En ce mois d’août 2013, les banques qui ouvrent des crédits documentaires sur le Soudan se rémunèrent à un taux de 7 à 8% . En comparaison, l’on est aux environs de 0,68% en moyenne pour la Tunisie dont la note vient pourtant d’être dépréciée et lestée d’une perspective négative . Des pays d’Europe du Sud comme la Grèce, l’Italie et l’Espagne, mathématiquement risqués, avec des taux d’endettement dépassant les 100% du PIB sont cotés à 0,5% et, quand il s’agit du commerce inter-européen, peuvent effectuer leurs transactions sur simple remise documentaire. Ces deux exemples montrent que de tous les risques, c’est celui lié à l’instabilité politique qui pèse le plus lourd.
Présentement, la Centrafrique et le Soudan sont aussi risqués que la Syrie. Le pricing élevé du Soudan vient d’une vie politique tumultueuse. Le président Oumar El Bashir fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Sur le plan interne, il fait face à une vive opposition. De plus, les recettes budgétaires du pays, dépendantes du pétrole, sont suspendues aux négociations incertaines avec le Sud Soudan.
Bref, tout le cocktail explosif qui pousse ceux qui effectuent des opérations avec ce pays à exiger des garanties solides souvent doublées d’assurance de crédit à l’export et de toute une panoplie d’instruments chers qui tombent in finé dans l’assiette du consommateur soudanais.
A titre d’information, aucune banque commerciale du Soudan ne peut actuellement se faire confirmer. Le pricing de 7 à 8% est appliqué à la Banque Centrale du pays, assez riche par ailleurs. Ce taux élevé, (le même appliqué sur l’Iran, autre pays riche en pétrole, qui n’a jamais fait défaut), vient d’une appréciation du risque africain souvent dénoncée pour son côté excessif et sa tendance à l’exagération.
Actuellement, toutes les lignes de crédit mises sur l’Afrique par les grandes institutions internationales sont assorties au préalable de l’engagement moral des Etats africains. Tout incident d’un opérateur privé lambda se repercute sur l’image et la note de l’Etat. Aussi, les défauts de paiement sont aujourd’hui d’autant plus rares que les taux sont élevés. Ce qui fait dire à quelques experts que la fixation des taux de rémunération en Afrique n’a aucun lien prouvé avec le risque actuel africain. A moins que cette notion du risque africain n’englobe les passifs des années noires 80 et 90?
La BNP Paribas est restée sur cette lecture de l’Afrique des années 90. Actuellement, la banque au logo vert et blanc traite ses filiales africaines en leur exigeant du cash collatéral et en se faisant rémunérer sur la confirmation. Pourquoi une banque qui traite avec sa filiale exige de telles précautions contre ce qui est sensé être son propre risque? Pourquoi exiger du cash collatéral au sein d’un même groupe? Interrogé, un banquier déclare que c’est une stratégie de couverture contre les risques de la dévaluation du CFA (traumatisme subi en 1994)
En définitive, le pricing élevé de l’Afrique découle plus de la perception que de la réalité du risque, plus de l’image de l’Afrique . D’où une vraie stratégie marketing à mettre sur place pour montrer que l’Afrique de 2013 n’a pas grand chose à voir avec l’Afrique de 1994. Vaste programme.
Adama Wade