Les sommets de la Terre ou du Climat qui se succèdent depuis plus de 20 ans, de Rio à Varsovie, en passant par Kyoto, Cancun ou Durban, sont marqués par la même constante. Ils débouchent à chaque fois sur un constat d’échec. Et l’ultime et pathétique habillage médiatique : « un accord arraché à la dernière minute », ne trompe personne, même pas leurs auteurs.
La triste incapacité de la communauté internationale à s’entendre dans la lutte contre le réchauffement climatique s’est à nouveau illustrée à Varsovie, lors d’un sommet rassemblant 190 pays et qui s’est ouvert le 11 novembre pour se conclure le 23 novembre, alors qu’il devait s’achever la veille.
Le rendez-vous polonais avait pour objectif de lancer les négociations vers l’ambitieux accord attendu en 2015 à Paris. Ce dernier doit engager pour la première fois tous les pays du monde dans un objectif commun : réduire les gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement du globe à 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle. Un accord qui doit entrer en vigueur en 2020.
Pourtant, ce monde d’experts, de diplomates et de politiques sait pertinemment que la hausse de la température actuelle est sur une trajectoire ascendante de près de 4°C. Mais comme à l’accoutumée, un texte a été adopté in-extremis à Varsovie. « Cela a demandé beaucoup d’efforts, il y a eu beaucoup de drames et des intérêts différents, mais à la fin, les gens ont vu qu’il y avait un vrai risque si nous ne faisions pas les progrès dont nous avions tellement besoin », a déclaré la commissaire européenne au Climat, Connie Hedegaard. Autre vision du négociateur du Bengladesh, Qamrul Chowdhury, plutôt désabusé : « Tout ce qu’on a, ce sont des cacahuètes. »
A Varsovie, les puissances industrialisées ont été harcelées par les pays développement, Chine et Inde en tête, pour qu’elles donnent toutes les garanties sur la mobilisation des 100 milliards de dollars d’ici à 2020 et promis à Copenhague en 2009. Pour l’instant, les pays riches ont versé 30 milliards de dollars.
Quant aux pays développés, ils ont mis la pression sur la Chine et l’Inde qui veulent camper absolument dans le camp des « pays en développement » pour ne pas débourser autant que les pays industrialisés dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Depuis plus de deux décennies, les pays du nord et les pays du sud les plus développés se renvoient ainsi la facture. Qui doit payer le prix pour limiter, sinon réduire, la marche implacable du réchauffement climatique ? Plus de deux décennies d’hésitations et de calculs mesquins qui fragilisent toujours la même partie de l’humanité : les populations les plus pauvres de la planète. A commencer par les Africains.
Pendant ce temps, la bombe à retardement du dérèglement climatique poursuit son décompte infernal. D’après une étude récente de l’Agence américaine océanique et atmosphérique (NOAA), certaines régions du monde connaissent déjà une baisse de la productivité de 10% sur les activités extérieures exposées au stress thermique. D’ici 2050, la chute pourrait atteindre 20%. Inutile de préciser quel continent sera le plus pénalisé par ce phénomène.
Pis encore. Selon les estimations des Nations-Unies, 50 à 500 millions de personnes pourraient être contraintes de migrer d’ici à 2050 sous l’effet des inondations, de la dégradation des sols, des catastrophes naturelles, de la déforestation,… Là non plus, il n’est pas utile de préciser quel continent sera le plus touché par l’exode des réfugiés climatiques, victimes de l’inconscience des hommes.
Faudra-t-il donc organiser le prochain sommet du Climat à Lampedusa ? A l’ombre des tombes de ces milliers d’Africains, première victimes innocentes de l’exil climatique, pour que les dirigeants de la planète prennent enfin conscience des dangers qui menacent la planète et ses habitants ?
Jean-Michel Meyer