La société El Wifack Leasing a déposé une demande d’agrément auprès de la banque centrale pour exercer en tant que banque islamique universelle. L’instruction du dossier est encore au stade initial mais il est fort à parier que la demande soit acceptée.
Le choix porté sur El Wifack n’est pas neutre dans le mesure ou elle fait partie des sociétés rentables avec un taux de créances de 2.85 % et un taux de couverture de 100%).
Créée en 2002, elle a triplé son capital en moins de 10 ans. Al Wifack est du reste le premier établissement de crédit à s’implanter dans les régions et décentraliser son produit en vue d’aider les hommes d’affaires installés à l’intérieur du pays, principalement dans le sud tunisien, réputé politiquement et socialement conservateur. Son capital a été ouvert au public en 2005 par la cession de 30%. El Wifack est cotée en bourse.
A noter qu’en Tunisie, Les sukuks islamiques, (l’équivalent des obligations dans l’économie occidentale libérale mais où les intérêts, interdits en islam, sont contournés mais n’empêchent pas le profit) et les assurances islamiques (qui comptent deux grandes compagnies avec plusieurs succursales), sont devenus une réalité du système économique.
Le contexte politque et social
Islamiser la modernité. L’idée d’islamiser la modernité est lancée et défendue par le marocain Abdessalam Yassine (1928/2012) fondateur du mouvement Al Adl wal Ihsen (Justice et Spiritualité). Nous y voilà. Ce discours politique islamiste qui se veut moderniste et adhérant aux valeurs de la modernité, respectueux de la souveraineté du peuple, garant des libertés publiques, engagé pour l’universalité des droits de l’homme, inconditionnel de la libération de la femme, fervent partisan de l’économie libérale, n’est en fait qu’un instrument pour mettre la main sur les rouages de l’Etat et lui donner par la suite un contenu purement islamique conforme à la Charia.
Car, comme le précise si bien le sociologue américain, spécialiste de l’islam, Brernard Lewis (Le langage politique en Islam, édition Gallimard), L’Etat n’est qu’un instrument divin car Dieu est le seul souverain.
C’est dans un contexte où les partis islamistes dans trois pays arabes (Egypte, Tunisie et Maroc) accèdent au pouvoir qu’on perçoit les tentatives visibles de l’islamisation de la modernité. L’économie et la finance étant le nerf de la guerre, la priorité leur est donc donnée. L’exemple tunisien est le plus marquant, car au Maroc, le roi continue de bénéficier de larges pouvoirs malgré une majorité parlementaire et gouvernementale islamiste, alors qu’en Egypte, le gouvernement purement islamiste des frères musulmans, bien qu’issu des urnes, a été évincé par une alliance à la fois objective et arrangée entre une large partie du peuple et l’armée, avec la bénédiction des démocraties occidentales.