Au terme d’un mois et demi d’affrontements entre Pro et anti-Morsi, l’Egypte est saignée à blanc. La plupart des 11 millions de touristes qui ont visité les pyramides en 2012 ne reviendront pas cette année. Les hôtels redoutent la réédition de la catastrophe touristique de 2011 quand le secteur, employant 18 millions de personnes, a essuyé une baisse de 40% des arrivées.
Pour cette année, les fréquentes mises en garde des chancelleries occidentales suite à des affrontements qui ont fait plus de 850 morts risquent de dissuader les touristes. L’annonce de la fermeture temporaire d’usines (General Motors), de réduction du personnel (Bouygues) ou encore d’arrêt de grands chantiers (la ligne trois du métro du Caire ) confortent le sentiment du danger accru en Egypte. La liste des entreprises qui ont pris les devants est longue : Vinci, Shell, Electrolux, GDF, Orange, Total sont tous en arrêt, totalement ou partiellement.
Un tel sentiment d’inquiétude ne peut que faire mal au tableau de bord économique. Ainsi, le FMI a divisé ses prévisions de croissance par deux. Le déficit budgétaire a pulvérisé la barre des 10%. La note souveraine du pays est en catégorie spéculative dans l’échelle de l’agence S&P. Le risque de défaut de paiement ne relève plus d’une vue d’esprit. Les réserves de change ont fondu, se situant à 15 milliards de dollars, soit à peine 3 mois d’importations contre un plancher de 9 mois d’importations avant le printemps arabe de 2011.
Le pays continue d’importer des céréales (il en est le premier importateur mondial) , poussant la Livre égyptienne (LE) à la baisse dans un contexte d’inflation aggravée des cours des principales denrées de base. La monnaie des pharaons a perdu 12% de sa valeur par rapport au dollar depuis décembre 2011. La banque centrale égyptienne qui a pendant longtemps soutenu la livre en mobilisant ses réserves de change semble s’être résignée au spectacle d’un plongeon monétaire sans fin.
Et pour ne rien arranger aux choses, le pays, structurellement dépendant de ses partenaires au développement, risque de subir un recadrage sévère de l’enveloppe de 5milliards d’euros promise par l’Union Européenne entre 2012 et 2014, ainsi que du traditionnel soutien américain, soit 1,55 milliards de dollars annuels, représentant 80% des dépenses d’équipements de l’armée égyptienne. Au titre de l’année 2013, quelque 584 millions de dollars n’ont pas encore été distribués.
Il faut dire que les aides de l’UE et des USA mises ensembles pèsent désormais beaucoup moins que celles de l’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis, qui ont consacrés 8 milliards de dollars à la disposition de l’Egypte au lendemain du renversement du président Mohamed Morsi.
Ces deux parrains régionaux, puissants sur le plan financier, restent relativement limités dans le jeu de la diplomatie mondiale. Le tandem des deux monarchies vise avant tout à contenir l’ambiguité du Qatar, présumé soutien des Fréres musulmans, et non à contrer les relations stratégiques entre Le Caire et Washington. Sachant que l’aide américaine représente des contrats de fourniture ou de maintenance passés entre l’Egypte et les entreprises américaines, il est peu probable que les USA veuillent se couper de ce marché, important débouché pour ses chars d’assaut et ses avions de combat.