L’assassinat de deux journalistes de Radio France Internationale,samedi, dans le Nord Mali confirme ce que nous craignions depuis les réjouissances festives et prématurées du 19 septembre 2013 scellant le retour de l’ordre républicain à Bamako.
Adama Wade
En effet, pendant que la capitale malienne recollait les morceaux d’une démocratie formelle, un gros point d’interrogation continuait -et continue encore- de planer sur Kidal et ses environs. Le bastion touarégue est aujourd’hui le seul endroit au Mali où cohabitent quatre armées, à savoir la force française du Serval, prépondérante et bien équipée, la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) plombée par les hésitations de la CEDEAO (les nigérians ont plié bagages et les tchadiens, non membres de la CEDEAO, réclament leurs soldes à coup de désertions) les milices du Mouvement national de libération de l’Azawad, le MNLA , perméable aux milices jihadistes.
Il y a aussi, pour compléter le décor, une armée malienne sans vivres et sans munitions qui rase les murs de Kidal en se gargarisant, comme seul fait d’armes à ce jour, de l’hypothétique exploit d’avoir réussi à empêcher les milices de mettre à sac la seule agence bancaire encore ouverte dans cette vallée des larmes.
La présence de ces quatre armées est en soi la preuve de la rupture de l’unicité territoriale du Mali. Cette incapacité de Bamako à faire régner l’ordre à 1 500 km au Nord installe la logique de la partition. Kidal ne fait plus partie tout à fait du Mali tournée qu’elle est vers le rêve -peut être légitime- d’un foyer national touarégue.
Et, pendant que le président IBK réfléchit à son projet de décentralisation avancée à travers des Assises sur le Nord où le clientélisme qui a emporté ATT est, plus que jamais, de mise, les milices touarégues dictent leur agenda à coup de kalachnikov renforcées par une cinquième colonne maghrébine, attirée par l’odeur de l’argent et la profitabilité ,sans précédent en ce moment, de la Bourse des otages.
La crainte est réelle de voir ce qui devait se régler autour d’une table de négociation se réduire à un rapport de force qui reste largement défavorable à l’armée malienne présente à Kidal. Il est temps que Bamako ose enfin poser les questions essentielles à son allié français en ce qui concerne cette tolérance supposée ou réelle envers le MNLA.
Paris soutient IBK à Bamako et le MNLA à Kidal engagé dans une logique contradictoire voulant faire des hommes bleus des supplétifs pour combattre les forces du mal. Un peu comme en Afghanistan entre les bons et les mauvais talibans.
Le tragique assassinat des journalistes français à Kidal montre les limites de cette option et repose en termes clairs de la nécessité du rétablissement du monopole de la violence légitime à Kidal. A un moment ou autre, Paris devra choisir entre Kidal et Bamako, la décentralisation et l’autonomie, la république du Mali ou la république fédérale du Mali. Rendons-nous à l’évidence, dans l’arithmétique militaire, la somme des forces est nulle. Tout aussi nul, l’alliance avec le diable pour acheter la paix. Le président IBK -que d’aucuns comparent à un Hamid Karzai du sahel – qui a fait cause commune avec certains chefs touarégues objet d’un mandat d’arrêt, a-t-il, en définitive, les coudées franches?