Dans quatre jours les inspecteurs de l’ONU dépêchés en Syrie rendront leurs conclusions. Les prélèvements sur les corps des victimes des derniers bombardements de l’armée syrienne régulière devraient déterminer s’il y a eu usage des armes chimiques le 21 août. Mais bien avant la conclusion de cette enquête scientifique, les manoeuvres diplomatiques et militaires ont commencé. Comme lors de la campagne en Libye, la Grande Bretagne et la France sont aux premières loges exigeant de l’ONU de prendre les dispositions adéquates. L’article VII de la charte de l’ONU invoqué par Londres dans sa résolution infructueuse n’a pas permis de convaincre les différents membres du conseil de sécurité. (photo: manifestation anti-guerre à Londres)
Les USA cantonnés dans leur rôle Obamien de « leading from behind », attitude qui froisse les faucons ultraconservateurs, attendent gentiment l’avis des inspecteurs de l’ONU. C’est curieux. Nous voilà encore suspendus à des avis scientifiques par ceux là même qui les avaient désavoué en 2003? Qui se souvient encore du battage médiatico-diplomatique sur les armes de destruction massive? Cette campagne de désinformation qui avait provoqué la démission du suédois Hans Blix et le mea culpa de Collin Powell, reconnaissant avoir été trompé par la CIA, s’est révélée être l’une des plus grandes arnaques de l’histoire depuis l’accusation des juifs d’être à l’origine de la peste de Marseille. Mais nous l’aurons appris plus tard, après que l’Irak soit défiguré et amputé de centaine de milliers de morts, de quasi guerre insurrectionnelle et d’un chaos qui a permis l’installation durable des milices d’Al Qaeda.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous voilà de nouveau face aux mêmes accusations proférées par ceux là même qui ont gardé un silence historique en 1988 quand le boucher de Baghdad, alors allié des occidentaux, gazait les populations kurdes. Qu’est ce qui nous dérange alors dans le cas Syrien? Les images des morts entassés qui circulent sur Facebook et la toile en général devraient pourtant nous convaincre du bien fondé de l’intervention et lever nos réserves cristallisées sur la peur d’une nouvelle manipulation. Le spectacle d’un dictateur tirant sur son peuple a de quoi désarçonner, même face à des rebelles armés. Bref, il y a eu trop de sang de victimes innocentes en Syrie, ligne de démarcation entre les sunnites et les chiites, entre le triangle chiite hostile à l’Occident et les pétro-monarchies qui tirent leur force de cette alliance. Comme en 1967, la redéfinition de la carte du Moyen Orient passe par le Golan. A défaut d’un nouveau Moyen Orient qu’on a cru émerger des accords d’Oslo, nous voilà dans la tentation de rupture d’un équilibre (chiite-sunnite) qui n’a jamais été remis en cause. Qui en paiera le prix?
En fait le régime Bachar Assad peut compter sur l’affaiblissement du droit international défiguré par des incidents répétés (Affaire Snowden) et l’écrasante domination des USA qui fait qu’il y a parfois confusion entre intérêts de l’Amérique et droit international. Le refus de la Chine et de la Russie sur le dossier syrien, ces deux pays étant guidées évidement par leurs intérêts, apporte un équilibre par défaut à la suprématie américaine là où les vieilles démocraties (France, Grande Bretagne) font de l’alignement automatique depuis les attentats du 11 septembre. L’affaire de l’avion bolivien il y a quelques semaines n’est-elle pas révélatrice de l’urgence de la restauration du droit international dans ses fondamentaux ?