Contre-pied. C’est le terme idéal pour qualifier l’annonce de la politique de la Fed mercredi dernier. Ben Bernanke a pris à contre-pied quasiment tous les marchés en reconduisant exactement la même politique de rachat de bons du Trésor américain, appelé QE3, pour une valeur de 85 milliards de dollars.
Par Florent Detroy, rédacteur de Matières à Profits
Contre-pied. C’est le terme idéal pour qualifier l’annonce de la politique de la Fed mercredi dernier. Ben Bernanke a pris à contre-pied quasiment tous les marchés en reconduisant exactement la même politique de rachat de bons du Trésor américain, appelé QE3, pour une valeur de 85 milliards de dollars.
Malgré des mois de spéculation autour de cette réunion, on pensait que Ben Bernanke avait fait le plus dur en incrustant dans l’esprit des marchés l’idée que cette politique accommodante n’était pas éternelle. Il vient de la faire disparaître.
Que s’est-il passé ? Les commentateurs n’ont pas été avares de critiques sur Ben Bernanke, accusé d’avoir pour le moins une communication vacillante, pour ne pas dire complètement obscure.
Evariste Lefeuvre, chief economist de la banque Natixis aux Etats-Unis, a tenté de décrypter ce qui ces dernières semaines auraient pu provoquer ce revirement. Selon lui, la Fed a lié son action à un facteur très simple, le taux de chômage. Alors que celui-ci, bien que stabilisé, n’a pas atteint le seuil des 7%, il est logique que la Fed laisse inchangée son action.
A plus long terme, Ben Bernanke estime que la remontée des taux long à 10 ans ne permettra pas de faire baisser le chômage en dessous de ce seuil. Cette explication est un peu courte pour ceux qui faisaient confiance à la Fed et à son habitude de distiller des informations plusieurs mois avant d’agir afin de réduire la volatilité des marchés.
A mon avis, la corrélation entre le « taper », la réduction des achats, et la santé de l’économie américaine mérite d’être creusée. Si les premiers signes d’une volonté de réduire le programme de rachat de la Fed date du printemps, ce sont les événements de l’été qui ont décidé Bernanke à modifier sa stratégie.
Et il est vrai que plusieurs signaux négatifs sont venus assombrir l’horizon de ceux qui fêtaient déjà la recovery américaine. La baisse de la demande des ménages et les tensions autour du vote du budget — et du plafond de la dette en particulier — ont inquiété les marchés.
Mais il est difficile de comprendre que la Fed ait basé sa politique en réponse à ces indicateurs de court terme. Surtout que le coût de cette politique continue d’inquiéter. La dette publique atteint désormais les 100% du PIB, contre 79% en 2009. Ben Bernanke décidera peut-être d’un nouveau calendrier d’ici la fin de l’année.
Deux choses sont certaines aujourd’hui. D’une part la Fed est devenue plus imprévisible. D’autre part, les matières premières profitent de la poursuite du QE3.
Les matières premières explosent…
Le cours des métaux précieux a entamé une décrue exceptionnelle en 2013, qui a conduit à une perte de 300 dollars de l’once d’or depuis le début de l’année. L’or avait en particulier connu un coup de déprime dans la nuit de mardi à mercredi dernier, passant sous les 1 300$ du fait des spéculations autour de l’annonce de la Fed. Il était normal qu’il rebondisse fortement après mercredi. L’or a bondi de 5% et l’argent de 7%.
L’ensemble des autres matières a profité de près ou de loin de l’annonce. C’est le résultat de la forte corrélation entre la baisse du dollar, encouragé par le QE3, et la demande de matières. Par exemple, la Deutsche Bank a renforcé son orientation positive sur le secteur de l’agriculture. « Généralement un dollar plus faible est positif pour les matières premières agricoles alors que les exportations américaines deviennent moins chères ».
Un rebond des métaux industriels a même été observé. Le cuivre notamment a touché un plus haut sur le mois le jour de l’annonce, passant le cap des 7 300$ la tonne. Selon l’agence Bloomberg, « les investisseurs ont acheté également les métaux industriels utilisés dans la plomberie et les réseaux électriques dans la perspectives que le stimulus [de la Fed] soutiendra la tentative de reprise du secteur immobilier américain ».