Ce 16 octobre marquait la quatrième année d’Ali Bongo au pouvoir. L’occasion pour Financial Afrik de livrer une esquisse des ambitions de ce président dont le programme se résume en un seul mot: émergence.
A 54 ans, le président Ali Bongo fête aujourd’hui sa quatrième année au pouvoir. Entre lui et son père, qu’il a succédé au pouvoir au terme des élections à un tour remportées avec 41% des voix face à des opposants divisés, la comparaison est impossible. Omar Bongo administrait le Gabon en bon père de famille avec un dosage tribalo-ethnique dont le mérite fut d’avoir préservé l’unité du pays. Tout au contraire d’Ali Bongo qui a allègrement rompu la règle non écrite qui voulait qu’un premier ministre soit la chasse gardée d’un groupe.
Alors que le stratège Omar Bongo inscrivait le positionnement stratégique de son pays dans le pré-carré français avec un tropisme déclaré pour le monde arabe, sous Ali Bongo les lignes sont floues. Jamais l’offensive des multinationales des puissances émergentes n’a été aussi forte que sous le magistère de ce président dont le style respire une certaine audace et, surtout, dénote-t-on à Libreville, un certain pragmatisme.
Bref, Ali Bongo a une vision du monde plus affranchie de Paris et de Bruxelles que ne l’était celle de son père. Différence d’époque sans doute. Si le père comme le fils ont usé du levier politique qu’est « Le Parti Démocratique Gabonais (PDG) », le fils est beaucoup plus à l’écart de cette structure centrale, donnant l’impression de fuir l’influence des grands barons.
En fait, Ali Bongo passe plus de temps avec son cabinet et tous ces experts recrutés aux quatre coins de l’Afrique qui ont transformé son idée maîtresse, « le Gabon émergent », en un concept chiffré et documenté, étalé dans le temps et dans l’espace. Souvent pris à parti par une certaine presse pour ses origines étrangères, Maixent Nkani Accrombessi, directeur de cabinet du président, fait depuis quatre ans un suivi méthodique des dossiers avec une précision qui rappelle la doigté d’un amiral de vaisseau pointant sa position sur une carte marine au milieu des récifs.
Autre personnalité forte de l’équipe,Yves Fernand Manfoumbi, directeur général du Budget qui préside le Plan stratégique Gabon émergent (PSGE). L’homme incarne la ligne dure de la rigueur budgétaire et de la rationalisation des moyens. Sa déclaration de guerre récente aux « frais de mission » ne renforce pas sa cote de popularité au sein d’une administration où les voyages et les missions bien payés à l’étranger relèvent de la coutume. Chaque année, le Gabon dépense 2 milliards de FCFA en frais de mission et en voyages en vu de forums et séminaires.
En centralisant les dotations budgétaires, M. Manfoumbi espère réduire l’hémorragie à sa part utile et incompressible. Cette rationalisation touche aussi l’ordonnancement du budget. Les ordonnateurs des crédits des administrations publiques se sont vus priés de motiver leurs projets par des rapports détaillés. Il faut dire que le Gabon, émetteur d’un Eurobond, fait l’objet d’un examen minutieux et quotidien des bailleurs de fonds via les agences de notation et les marchés financiers où sa signature est cotée.
Le plan stratégique Gabon émergent
Ce plan keynesien vise à « transformer » le Gabon à l’horizon 2022 d’un pays de rente en une nation propspére en accord avec son environnement (Gabon vert) et son temps (infrastructures et services).
Des actes fondateurs de ce plan, nous retenons l’interdiction d’exportation des grumes, la mise en place d’une zone franche, l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations. Du point de vue des réformes, l’assainissement du climat des affaires et la facilitation des procédures de délivrance d’un titre foncier et de création des entreprises. Ce sont tous ces projets qui font que le président Ali Bongo se comporte plus en un PDG d’une start up qu’ en chef d’Etat. En quête permanente de modéles émergents (sa visite récente à Maurice s’inscrit dans ce cadre), et d’ouverture vers l’Asie du Sud-Est (l’arrivée d’Olam au Gabon), le président gabonais trouve le temps de la transformation un peu long. En privé, il dénonce l’inertie et la baronnie. Il n’hésite pas à taper sur la table en conseil des ministres.
L’assainissement du climat politique et de l’environnement des affaires valent au Gabon des progressions significatives dans les classements internationaux. Dans l’échelle Mo Ibrahim qui vient d’être rendu public, le pays est 24e à l’échelle africaine, premier au niveau de la CEMAC en termes de gouvernance. Elu en 2012 au conseil des droits de l’homme de l’ONU, le pays de feu Omar Bongo a grandement poli son image de petite autocratie africaine. L’un des mérites de l’actuel président est certainement d’avoir permis la pluralité d’opinions dans une région où résident de célèbres recordman de longévité au pouvoir.
Serge Olivier Nzikoue, Libreville