils phénomènes en Afrique ?
je n’aime pas beaucoup l’expression « nouveaux milliardaires rouges ». C’est un mélange douteux de deux expressions péjoratives : « nouveaux riches », sous-entendu des gens peu compétents et peu cultivés ; et « milliardaire rouge », sous-entendu qui a fait fortune sur le dos du peuple en jouant sur ses relations dans les méandres du parti communiste. Sur un plan strictement économique, les « milliardaires rouges » ont bâti des fortunes dans des laps de temps tout à fait comparable aux grandes fortunes occidentales partout dans le Nouveau Monde à la fin du XIXe siècle, qu’il s’agisse du Brésil de l’Argentine et bien évidemment de l’Europe et des États-Unis. On est ici en présence d’un mécanisme que Karl Marx désignait par l’expression d’accumulation primitive. La particularité des pays émergents –Chine et Inde tout particulièrement- est qu’ils offrent à leurs entrepreneurs un océan d’opportunités mais également un océan de risques, à la fois économiques et politiques. C’est donc un univers tout à fait propice à des fortunes rapides pour des entrepreneurs intelligents et qui n’ont pas froid aux yeux comme ce fût le cas de Rockfeller à la fin du XIXe siécle.
Dans le cas de l’Afrique, on a de facto déjà des milliardaires saufs que ce sont souvent des prédateurs politiques qui ont bâti des fortunes dans les dernières décennies bien souvent à l’abri du pouvoir militaire et de rentes de situation qui n’ont rien à voir avec l’esprit d’entreprise. Résultat, cette accumulation primitive du capital se trouve bien souvent ailleurs qu’en Afrique au lieu de s’y être réinvestie comme en Chine ou en Inde. Il faut au contraire espérer qu’il y aura beaucoup de vrais milliardaires africains dans les années à venir qui tirent leurs fortunes de leur travail d’entrepreneurs et de leur goût du risque. J’observe que dans le classement du magazine Fortune des 20 plus grandes fortunes africaines, plus de la moitié relèvent de cette catégorie et c’est plutôt encourageant. Je pense aussi à ce que fait Mohamed Mo Ibrahim aujourd’hui avec sa fondation. Toute la question à l’avenir est de savoir si la jeunesse africaine continuera de réussir dans sa mobilisation pour imposer plus de transparence dans la vie politique et économique comme elle le fait aujourd’hui. Et si les institutions politiques et économiques favoriseront enfin la mise en concurrence des nouveaux riches qui évidemment cherchent en permanence à reconstituer des rentes de monopole y compris au travers de la captation du pouvoir politique.