Eric Laurent vient de publier un roman (1) comme on aimerait en lire plus souvent.
C’est d’abord un polar. Une fois que vous l’avez ouvert, vous ne pouvez plus vous en détacher. Plein de rebondissements, de suspens, il tient le lecteur en haleine de bout en bout. C’est ensuite un roman de science fiction. Et l’on sait, au moins depuis Jules Verne, qu’il faut prendre cette littérature au sérieux. C’est, enfin, et j’allais écrire surtout, un livre de géopolitique.
Je sais bien que, comme le constate Pascal Boniface, la géopolitique « envahit les rayons des librairies, des bibliothèques, les écrans de télévision, les pages de journaux » (in « la géopolitique ». Editions Eyrolles). Raison de plus pour s’y intéresser. D’autant plus, comme le rappelle Alexandre Defay, que «la globalisation économique et culturelle conduit à ce que quelques centres de décision politique – voire un seul – puissent décider du sort de la planète tout entière » (in « la géopolitique » éditions Puf).
Le roman d’Eric Laurent raconte justement l’histoire d’une conspiration organisée par le chef de la sécurité de la Chine, Wao Yen, pour changer le rapport des forces dans le monde en faveur de son pays et au détriment des Etats Unis. Son plan, d’une simplicité diabolique, consiste, dans une première phase, à convaincre l’Arabie Saoudite de vendre sa production pétrolière exclusivement à la Chine. Puis, dans une seconde phase, à se débarrasser de tous les bons du trésor américains détenus par son pays.
Ainsi, les deux armes, o combien redoutables, utilisés sont le pétrole et la finance. Les Etats Unis songent d’abord à une riposte militaire, avant de se raviser, réalisant que cela est désormais tout simplement impossible.
L’un des trois principaux protagonistes du roman, le professeur Robert Wayne (clin d’œil ironique au John du même nom ?) enseignant à l’université Georgetown, constate que « l’Amérique avait l’insigne privilège de se penser ‘’l’élue ‘’ et en même temps de pouvoir se retirer dans un splendide isolement vis-à-vis du reste du monde…….Mais ce schéma (…) se révélait de moins en moins vrai. Les crises internationales venaient secouer le pays avec une violence sans cesse accrue, jusqu’à ébranler les fondements du système ».
Bien entendu, le livre d’Eric Laurent est une fiction et non un essai. Il n’en constitue pas moins une introduction intéressante à la géopolitique. D’autant que l’ouvrage n’est pas manichéen. Il est même tout en nuance. Ses personnages sont intelligents, cultivés et intellectuellement sophistiqués. Malgré un combat à mort, la violence physique en est quasiment absente.
Constat : le soft power l’emporte désormais sur le hard power, la force des armes. Nous serions bien avisés d’y réfléchir.
(1) « La conspiration Wao Yen ». Editions Fayard, France 2013
Majid Kamil
Ancien ambassadeur/Directeur de banque