La sanglante prise d’otages perpétrée par un commando somalien dans le centre commercial Westgate, dans un quartier de Nairobi, symbole de la modernité, a fait 68 morts. Un bilan provisoire puisque, lundi matin encore, au troisième jour de l’attaque, l’armée kenyane, épaulée par des forces spéciales israéliennes, n’était toujours pas venue à bout des assaillants, sympathisants des terroristes somaliens du Shebabs.
La mouvance terroriste qui se sert des réseaux sociaux pour se glorifier de cette attaque espère ainsi pousser le Kenya à se retirer de la Somalie et casser la dynamique positive de retour à la paix enclenchée grâce à l’Union Africaine, initiatrice de l’implication continentale puis internationale en cours depuis la fin 2011.
Le chemin a été long pour parvenir à ramener un semblant de paix à Mogadiscio, au terme d’un processus démocratique concerté, impliquant l’adoption d’une nouvelle constitution, fédérale et libellée sur la diversité ethnique du pays, suivie de l’élection d’un parlement et d’un président de la république.
En lieu et place d’une partition cynique du pays en plusieurs entités dont le Somaliland ( faisant l’objet d’articles élogieux sur son libéralisme efficient de la part de la presse anglo-saxonne) ou encore de la ville de Kismayo (sud de la Somalie, soutenue par le Kenya), qui, fort de son port et de son aéroport, a négocié becs et ongles son ralliement à l’Etat fédéral moyennant des royalties aux seigneurs de guerre. La négociation jointe aux actions du terrain des forces africaines, notamment kenyanes, ont éloigné les shebabs du port de Kismayo qu’ils contrôlaient les privant ainsi de substantielles entrées d’argent.
Face à la démission de la communauté internationale (l’Union Européenne, bailleur de fonds des forces africaines menaçait, de se désengager au début de cette année), seuls l’engagement africain à travers sa mission de paix (AMISOM) permet encore d’éviter le chaos. Abandonnée diplomatiquement (des cinq membres du conseil de sécurité de l’ONU, la Grande Bretagne a été le premier à avoir rouvert son ambassade à Mogadiscio, sous forte restriction) et politiquement, la Somalie est devenue une bombe perpétuelle pour ses voisins. Le Kenya, l’Ethiopie et l’Ouganda sont en ligne de mire. Pour Nairobi, dont l’économie repose sur le tourisme, le défi est double: il faudra non seulement maintenir l’étau en Somalie pour éviter que l’expérience démocratique en cours ne s’effondre pas, mais aussi veiller sur ses frontières et ses nombreux réfugiés d’origine somalienne dont certains sont soupçonnés de relayer le message et l’action des shebabs.