A Financial Afrik, Abdoul Salam Bello, Senior cordinator de l’agence du Nepad, dresse les objectifs du sommet de Dakar prévu les 13 et 14 décembre. Du beau monde et des beaux projets sont attendus dans la capitale sénégalaise. L’occasion pour cette agence panafricaine, dirigée par le nigérien Ibrahim Assane Mayaki, de prouver, qu’après avoir survolé la théorie du développement, qu’ elle peut (enfin) atterrir sur la plate réalité. Qualifiée autrefois de belle Mercèdes sans chauffeur, cette agence a-t-elle trouvé le bon conducteur ? C’est le moins que l’on puisse lui demander après douze ans d’ateliers et de brain storming. Entretien…technique.
Caricature d’Afronline Org représentant Ibrahim Assane Mayaki, CEO de l’agence NEPAD
Quels sont les objectifs de ce sommet du Nepad sur les infrastructures ?
Ce sommet se tient, rappelons-le, dans un contexte de forte croissance d’un certain nombre de pays africains. Le but c’est d’arriver à soutenir cette croissance à travers la facilitation des échanges de biens et de services à des coûts réduits, de manière à favoriser la transformation de l’Afrique. Aujourd’hui, transporter un conteneur de Shanghai à Djibouti coûte trois à quatre fois moins cher qu’entre Djibouti et Abidjan. Il y a un problème d’intégration qui se pose. D’où la nécessité d’investir dans les infrastructures routières, ferroviaires et énergétiques d’intégration ;
–Justement, y-a-t-il eu un travail d’évaluation des besoins en financement de ces infrastructures d’intégration ?
Dans le cadre de l’Union africaine, le PIDA (programme d’infrastructures) identifie 51 grands projets d’infrastructures à réaliser d’ici 2040. Partant du fait qu’il y a une croissance forte, l’on dit que l’Afrique a de plus en plus de ressources domestiques disponibles permettant de participer au financement de tels projets. Le but du sommet de Dakar est de favoriser la création de partenariats public-privé afin de faire participer le secteur privé à l’édification de ces chantiers. Une meilleure synergie entre décideurs politiques et acteurs privés passe par quelques réformes indispensables afin de diminuer l’aversion au risque qu’ entretiennent ces acteurs privés vis-à-vis de la chose publique.
-Jusqu’ à quel degré pensez-vous que ces ressources domestiques pourront intervenir dans le financement des infrastructures africaines ?
Il faut savoir qu’aujourd’hui, quelque 80% des infrastructures existantes en Afrique ont été financés par des ressources pourtant publiques. Le but c’est d’arriver à un partenariat public-privé rénové de manière à mobiliser davantage de ressources.
–Quels sont les besoins de financement relatifs au programme africain d’infrastructures ?
A l’orée 2020, ces besoins s’élèvent à 68 milliards de dollars. Il en faudra cependant 300 milliards de dollars pour couvrir tout le programme PIDA d’ici son échéance, en 2040. Les infrastructures couvrent tous les domaines, de la route au ferroviaire, en passant par le transport de gaz, l’Energie, les technologies de l’information. L’un des axes phares de ce programme est le corridor Algérie, Niger Nigéria avec une composante routière, gazoduc, et la fibre optique. Au niveau des infrastructures portuaires, beaucoup reste à faire. Le port de Tanger Med est l’un des exemples réussis de transport multimodal en Afrique combinant des voies de dégagement par route, TGV etc. Hormis cet ouvrage, le seul port africain en eau profonde et à Durban (Afrique du Sud). Par rapport à tous ces projets-là, l’approche africaine à changer. Par exemple, le corridor Dakar-Djibouti a été divisé en tronçons comme Dakar –Bamako, Ndjamena-Niamey, de manière à faciliter le financement et le suivi de l’exécution.
Quel est le rôle du Nepad dans le financement de ces programmes d’infrastructure ?
Nous avons un rôle de facilitateur, de coordination et de planification. Le sommet de Dakar entre dans notre rôle de facilitateur. Nous discutons à l’échelle de l’Union Africaine. Notre démarche est encadrée par le principe de subsidiarité entre Etats, Union économiques régionales et Unions africaines. Nous apportons une expertise technique.
Est-ce que le système bancaire et financier africains est-il mûr pour accompagner de tels financements ?
Le système bancaire africain s’élargit. La naissance des champions régionaux crée un effet de levier important. Certes, il y a des réformes à mener pour pousser ces acteurs à diminuer leur aversion au risque par rapport à ces infrastructures.
Le nouveau slogan du Nepad est «transformer l’Afrique ». Un changement de cap ?
A sa création au début des années 2000, le Nepad était un secrétariat. Aujourd’hui, c’est une agence pour la coordination et la planification. Nous ne sommes plus dans la logique de l’aide publique. Les africains doivent prendre en charge la problématique de leur développement.
Propos recueillis par Adama Wade