La solidarité est souvent présentée comme une valeur caractérisant l’Afrique. Les Africains seraient solidaires entre eux et leur développement reposerait sur une solidarité internationale basée essentiellement sur l’aide publique internationale. En effet, bien que coûteuse et destructrice des économies, cette aide est présentée sous l’angle d’une générosité qui impliquerait une notion de solidarité entre pays dits riches et ceux dits pauvres.
De même, l’aide humanitaire serait une expression forte de solidarité. A côté de cela, les relations commerciales sont présentées comme le socle même des inégalités et de la domination des plus riches sur les plus pauvres. Cette croyance conduit même à l’existence de groupes très actifs, dits altermondialistes, fustigeant totalement la mondialisation des échanges. Qu’en est-il exactement ?
L’étau de l’aide
Si l’on regarde de plus près, d’évidence, on constate que l’aide publique internationale n’a rien à voir avec une quelconque solidarité mais que c’est bien au contraire un moyen de domination de la part des bailleurs de fonds. Les pays emprunteurs, essentiellement localisés en Afrique n’ont d’ailleurs jamais vu leur pauvreté reculer sous l’effet de cette prétendue aide qui n’est en fait qu’un tapis d’emprunts qui s’accumulent. Le cercle de la dette, favorisant quelques dirigeants corrompus, conduit même les populations dans une grande fragilité avec des échéances de remboursement insoutenables reposant sur leurs têtes, celles de leurs enfants et petits-enfants. De même, l’aide humanitaire, si elle est justifiée en période d’extrême urgence, lorsqu’elle devient chronique, pousse les populations dans le défaitisme de la main tendue et il n’est pas rare d’entendre dans les quartiers en Afrique « Que ferions-nous sans les blancs ? ». Anesthésiant préjudiciable, cette aide arrive à convaincre les populations africaines qu’elles sont inférieures et incapables. Sorte de domination reposant sur la bonne intention de gens qui ne mesurent pas la portée néfaste de leurs prétendues « bonnes » actions. L’aide fige la pauvreté. L’aide freine l’émancipation.
L’étau des Etats
Qu’en est-il du commerce ? Bien souvent, les altermondialistes dénoncent les entreprises en situation de monopole mises dans le sac des méchants capitalistes qui étoufferaient les économies et sonneraient le glas de toute notion de solidarité. On peut alors leur poser la question suivante : comment un monopole peut-il exister sans une protection de l’Etat du pays d’accueil ? Impossible. Les entreprises bénéficiant de monopoles ne sont donc pas l’expression de la liberté du commerce international mais, bien au contraire, le fruit de l’intervention des Etats. De même, la crise financière mondiale a affiché ses facettes les plus choquantes lorsque les Etats sont venus sauver les banques véreuses avec de l’argent durement gagné par les contribuables en excluant ainsi tout principe de responsabilité de la part des coupables. Lorsque la mondialisation ne fonctionne pas, osons le dire, la faute revient essentiellement aux Etats qui faussent la machine par leurs interventions. Les subventions agricoles et les barrières au libre commerce sont d’autres freins régentés par les Etats. Ils construisent les inégalités, l’irresponsabilité et les injustices dans les échanges mondiaux. Partant de ce constat, doit-on fustiger la mondialisation en elle-même ?
La solidarité invisible
Posons-nous une question simple : qu’est ce que la mondialisation ? Pour certains, elle correspondrait à des échanges entre des Etats. Elle est en fait la somme de tous les échanges mondiaux avec à la base des hommes, des individus. Il peut s’agir d’échanges commerciaux (je te vends du cacao, je t’achète une voiture) mais il peut également s’agir d’une complémentarité mondiale dans la création d’une marchandise. Un ordinateur, par exemple, inclut des composantes provenant de pays différents, fabriquées par des gens qui ne se connaissent pas et qui ne verront d’ailleurs jamais le produit fini qu’ils ont contribué à créer. Leonard Read dans son essai le plus connu intitulé Moi le crayon avait mis en évidence la multitude d’acteurs, issus de différents continents qui concourent à la création d’un simple crayon Ces actions concomitantes unissent des individus du monde entier, créent des emplois et donc de la richesse. On peut parler d’une solidarité invisible au sens où, bien qu’elle ne repose pas sur l’intention des acteurs, elle est d’une efficacité indéniable puisqu’elle permet une redistribution digne des richesses.
Le rôle de l’Etat dans ce contexte doit se cantonner à la protection des contrats et de la propriété des individus acteurs. L’Etat doit se concentrer sur son rôle de régulateur, de facilitateur mais nullement de planificateur. Ainsi, aussi longtemps que les gens seront libres d’interagir les uns avec les autres dans un environnement favorable aux affaires, il n’y aura pas de limite à l’innovation et à la création de richesse partagée. Pascal Salin, éminent économiste français, affirme spontanément que l’échange est la seule vérité économique universelle créatrice de richesse. L’échange génère entre les individus une solidarité invisible (proche du concept de la main invisible d’Adam Smith). A la différence de l’aide publique internationale, cette forme de redistribution se fait tout en respectant et favorisant la dignité de l’homme et en décuplant ses capacités extraordinaires à utiliser son environnement pour avancer inexorablement sur la voie du progrès. Cette solidarité invisible a une puissante force libératrice qu’il serait dommage de marginaliser au nom d’idées reçues qui ne résistent pas à l’analyse.
Gisèle Dutheuil
Directrice d’Audace Institut Afrique
Publié en collaboration avec LibreAfrique.org