Aujourd’hui , plus aucun État africain ne se trouve sous le joug du colonialisme ; ce qui déjà est un exploit en soit depuis les années 80. On pourra toujours rétorquer que nos indépendances sont une parodie, ce qui naturellement est de bonne guerre pour les afros pessimistes qui, paradoxalement, figurent dans une certaine proportion dans l’Intelligentsia africaine.
Par Sidy Coulibaly
Depuis plus d’un demi-siècle, les dirigeants africains se donnent en spectacle de dérision sur la scène internationale et africaine. Leur immaturité rime avec un amateurisme sans précédent. En effet, jamais un continent comme le nôtre, ne s’est dévalorisé au point d’atteindre le niveau zéro de la réflexion politique.
Comment expliquer que le progressisme exacerbé de certains visionnaires et qui, de surcroît, est la juste manifestation d’une cause noble, peut susciter une vision asymétrique d’une grande partie des dirigeants, à un repli égoïste de conservation de leur pouvoir personnel ?
Faut-il rappeler que leurs aînés, les pères fondateurs de l’organisation de l’Union Africaine ont eu pour rêve grandiose de bâtir pour la postérité un ensemble continental. Cette vision d’unité sous-tend une volonté politique qui a nourri tous leurs combats contre la balkanisation.
C’est pourquoi il a fallu que l’OUA, l’ancêtre de l’UA existe dans les faits par un acte fondateur qui a formalisé sa création en la portant sous les fonds baptismaux dans les années 60. Cette organisation aujourd’hui est l ’unique organe représentatif dépositaire du destin commun du continent.
En dépit de la grande ferveur suscitée par l’acquisition des indépendances, nos illustres visionnaires étaient bien conscients de l‘âpreté d’une lutte de très longue haleine. Leur seule consolation à souhait fut l’adhésion massive des citoyens africains à la noble cause. Cela augura l’idée que l’UA leur survivra quoi qu’il advienne et qu’il y aura toujours des émules inconditionnels à porter le flambeau. IL est vrai que dans toute œuvre humaine, il faut s’attendre à des forces réactionnaires, imprégnées d’un passé nostalgique qui œuvrent en eau trouble pour faire échec à une entreprise d’avenir.
Le Dr Kwame Nkrumah disait: “The Independence of Ghana is meaningless, unless it is linked up with the total liberation of the continent”.
Aujourd’hui, plus aucun État africain ne se trouve sous le joug du colonialisme ; ce qui déjà est un exploit en soit depuis les années 80. On pourra toujours rétorquer que nos indépendances sont une parodie ce qui naturellement est de bonne guerre pour les afros pessimistes qui paradoxalement figurent dans une certaine proportion dans l’intelligencia africaine. Nonobstant cette posture des (has been ou des losers), ce genre d’argumentaires fait parti du processus d’action de la masse critique qui mérite analyse et décryptage pour en tirer les substances qui les rendent caduques d’autant plus que, La dynamique des acquis de la souveraineté retrouvée devrait galvaniser et motiver nos dirigeants à combler les attentes des peuples africains en termes d’union. C’est pourquoi, la question brûlante de l’heure est : A quand la concrétisation de l’unité africaine?
Mais avant, il faut noter que le passage de L’O.U.A. à L’U.A. a opéré une innovation institutionnelle qui la restructure de manière substantielle et qui marque une nette évolution avec la création d’un :
- Organe supérieur des chefs d’état
- Un conseil exécutif de gouvernement
- Un conseil de sécurité et de paix
- Une commission
- Un parlement panafricain
- Un conseil économique et social
- Une cour de justice
- Une banque centrale
- Un fonds monétaire africain
- Une banque africaine d’investissement.
Voila une architecture institutionnelle étoffée, qui démontre la prééminence continentale de l’organisation avec des potentialités opérationnelles et fonctionnelles de mise en route des axes intégrateurs de développement politique social, économique, scientifique et diplomatique. Reste à convertir les forces d’action en attente de chaque pays, en une armée panafricaine dotée de moyens logistiques et de surveillance capable de se projeter sur tous les théâtres d’opération. Car, la sécurisation totale d’un espace continental intégré, garanti la paix et favorise le développement économique.
Voici les défis du 21ème siècle à relever d’urgence pour marquer la rupture avec les dogmes de la souveraineté étatique qui sans cessent remettent aux calendes grecques l’impérieuse nécessité de l’unification politique de l’Afrique. Pourtant, de l’avis unanime des occidentaux et autres, (l’Afrique serait l’avenir du monde). Un juste retour des choses pour un continent qui fut le berceau de l’humanité. Cette Litote en si peu de mots fait référence à un bloc d’ensemble, car quand on dit L’Afrique, c’est précisément les 54 pays unifiés. Comment nos dirigeants peuvent-ils faire l’impasse sur une telle évidence ?
Depuis les années 2000, un contexte nouveau a émergé, favorisant des progrès enregistrés par nos États sur le plan de la gouvernance, de la démocratie et sur le plan macro économique. Malgré la crise systémique qui plonge les pays occidentaux et les USA dans une sinistrose ambiante, le continent affiche une croissance moyenne de plus de 5% et même par endroit, une croissance à deux chiffres. Par ailleurs, à travers des réformes osées dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires un regain de confiance attire de nombreux investisseurs étrangers et par ricochet accroit sensiblement les volumes des échanges commerciaux avec les pays du bric, les pays du golfe et l’extrême orient.
