Le destin économique de la planète a tourné autour de la Chambre des représentants à Washington, où Démocrates et Républicains se sont étripés pendant deux semaines avant de trouver in extremis un accord sur le relèvement du plafond de la dette américaine, dans la nuit du 16 au 17 octobre 2013. Tandis que les Etats-Unis jouent une nouvelle fois à se faire peur, le reste du monde retient son souffle.
Durant 15 jours, la paralysie budgétaire a mis l’Etat fédéral à l’arrêt et ses fonctionnaires au chômage technique. L’inconscience des politiques américains a coûté 24 milliards de dollars à la première économie du monde. Soit 0,6% de PIB de perdu pour l’Oncle Sam. La machine est donc repartie. Mais pour combien de temps ? L’accord conclu entre les deux camps demeure très provisoire. Il permet le financement des services fédéraux jusqu’au 15 janvier 2014 et n’a prévu qu’un relèvement du plafond de la dette jusqu’au 7 février prochain.
Le répit est de courte durée et il ne fait qu’entretenir l’oppressante incertitude qui étrangle l’économie mondiale. Comme d’habitude pourrait-on dire. Ou presque. La Chine profite de cette crise américaine pour frapper une nouvelle fois sur un dollar bien affaibli. Un billet vert déprécié qui est le fruit de la politique volontariste des Etats-Unis pour réduire le déficit commercial américain et abaisser la valeur de l’endettement mondial du pays libellé en dollars.
Pour la Chine, la crise de la dette américaine est une menace pour les réserves de dollars de nombreux pays. A commencer par la Chine elle-même ! Premier détenteur de la dette américaine, Pékin possédait à fin juillet 1 277 milliards de dollars en bons du Trésor américains. Plus discrète, mais pas moins inquiète, l’Algérie a placé 45% de ses revenus du pétrole et du gaz en billets verts. Aujourd’hui, le roi dollar représente 61% des réserves de change des banques centrales dans le monde. Ces dernières, comme les fonds souverains de pays émergents, pourraient profiter de la perte de crédit des Etats-Unis pour reconsidérer leur portefeuille de réserves de change.
A la tête de la révolte contre la suprématie du dollar, Pékin renouvelle sa proposition de créer un système monétaire basé sur le dollar, le yuan et l’euro. « C’est peut-être le bon moment pour une planète abasourdie de commencer à envisager la construction d’un monde désaméricanisé », s’est enflammé un éditorialiste de l’agence de presse Chine Nouvelle.
Certes la confiance des créanciers des Etats Unis vis-à-vis du dollar se réduit chaque jour. Mais la dollarisation de l’économie mondiale reste une réalité. Le billet vert aspire 42% des transactions mondiales en devises. Un dollar sur deux en circulation dans le monde se trouve hors du territoire américain. A l’inverse, selon les experts, l’internationalisation du yuan et sa totale convertibilité demanderont au mieux entre 5 et 7 ans.
Ce qui est sûr, c’est que les Américains rejoueront encore plusieurs fois la pièce de théâtre d’un pays au bord du gouffre budgétaire, avant qu’une nouvelle monnaie ne remplace le billet vert comme monnaie refuge et d’échanges. Le dollar a mis une quinzaine d’années pour détrôner la livre sterling. Un délai que l’Afrique pourrait mettre à profit pour dynamiser son projet de monnaie unique avec l’objectif de renforcer son poids dans le système monétaire international dans les prochaines décennies.
Jean-Michel Meyer