Dans le quartier de La Sablière à Libreville (Gabon), villégiature des grandes ambassades et des élites gabonaises, une enseigne, qui a récemment vu le jour, interpelle les badauds : un logo qui met en perspective le continent Africain, et une marque qui s’affiche en couleurs arc-en-ciel : Performances Group.
Photo: Kristine Ngiriye
L’inauguration en octobre 2013 du nouveau siège Afrique centrale du cabinet panafricain de conseil en Stratégie et Organisation Performances Group matérialise la présence d’un acteur trop discret de l’accompagnement à la « transformation des économies africaines », comme l’affirme ambitieusement le slogan de l’entreprise. L’enseigne est née en 1995, avant que tout le monde ne parle avec enthousiasme du décollage économique du continent africain. Fondé par Victor Gorom Ndiaye, alors âgé de 32 ans à peine, le cabinet regroupe de jeunes cadres africains formés dans les cabinets de conseil, les banques et les entreprises d’Europe et d’Amérique du Nord, décidés à participer sur place au défi du développement de l’Afrique.
Dans un continent où l’expérience des plans stratégiques a très souvent mal tourné, dans les années 1960 et 1970, conduisant aux ajustements structurels des années 1980 pour désendetter des pays accablés, il fallait de l’audace pour prétendre se lancer dans le conseil en stratégie à destination des Etats et des entreprises africaines. De l’audace et de la persévérance. Petit à petit, Performances se construit une crédibilité et une expertise tout en bénéficiant du regain de dynamisme de l’Afrique francophone dans les années 2000. Une dynamique à laquelle le cabinet peut se prévaloir d’avoir participé en conseillant des Etats comme le Bénin, le Tchad et plus récemment le Gabon, ainsi que des institutions panafricaines comme l’UEMOA, la BOAD, la CEMAC et l’Union Africaine. La spécificité du cabinet, en compétition avec des concurrents internationaux comme McKinsey ou Boston Consulting Group, est de mobiliser une expertise et un point de vue africains, une dialectique qui, tout en s’inspirant des meilleures pratiques occidentales et orientales, cherche à les adapter aux spécificités du contexte et des besoins particuliers du continent africain dans toute sa diversité.
Comme l’affirme le fondateur du cabinet Victor Ndiaye (récemment cité parmi les 100 personnalités africaines les plus influentes de l’année 2013 par notre confrère New African) « après la première guerre mondiale, les cabinets de conseil ont joué un rôle clé dans la restructuration et le développement de l’industrie américaine, avec notamment le cabinet Arthur D. Little auprès de General Motors, McKinsey auprès de DuPont ou de Ford ou encore Booz Allen Hamilton auprès du Gouvernement américain. Ces cabinets ont ensuite fortement contribué à la diffusion des nouveaux « modèles managériaux » en Europe et en Asie, plaçant ces zones dans le peloton de tête de la compétitivité et du développement. L’Afrique est restée en arrière. » Plus pour longtemps, il faut l’espérer.
L’une des premières missions du cabinet Performances a été d’accompagner la privatisation de la Sonatel (Société Nationale de Télécommunications) suite à la séparation entre les Postes et les télécommunications au Sénégal en 1995. L’accompagnement se poursuit à ce jour et fait du développement de l’entreprise une véritable success story, la Sonatel étant la plus importante société privée cotée d’Afrique de l’Ouest, véritable champion africain.
Aujourd’hui, le cabinet continue d’accompagner des entreprises portant l’ambition d’un leadership panafricain, à l’instar d’Orabank. Mais le cœur de métier de Performances Group reste l’accompagnement des Etats et des institutions panafricaines dans l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies de développement. Et le cabinet écrit actuellement une page importante de son histoire au Gabon, page dont dépendra sans doute sa crédibilité et son développement futur.
