Certains de nos intellectuels africains assimilant la relecture du best seller de la franco-camerounaise Axelle Kabou à de l’autoflagellation gratuite et anachronique m’avaient averti. En effet, à l’heure où le ton est à l’afro-optimisme béat, pourquoi s’encombrer d’un essai paru en 1991 et dont la critique, violente et « extrême », est annoncée dés la page de garde: « Et si l’Afrique refusait le développement? ».
Huée, Menacée de mort, Axelle Kabout est tirée à boulets rouges dans plusieurs ouvrages dont « Nègrophobie » de Boubacar Boris Diop et François Xavier Vershave, lesquels dans leur livre en réponse à « Nègrologie » du journaliste Stephen Smith, usent du canon pour descendre ces afro-pessmistes, néocolonialistes en puissance, soupçonnés de décharger l’homme blanc de sa supposée responsabilité du sort actuel de l’Afrique.
Bref, c’est avec beaucoup d’appréhensions que j’ai relu le livre d’Axelle Kabou dont, on ne le dira jamais assez, le violent titre est un avertissement au lecteur à la négritude sensible.
Dans ce livre, retentit le sanglot de l’homme noir responsable de ses malheurs (c’est peut-être l’un des traits les plus optimistes rencontrés sur ces pages) . L’auteur fustige une Afrique construite sur la posture victimaire. Une Afrique où la traite et la colonisation sont les seules causes des difficultés. Dans son élan, Axelle piétine aussi « les termes de l’échange », soit la troisième raison avancée de la cause des difficultés africaines par une élite incapable de sortir le continent du sous développement .
Durant les années 70; 80 et 90 , l’échange inégal de Samir Amin faisait autorité dans les cercles intellectuels africains. Il fallait beaucoup de courage pour essayer de trouver d’autres causes de sous développement que la dégradation continue des termes de l’échange et le prolongement de l’esclavage-colonisation. Axelle Kabou fustige aussi « les théories de la négritude qui ont enfermé l’homme noir dans un droit à la différence, à la spécificité ». Et, n’est-ce pas, pour y ajouter un peu de sel, cette spécificité qui poussent certains dirigeants à exiger un traitement particulier de la part de la CPI?
Puis, Axelle explique que l’Afrique noire reste humiliée par l’idée même du développement. Sans replacer cette violente assertion dans le contexte des années 90 de dévaluations politiques, économiques et sociales, l’on relirait ces passages mille fois pour tenter de comprendre tant de réserves par rapport à soi et tant d’envie de débusquer les raisons de notre sous développement en nous même, dans nos mentalités d’assistés, nos infrastructures sociales et culturelles inapropriées etc . Oui, ce fut une riche autoflagellation, une pénitence que de relire Axelle Kabou. Osera-t-on dire pour autant que son raisonnement était totalement biaisé?
Albert Savana