La fracture est béante à Saint Petersbourg, ville de Lénine, témoin de l’une des batailles les plus sanglantes de la deuxième guerre mondiale. C’est là que la future victoire des alliés s’était dessinée en 1941 dans la neige et le sang. C’est là, aujourd’hui, que se joue l’une des pièces du drame du proche Orient. Les points de vue diffèrent. Aussi, en dépit du travail millimétré du protocole, les frictions sont inévitables ces 5 et 6 septembre entre les tenant de l’ordre américano-européen et ceux qui pensent qu’un monde multipolaire est encore possible..
Sous les lambris et les décors des palaces de la Russie de Poutine, l’on discute de l’avenir du rôle de l’Organisation des Nations Unies (ONU), « ce vieux machin » qui se réfugie aujourd’hui derrière le travail de ses experts scientifiques (c’est louable) pour éviter une opposition frontale avec l’Amérique, son premier bailleur de fonds. Trop affaiblie, à l’image de son secrétaire général, Ban Ki Moon, l’ONU étale à la face du monde son incapacité à agir dans le droit et à préserver sa charte.
Le droit de Veto
Ce n’est pas tant la menace du veto russe qui constitue le problème que le principe du veto lui même, pouvoir hérité de la deuxième guerre mondiale, qui consacre la loi de la force sur le principe du vote démocratique. Dés lors que l’ONU n’est pas parvenu à trouver un consensus sur la Syrie, que pourra faire le G20 sinon étaler les points de vue différents des puissances anciennes et émergentes? Sinon rappeler le monde à l’urgence de la réforme de l’ONU? Le russe Vladimir Poutine a été le premier à lancer une salve en direction du britannique David Cameroun: « nous ne défendons pas Bachar Assad, nous défendons le droit international« .
Il faut dire que tous, anciens et nouveaux puissants, condamnent l’attaque présumée au gaz chimique du 21 août 2013. Mais ce ne sont pas tous qui réclament des preuves irréfutables (Nouvelle position de Poutine) et une intervention sous mandat de l’ONU. Toute action en dehors de l’ONU ne peut être qu’une action d’autodéfense (déclaration du même Poutine). Pour la France et les Etats Unis, traumatisés par des souvenirs anciens (l’invasion de la Pologne par l’Allemagne Nazie), il ne faut pas rester inactif. Mais, alors que le président Obama requiert le vote de son Congrés (il n’y est pas obligé), son homologue français se contente d’un débat sans vote au parlement. Le socialiste François Hollande se met ainsi en avant compte tenu du refus du parlement britannique et de la tactique américaine.
Dans le camp des pays émergents, soulignons d’abord le contexte du proche Orient marqué par une guerre confessionnelle désormais réelle entre sunnites et chiites, entre pétro-monarchies et ex républiques socialistes baathistes. Les uns sont alliés à la démocratie libérale d’obédience américaine. Les autres veulent remettre en cause l’équilibre géopolitique régional à l’instar de l’Iran. L’Arabie Saoudite apporte son plein soutien à l’intervention militaire. Idem pour la Turquie dont la mémoire collective se souvient toujours de la nécessité de cette alliance avec l’Amérique.
En dehors de ce contexte « religieux » du Moyen Orient et des intérêts géostratégiques de la Russie, c’est l’idée du principe du droit international qui semble animer les positions de l’Inde, du Brésil et des autres puissances émergentes. New Delhi ne soutiendra pas une action militaire contre la Syrie, appelant à un dialogue inclusif. Le pays de Gandhi, opposé à l’usage des armes prohibées, attend aussi les conclusions des experts. Le Brésil conditionne son soutient à une telle intervention à l’aval de l’ONU, soulignant au passage, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, « la paralysie » du conseil de sécurité de l’ONU et l’urgence des réformes du mode de fonctionnement de cette instance. D’autres pays émergents (Argentine, le Mexique, l’Afrique du Sud) sont du même avis.Pour eux seule l’ONU offre le cadre légitime pour une intervention, fut-elle destinée à déloger un dictateur aux mains rouges.
Adama Wade