La nouvelle est tombée à la surprise générale. Le londonien Armajaro a cédé sa branche de trading « cacao » au suisse Ecom Agroindustriel. La transaction est estimée entre 200 et 300 millions de dollars.
Fondé par Anthony Ward dans les années 90 , Armajaro opère comme un hedge fund qui a acquis ses lettres de noblesse suite à une série d’audacieuses paris sur les tendances futures du marché. Son premier coup de poker remonte en 2002 quand il jeta une option sur 40% de la production mondiale soutenue par de nombreuses banques. Les analystes financiers qui l’avaient condamné d’avance reviendront sur leurs prévisions en le baptisant « choc finger ».
Il rééditera son exploit en 2010 en rachetant l’équivalent de 658 millions de livres sterling en cacao, soit 6% de la production mondiale, provoquant une pénurie artificielle dans le marché avant de solder brusquement ses positions, réalisant au passage de belles plus valus.
Fin connaisseur du marché ivoirien et africain en général, Armajaro s’est toujours allié avec les puissants du jour pour accéder à l’information et à des positions privilégiées. En Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, il comptait un partenaire de choix à travers le beau fils du président Alassane Ouattara. Ce désengagement intervient alors que le groupe basé à Londres tentait en vain de ramener à la baisse le prix garanti du cacao fixé aux paysans ivoiriens. Des indiscrétions font état de difficultés financières persistantes.
Les raisons de ce retrait s’expliquent aussi par un retournement de tendances. Génie des Soft Commodities, Armajaro perd désormais de l’argent sur cette branche. Le sucré et le café sont concernés par ce retrait. En 2012, Armajaro a perdu 10,3 millions de dollars sur son exercice fiscal rapporte Florent Detroy, rédacteur en chef de l’Edito des Matières Premières.
Ces derniers mois, de nombreux traders se sont reconvertis en fermiers à l’instar de Louis Dreyfus qui découvre le charme désuet des rizicultures en Côte d’Ivoire ou encore le négociant Olam devenu grand producteur de palmiers au Ghana et au Gabon.
Pour autant, rien n’indique que le londonien Armajaro échangera ses escarpins dorés de golden boy et ses écrans de trader avisé contre des bottes et des tracteurs. Tout indique qu’il poursuivra ses juteuses activités de manufacturier du cacao tant que les tablettes de chocolat rapporteront plus que les fèves.