14 petits kilomètres séparent le Maroc de l’Espagne. Les candidats africains à l’eldorado européen, qui franchissent la porte interdite menant vers ce qu’ils pensent être le pays du miel et de l’abondance, traversent l’une des zones d’inégalité les plus criantes au monde.
En effet, entre le marocain et l’espagnol, le rapport est de 1 à 10 en termes de PIB par habitant. Ce chiffre, qui exprime le gap entre les deux rives de la Méditerranée, tombe de 1 à 7 entre un français et un algérien. Même la Libye, eldorado de rechange pour nombre de subsahariens, n’échappe pas à cette violente arithmétique. Un habitant de Lampedusa gagne en effet deux fois plus que son voisin de la cyrénaïque. Ce rapport entre les deux rives de la Méditerranée, plus inégalitaire que le gouffre séparant un citoyen des Etats Unis d’Amérique de celui du Mexique, rappelle étrangement celui qui s’est créé récemment entre les deux rivages du Sahara. Une véritable tectonique des plaques est en train d’éloigner le nigérien de son voisin algérien en termes de richesses du PIB. Le concitoyen du président Bouteflika est virtuellement 14 fois plus riche que l’habitant de Niamey, présumé détenir l’un des plus grands gisements d’uranium au monde. Le marocain est 2,6 fois plus loti que ses voisins mauritaniens et sénégalais. Ce sont ces immenses inégalités qui expliquent les flux des populations africaines vers le Nord. Ce processus migratoire se fait dans le même sens que les impressionnants flux financiers générés par les multinationales exploitant le sous-sol africain. Les études, y compris celles conduites par le sud-africain Thabo Mbekki au nom de l’Union Africaines, sont claires : 1 500 milliards de dollars sortis du continent depuis 1960, de façon illicite. En 2011, quelque 35 milliards de dollars ont été transférés de l’Afrique, de manière illicite, rappellait Dilamini Zuma, la présidente de la Commission de l’Union Africaine.Ces flux financiers compromettent les succès des politiques de développement menées par l’Etat africain, qui peine encore à satisfaire le minimum vital (Eau, électricité, logement, route, santé). Cette hémorragie exprime éloquemment l’échec de l’Etat post colonial en dépit des satisfecit de ces dernières années. Seul point positif, le flux migratoire est entrain de démontrer au vieux continent que la solution à ce phénomène multiforme n’est pas dans le tout sécuritaire. L’histoire enseigne que tous les murs finissent par tomber. Plutôt que de se cadenasser au risque de provoquer de nouveaux Lampedusa, l’Europe a tout intérêt à traiter avec l’Afrique pour l’avènement d’un véritable partenariat économique et la fin de 500 ans de domination et de surexploitation. Plutôt que des centres de rétention et des accords de reconduction aux frontières, l’Afrique doit signer pour le rétablissement du parallélisme des formes en termes de circulations des personnes et des biens. Alors seulement, s’arrêtera cette surenchère populiste qui vaut que l’Italie poursuive de délit tout rescapé des radeaux de la mort et que l’Europe, temple de la démocratie, accepte et couve certainement le régime de droits d’asile parmi les plus sévères au monde. Le cauchemar de Lampedusa n’est pas causé par une faillite de la morale et de la solidarité mais par le maintien tant par les africains que par les européens, d’un système économique inégalitaire où les flux de matières premières et de dollars vont dans un seul sens.
PIB /habitant | |
Espagne | 29 195 |
France | 39 772 |
Italie | 33 049 |
Libye | 15 853 |
Tunisie | 4237 |
Algérie | 5404 |
Maroc | 2 902 |
Sénégal | 1032 |
Niger | 383 |
Mali | 694 |
Mauritanie | 1 106 |
Burkina Faso | 634 |
Erythrée | 504 |
Source: Banque mondiale