Le Mali en réussissant des élections, presque parfaites, aux lendemains de la crise la plus importante de son histoire contemporaine, a fait preuve d’une résilience exceptionnelle. La maturité des acteurs politiques, militaires et civils, et la mobilisation singulière de la communauté internationale ont permis à ce pays légendaire de se remettre débout et de faire face à son destin.
Le 28 juillet, je publiais un message pour des élections apaisées. En réalité, je me faisais le relais de millions de maliens, d’africains, et de citoyens du monde épris de paix et de justice. La visite républicaine que M. Soumaïla Cissé, accompagné pour l’occasion de sa famille, a rendue à son aîné, M. Ibrahim Boubacar Keïta, entouré de sa femme et de ses enfants, pour le féliciter est édifiante. J’ai suivi avec émotion et fierté, sans étonnement eu égard à l’ancrage de nos valeurs traditionnelles et à la grandeur des deux hommes d’Etat, les images de ce grand moment de fraternité, de convivialité et de patriotisme. Je souhaite qu’à l’image des deux candidats, leurs équipes, leurs partisans et sympathisants aussi se rencontrent pour se féliciter et se congratuler, au nom du Mali, un Mali un et indivisible, riche de sa diversité culturelle où toutes les sensibilités comptent et sont intégrées. Il faut féliciter les autorités de la Transition, les leaders religieux et communautaires, la Société Civile (y compris les médias) et les Forces de Défense et de Sécurité pour le Devoir accompli. La communauté internationale est aussi à féliciter pour la mobilisation exceptionnelle. Le peuple malien, du nord au sud et d’est en ouest, s’est exprimé avec fierté et dignité en donnant une bonne image de leur pays et de l’Afrique.
Le Mali, le vrai gagnant
Certes, un Président a été élu. Mais en réalité, il n’y a qu’un seul gagnant : le Mali.
Berceau de vieilles civilisations et héritier de grands empires africains, le rayonnement du Mali s’est abreuvé de la richesse exceptionnelle de son patrimoine et de la diversité culturelle de ses populations. C’est un pays ouvert, accueillant et attachant dont la tradition d’hospitalité est légendaire. La grande histoire du Mali nous enseigne les hauts faits d’armes de ces milliers de maliennes et de maliens, célèbres et anonymes, qui se sont battus avec fierté, dignité et honneur pour leur patrie.
Après les élections, place à la reconstruction
Les défis qui se présentent devant le Président élu sont énormes, vastes et variés.
La situation est, certes, complexe et difficile. Et en même temps, elle est porteuse de changements. Les signes d’espérance sont plus forts que les contraintes de parcours. Mais, la solution ne fonctionnera pas à l’envie. Il ne suffira pas d’avoir bien parlé, bien écrit et bien rapporté. Il faut jouer collectif et libérer les énergies. Il faut de l’action, réfléchie et utile, à partir des dynamiques nouvelles et des alternatives crédibles pour un développement accéléré, durable et équilibré. C’est une tâche immense et il est aujourd’hui urgent de s’y engager. C’est une exigence nationale qui requiert la mobilisation de tous. Ne nous embaumons pas d’illusions. Personne ne fera le développement du Mali à la place des maliennes et des maliens. Cela n’est plus une question de conviction. C’est une réalité existentielle.
Il est difficile de faire comprendre aux populations que les problèmes auxquels elles sont exposées sont tellement nombreux et pressants et qu’au regard de l’énorme retard du pays, il va falloir encore patienter. D’autant que la nature des questions à résoudre est structurelle alors que les désirs de changement des populations sont inscrits dans l’immédiateté « Tout, tout de suite ». Trouver un bon alliage entre les deux exigences n’est pas chose aisée. Et c’est là, toute la difficulté de l’exercice pour le nouveau pouvoir. Et la facilité de se lancer dans des promesses creuses et démagogiques est tentante. Il faut une certaine durabilité pour ne pas se condamner à la versatilité. Il nous faut devenir des «tortues-lièvres» (l’expression est empruntée à Hervé SERIEYX), animaux bizarres capables de courir vite mais, également, longtemps et sans précipitation. Il faut donc deux choses : la pédagogie pour expliquer des choses sérieuses avec gravité et sans tristesse ; et aussi, c’est important, initier et réaliser des quick wins (victoires rapides) pour envoyer un message d’engagement et un signal d’espoir.
Jadis, il était de bon aloi de se voir attribuer le titre tant convoité de « bon élève » que confèrent les institutions internationales aux pays pauvres qui se seraient distingués dans la bonne application de leurs prescriptions. Maintenant, il est temps – et il est même grand temps – que les gouvernants maliens deviennent de « bons élèves » du Mali, tant par la pertinence de leur modèle économique que par les résultats tangibles et mesurables des actions menées au profit des populations maliennes et de tous les partenaires qui ont fait le choix de la « destination Mali ».
Ibrahim Boubacar Keïta, appelé affectueusement IBK, a la responsabilité historique de recoudre les trois bandes de notre drapeau national et de remettre le pays en ordre de marche. Il en a la carrure, l’étoffe et la volonté. Souhaitons-lui la « main heureuse » comme titrait récemment Adama Wade de Financial Afrik dans une de ses livraisons.