L’indice de croissance des pays émergents publiée le 28/03/2012 par Jean-Claude Perivier de L’Agora, affirme que l’Afrique, vue globalement pèse autant que l’Inde et plus que le Brésil. Par ailleurs, certaines hypothèses prévoient une tendance à la hausse dans les échanges sud sud à 40% du commerce mondial contre 18% aujourd’hui.
Cela étant, avec une croissance exponentielle du commerce Mondial, Il y’aurait un potentiel énorme, si L’Afrique atteignait sa vitesse de croisière. C’est pour cela qu’il convient de dire, que le Continent ne saura sortir de sa sous performance que par une riposte intelligente et organisée par la concrétisation de son unité.
En attendant, l’Afrique se trouve à la croisée des chemins. Les défis multiples que la mondialisation impose, ont reconfiguré les données géopolitiques qui naturellement ne laissent aucun choix au continent. La logique de transition vers une union continentale est au cœur de la problématique qui s’impose face à une mutation que personne ne peut maitriser. La question qui se pose et qui est centrale est donc la suivante : Vers quelle forme d’union l’Afrique doit elle aller ?
Pour l’heure, deux options fondamentales qui constituent l’équation à résoudre se distinguent clairement : fédéralisme ou confédéralisme. D’un point de vue sémantique, la différence ne prête point à confusion. Néanmoins, pour un besoin d’éclairage, voyons comment l’exemple canadien, hybride en l’espèce, dans sa conception juridique, se décline en actant : Qu’officiellement, le Canada est une confédération assortie d’une fédération plus centralisée que celle des US. Donc, affirmer par principe qu’une confédération est un ensemble de fédérations, n’est pas une vérité car, le cas typique de l’Union Européenne démontre que cette organisation est en partie constituée des États fédéraux à l’instar, de la Suisse, de l’Allemagne et de la Belgique avec des États unitaires comme la France et les autres.
Au-delà de la formule sémantique, le fédéralisme ou le confédéralisme, trouve sa clarification dans une analyse permettant d’appréhender la naissance du devenir d’un espace continental. D’où ma référence à la formule Shakespearienne : « Être ou ne pas être », telle est la question qui se pose au continent Africain.
Un continent qui n’a rien d’unité, a part le sigle U.A. et qui s’assimile plus à un navire sans capitaine, voguant à vue pour ne pas dire immobile.
Face à ce constat Kafkaïen d’un déficit manifeste de volonté politique, il me semble qu’une approche pertinente, d’une combinaison bien dosée des deux formules d’union, intégrant nos valeurs et nos réalités socio culturelles fondamentalement communes, aboutirait à la concrétisation d’un ensemble panafricain.
De plus, les obstacles fussent-ils nombreux qui entravaient par le passé les avancées, s’effritent à mesure que la quête d’union s’amplifie.
Cette opportunité historique, qu’offre ce nouveau contexte, est une nouvelle dynamique dans laquelle, les dirigeants Africains devraient s’inscrire pour imprimer une véritable volonté politique dans une perspective imminente d’atteinte des objectifs de l’union.
Car, un demi-siècle de réunionite interminable émaillée de discours dithyrambiques, contradictoires, n’ont suscité que lassitude et désespoir chez les africains qui aspirent au développement socio économique, au mieux être et au mieux vivre ensemble, sans guerre, ni famine, ni pandémie.
Oui une chance historique, d’autant que l’Afrique malgré sa diversité, partage 80% les mêmes valeurs fondamentales et sociétales tout comme l’occident qui se reconnait dans les valeurs judéo chrétiennes.
Faut-il noter, que les E.U. D’Amérique, exemple par excellence d’un fédéralisme centralisé ont eu recours a une guerre civile pour asseoir un État fédéral. La fédération de la Russie aurait pu ne pas exister après l’éclatement de l’empire soviétique si les russes n’avaient pas fait montre de volonté politique pour s’imposer une fédération. Des guerres fratricides, Il en fallu comme sacrifice ultime, pour amener les deux Vietnam à s’unifier. Enfin, je ne saurais terminer sur le chapitre d’un même pays divisé par les manœuvres dilatoires et machiavéliques de l’extérieur pour servir des intérêts d’hégémonisme politique, sans citer l’Allemagne qui a pu s’unifier grâce au hasard d’un effondrement imprévisible du mur de Berlin.
Autant d’exemples qui nous édifient sur l’impérieuse nécessité de se fédérer en un bloc d’ensemble. Le concept des États Unis D’Afrique est une chance historique pour le continent. L’U.A. qui est le seul organe représentatif, capable de hisser l’Afrique dans les normes d’un ensemble continental, demeure le seul outil d’incarnation de reconnaissance politique.
Sur le plan économique, on ne peut nier de petits progrès à l’échelle Étatique ici et là.
Bien évidemment, cela ne correspond pas à un véritable développement durable, où le continent disposerait de vrais secteurs industriels pour produire et vendre.
Bien que nous constituions un immense marché de consommateurs, aucun pays Africain ne peut se prévaloir d’une dimension économique industrielle agricole et financière telle, pour prétendre entrer dans une bourse de valeurs. D’ailleurs, pour boucler nos cadrages budgétaires sur le plan macro-économique, nous sollicitons sans cesse des aides et sommes bien souvent soumis à des perfusions financières de l’extérieur.
C’est donc un leurre de croire que nous pouvons faire l’impasse sur un engagement politique d’unification. Il est clair, que dans les deux ou trois prochaines décennies, les dirigeants Africains après avoir fait leur aggiornamento, se doivent de s’organiser intelligemment pour trouver les voies et moyens de bâtir l’union. Ils auront à la fois comblé l’attente des peuples et mis en œuvre les solutions idoines au développement socio économique tout en formalisant la reconnaissance de l’entité continentale.