Dès 2009, Performances appuie le nouveau président élu Ali Bongo Ondimba dans l’élaboration du Plan Stratégique Gabon Emergent (PSGE), à partir de la vision formulée par le candidat gabonais lors de sa campagne électorale, « l’Avenir en confiance ». A l’horizon 2025, le PSGE prévoit de diversifier l’économie gabonaise, en privilégiant une transformation sur place des ressources longtemps exportées de manière brute, comme le bois, le manganèse ou le fer. Une stratégie d’industrialisation à partir de cluster spécialisés sur la transformation de ces ressources est en phase de mise en œuvre, avec pour ambition de créer 325 000 emplois d’ici 2025, et de sortir le pays de sa dépendance au pétrole.
Le Plan Stratégique Gabon Emergent a imprimé les consciences gabonaises, schématisé sous la forme d’un temple, avec pour socle les « fondations de l’Emergence » (gouvernance, capital humain, infrastructures), qui sont les facteurs de productivité qui alimentent l’ensemble du système ; trois piliers s’appuient sur ces socles, qui sont les trois domaines stratégiques d’activité : le Gabon Industriel, le Gabon Vert (préservation et valorisation de l’environnement naturel) et le Gabon des services ; ces trois piliers convergent vers un toit, l’objectif final de la stratégie, qui est la prospérité partagée et le développement durable du pays.
Pour Performances, la particularité du Gabon tient à ce que les autorités du pays lui ont confié l’accompagnement à la mise en œuvre de leur stratégie de développement. Une confiance qui augmente les enjeux liés à la réussite du PSGE pour le cabinet. Une mission à haut risque donc qui a été confiée à Kristine Ngiriye (photo), nouvelle Directrice Générale de Performances pour l’Afrique Centrale, qui prend le relais de Mactar Sylla, actuel conseiller en communication du Président Ali Bongo Ondimba.
Madame Ngiriye capitalise près d’une vingtaine d’années d’expérience dans le conseil en communication et la gestion de projets, elle dirige au Gabon une équipe d’une vingtaine de consultants que viennent épauler des experts internationaux. La rwandaise du cabinet Performances, elle-même produit de la Sorbonne et de Sciences-Po Paris, a mis en place une politique de recrutement incitative pour le retour des cadres africains formés à l’étranger. Elle s’est donnée pour objectif de constituer une équipe multiculturelle autour d’un noyau de consultants gabonais de haut niveau, dans la dynamique de gabonisation des postes : «notre plateforme de Libreville constituera le hub régional pour l’Afrique Centrale en matière de services intellectuels, notre volonté est qu’elle soit essentiellement portée par des gabonais formés à nos standards, un pari que nous faisons sur le capital humain et une contribution affirmée au Gabon des Services.»
La tactique privilégiée par le président Ali Bongo Ondimba est de s’appuyer fortement sur le secteur privé pour la mise en œuvre de sa stratégie, à rebours des expériences passées des Etats africains, qui voulaient tout prendre en charge par eux-mêmes. Des partenariats économiques solides ont été noués avec des entreprises leaders dans leur secteur comme OLAM pour l’agro-industrie, Eramet-Comilog pour l’exploitation du manganèse ou Sustainable Forrestry Management (SFM – entreprise sud-africaine) pour l’éco-tourisme et l’aménagement durable des forêts. Un fonds d’investissement, le Fonds Gabonais d’Investissements Stratégiques, joue quant à lui le rôle de partenaire financier de l’Etat dans sa stratégie de développement.
L’Afrique porte un regard attentif aux évènements en cours au Gabon. Le pays viendra-t-il s’ajouter à la liste des nouvelles réussites africaines, à l’instar de Maurice, du Botswana, et plus récemment du performant Rwanda ? L’ambition portée par le nouveau leadership des autorités gabonaises sera-t-elle couronnée de succès ? En filigrane, une autre histoire, non moins intéressante, méritera l’attention : un acteur africain du conseil en stratégie est-il en train de s’imposer comme une référence incontournable ?