Le groupe nucléaire français Areva a-t-il décidé d’arrêter la production minière d’uranium sur les deux sociétés, la Cominac et la Somaïr, à Arlit (extrême-nord du Niger), faute d’accord avec le gouvernement nigérien?
L’ information relayée à la vitesse grand V par l’agence de presse chinoise XINHUA traduit l’âpreté des négociations et l’intérêt de l’Empire du milieu (via la China National Nuclear Coporation) en embuscade. Toutefois, il est peu probable que le leader français de l’énergie nucléaire, présent au Niger depuis plus de 40 ans à travers ses filiales la SOMAÏR, la COMINAK et bientôt Imouraren, les gisements d’uranium d’Arlit, dans la région d’Agadez (extrême-nord), renonce à ses positions.
Les calculs politiques du président Issoufou
Il est tout autant improbable que le gouvernement nigérien renonce à la nouvelle législation minière qui date de 2006. Certes depuis, le président Mamadou Tandia, architecte de cette révision, a été balayé par un « putsch démocratique » le 18 février 2010. Comme le fut autrefois son prédécesseur , Hamadi Diori, en 1974. Peu avant son renversement, le président Tandia avait accusé Areva de financier la rébellion Touarégue.
Elu en mars 2011, Mahamadou Issoufou arrivera-t-il à la fois à satisfaire la rue et son partenaire ? Dans l’ensemble, les nigériens sont d’accord sur cette révision qui prend les allures d’une seconde indépendance dans les colonnes de certains journaux.
Le Niger souhaite un contrat meilleur pour le nouvel accord de dix ans en cours de négociations. Le pays n’a perçu que 459 millions d’euros pour les 115 000 tonnes extraites depuis le début de l’extraction en 1971, soit 13 % de la valeur des exportations d’uranium estimée à 3,5 milliards, renseigne l’organisation Oxfam. Areva fait un autre calcul selon une réaction publiée dans Le Monde. Ainsi, 85 % des revenus (taxes et dividendes) sont allés au Niger sur cette période, soit 871 millions. L’entreprise en a tiré 129 millions (13 %), et ses partenaires espagnols et japonais, 24 millions (2 %). En 2012, les parts respectives étaient de 70 %, 27 % et 3 %, selon Areva.
Le contrat qui lie les deux parties depuis les années 70 est arrivé à terme à partir du 31 décembre 2013. Si le groupe nucléaire, détenu par l’Etat français à 80%, arrête ses usines c’est le sort de ses 5 300 employés qui est immédiatement en jeu. Un argument suffisant pour infléchir le président Mamadou Issoufou? Aux dernières nouvelles, Areva explique l’arrêt de ses usines non pas par « un vide juridique » ainsi que l’a relayé l’agence chinoise mais par des besoins de « maintenance » qui durera jusqu’à la mi-janvier.
Les calculs économiques d’Areva
Notons que le dernier accord liant les deux parties, signé le 13 janvier 2008, prévoyait l’exploitation du gisement d’Imouraren, qui sera le plus grand projet jamais mené en Afrique pour l’extraction d’uranium. Or, compte tenu de l’évolution des cours actuels, du contexte post Fukushima et de la surabondance de l’offre, il est peu probable que le groupe Areva veuille faire démarrer une nouvelle mine. N’était-ce pas la raison qui l’a poussé récemment à décaler ses investissements en RCA?
Quatrième producteur d’uranium au monde, le Niger est l’un des pays les plus pauvres de la planète. Bien qu’il soit premier fournisseur d’Areva (40%), ce pays sahélien ne tire du minerai jaune que 5 % de ses recettes budgétaires et 5,8 % de son produit intérieur brut. Les négociateurs nigériens veulent porter la contribution de l’uranium à 20% du budget national.