Gérard Challiand, éminent spécialiste des questions stratégiques internationales, vient de publier un ouvrage stimulant intitulé « vers un nouvel ordre du monde » (Paris, éditions du Seuil).
Par Majid Kaim*
Dans des chapitres clairs, d’une lecture agréable, il décrit les évènements majeurs qui ont conduit à l’avènement du nouvel ordre mondial dans lequel nous vivons désormais. Commençant par des développements historiques forts utiles, il rappelle que le premier choc de civilisation est celui « qui s’est en réalité produit au XIX° siècle, lors de la formidable irruption des européens dans le monde asiatique et, par la suite, africain ». (voir également « qu’est ce que la pensée post coloniale », passionnante interview d’Achille M’bembe à la revue Esprit – diffusion Eurozine, 18/07/2013).
Deux guerres mondiales ; Dien Bien Phu ; l’Algérie ; la décolonisation ; le Vietnam ; l’Irak ; l’Afghanistan ; le Rapport Khroutchev et la déstalinisation ; la Pérestroïka et la Glasnost de Gorbatchev ; l’effondrement du mur de Berlin ; Deng Hsiao Ping et la montée en puissance de la Chine et avec elle d’une partie de l’Asie ; les crises économiques mondiales ; tels sont quelques uns des évènements qui ont contribué à changer notre monde, ou plus exactement à nous faire changer de monde. « En Europe occidentale comme en Amérique du nord, l’esprit du temps a connu un changement profond. C’en est fini du racisme ouvertement prôné, de la mentalité impériale ».
Gérard Chaliand rappelle que la génération qui a eu trente ans dans les années quatre vingt, ma génération, aura connu de nombreux bouleversements majeurs : Géographique d’abord, avec la naissance de nouveaux états en grands nombre, entre 1960 et 1980 du fait de la décolonisation, puis dans les années 1990, après la disparition de l’URSS. Intellectuel ensuite avec les écrits majeurs de Soljenitsyne, Simon Leys. Technologique enfin avec la révolution numérique. Sans oublier les enjeux écologiques, bien évidemment.
On peut s’étonner que l’auteur ne consacre pas de chapitre spécifique à l’Afrique, dont le rôle sera (est déjà), malgré tout, important (voir à ce propos « chindiafrique » de Boillot et Dembinski. Editions Odile Jacob).
« (…)L’histoire mondiale a repris sa marche chahutée, courant vers un futur inconnu tout en retournant vers un passé disparu », écrivait, il y a vingt ans déjà, le philosophe Edgard Morin (« Terre-Patrie » éditions du Seuil). C’est ce que nous démontre encore récemment les « Printemps » arabe, les «conflits » africains, les « crises » européennes, etc.
Nous serions bien inspirés d’y réfléchir sereinement, sérieusement, sans complaisance vis-à-vis de nous mêmes, tant il est vrai également, comme l’écrit Gérard Chaliand à la toute fin de son livre que « la massification est l’une des caractéristiques de notre époque, dans laquelle les opinions, au nom d’idéologies diverses, sont manipulées ».
*Majid KAMIL est anncien Ambassadeur, actuellement Directeur de Banque