A partir de 2000, les Etats-Unis (cela peut paradoxal pour certains, mais nos sources le confirment) ont imaginé et initié un nouveau plan dénommé le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) en vue de donner un nouveau souffle économique à l’Afrique et favoriser le développement des échanges entre les Etats-Unis et les pays africains.
Magaye GAYE , Cabinet GMC*
Dans le cadre de leur recherche effrénée d’outils d’intégration politique et économique à même d’accélérer le développement du Continent, les dirigeants africains ont imaginé et testé de nombreux plans d’actions depuis les indépendances. Parmi ceux-ci, Il convient de rappeler le Plan d’Action de Lagos et l’Acte final de Lagos (1980-2000), le Programme prioritaire de redressement économique en Afrique (1986-1990), la Charte Africaine d’Arusha pour la participation populaire et le développement (1990), le Traité d’Abuja (1991) et l’Agenda du Caire (1994). Toutes ces initiatives se sont soldées par des échecs.
Un plan made in USA…
A partir de 2000, les Etats-Unis (cela peut paradoxal pour certains, mais nos sources le confirment) ont imaginé et initié un nouveau plan dénommé le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) en vue de donner un nouveau souffle économique à l’Afrique et favoriser le développement des échanges entre les Etats-Unis et les pays africains.
Pour mieux concrétiser ce projet, cinq pôles stratégiques ont été choisis pour servir de réceptacle à cette initiative, considérée selon eux comme une initiative de renaissance du Continent et un plan stratégique. Ainsi, l’Afrique du Sud, le Sénégal, le Nigeria, l’Algérie et l’Egypte sont les pays choisis par les Américains pour représenter les différentes régions de l’Afrique. Les principaux objectifs poursuivis consistent à réduire la pauvreté, placer l’Afrique sur la voie du développement durable, mettre un terme à la marginalisation de l’Afrique et autonomiser les femmes. Dans le souci d’atteindre les objectifs visés, certains Etats comme le Sénégal ont même traduit dans les faits les priorités du NEPAD, en érigeant un ministère de plein exercice chargé du NEPAD.
Une décennie plus tard…
Plus d’une décennie après sa mise en place, ce nouveau plan suscite plein d’observations. Parmi celles-ci, il convient de s’interroger sur l’opportunité du NEPAD qui semble être un plan de plus dont le bilan reste très mitigé. A l’observation, ce nouveau plan pour l’Afrique n’est-il pas une initiative totalement déconnectée des réalités et contre-productive ?
Un constat retient d’emblée l’attention: le NEPAD semble avoir été conçu dans un vrai contexte de positionnement stratégique et géopolitique entre Etats. Ce nouveau partenariat est en effet issu de deux initiatives parallèles dont la première est le Partenariat du Millénium pour le Programme de Redressement de l’Afrique (MAP), conduit par l’ancien Président sud-africain Thabo Mbeki, et révélé au Forum Economique Mondial de Davos en Janvier 2001. La seconde est le Plan Oméga conçu par le Président du Sénégal, Abdoulaye Wade et présenté au Sommet de la Francophonie au Cameroun, en Janvier 2001. Le MAP et le Plan Oméga ont été, par la suite, fusionnés pour donner naissance à une troisième initiative, la Nouvelle initiative pour l’Afrique (NAI) qui a abouti au NEPAD en 2001.
Devant un tel constat de querelles de leadership continental, et considérant le rôle prêté aux Américains dans la conception du NEPAD, l’on peut légitimement se poser des questions sur la vraie motivation des initiateurs à conduire les peuples africains vers le progrès. Les dirigeants sud africains et sénégalais semblant avoir en effet mis en avant leurs ambitions personnelles et le rayonnement de leur pays avant le développement de leur continent.
Le NEPAD est il une initiative stratégique salutaire pour notre continent ? A ce propos, il convient d’admettre qu’à l’instar des entreprises, la stratégie est une démarche, qui bien conduite, peut procurer davantage de satisfactions aux Etats. Bien conduite signifie, non seulement décliner des ambitions claires, fixer des objectifs réalistes et mesurables, procéder à un diagnostic réaliste des forces et faiblesses de l’entité pour laquelle le plan stratégique est conçu, mais également bien cerner les menaces et opportunités de l’environnement. Last but not least, définir un système de contrôle pour mesurer les résultats atteints et définir un bon système d’allocation des ressources nécessaires à l’atteinte des objectifs. Le pouvoir de décision s’avère aussi décisif dans toute démarche stratégique.
S’agissant des ambitions du NEPAD, elles sont déclinées comme suit : « d’abord, promouvoir la croissance accélérée et le développement durable, ensuite éradiquer la pauvreté généralisée avant de mettre fin à la marginalisation de l’Afrique dans le processus de mondialisation, par l’intégration accélérée du continent africain à l’économie mondiale ». A l’analyse, cette façon pour les initiateurs du NEPAD de concevoir la vision pose problème : les axes définis dans les ambitions constituent assurément de la redite, un discours dominant prôné par les institutions financières internationales qui n’a pas donné les résultats escomptés depuis plus de 50 années de gestion post indépendance. La croissance, même accélérée n’est pas synonyme de développement ; en outre, le terme développement tel que décliné dans les ambitions du NEPAD ne semble pas avoir encore trouvé un minimum de consensus entre africains. Posez la question à 5 dirigeants continentaux triés sur le volet, vous vous apercevrez que les réponses seront variables puisqu’il n’existe pas en amont un travail d’appropriation collective de cette notion. Enfin, le séquencement proposé qui donne la priorité à la croissance au détriment de la lutte contre la pauvreté est discutable. L’état de pauvreté étant endémique au niveau continental, des actions fortes de redistribution devraient être menées dès maintenant au lieu d’attendre une hypothétique croissance accélérée qui deviendra de plus en plus difficile à atteindre dans un contexte de mondialisation inégale et de crises économiques à répétition.
Par ailleurs, définir un cadre stratégique commun pour un continent immense de plus de 50 Etats, avec plus de 30 millions de km2, des réalités socio politiques différentes, des vécus coloniaux différents, des niveaux de développement inégaux, des résultats en terme d’intégration économique faibles, semble à priori relever du rêve. Le NEPAD peut-il être efficace sachant que les Etats ont leurs propres priorités économiques, des outils d’intégration sous régionaux fonctionnels et un instrument comme la Commission Economique des Nations Unis pour l’Afrique qui existe depuis 1958 ? Sans compter l’existence de différentes sous commissions techniques au niveau de la Commission de l’Union Africaine ; en tant qu’Instrument de conseil, d’orientation, de directives, le NEPAD ne semble pas constituer un outil de décision et ne peut dés lors jouer un rôle coercitif sur les Etats. Sous ce rapport, la présence du NEPAD auprès d’organismes et mécanismes d’intégration sous régionaux et continentaux pourraient créer des doublons et à terme brouiller les plaidoyers africains en terme d’investissements sectoriels prioritaires à mener et de mobilisation de ressources extérieures.
Ces différentes contraintes soulignées expliquent sans doute les difficultés dans le processus d’adhésion des Etats aux programmes initiés par le NEPAD. A titre d’exemple, s’agissant du Programme Détaillé de Développement de l’Agriculture Africaine (PDDAA), initié par le NEPAD en 2003, seuls 22 pays du continent, soit moins de la moitié avaient en 2010 signé le compact. Ce résultat n’est pas surprenant dans la mesure où la question agricole est un domaine où les diagnostics et les recommandations font l’objet d’un consensus fort, à tel point que l’existence d’une task force continentale de proposition n’apporte pas suffisamment de valeur ajoutée aux Etats pris individuellement. Les expertises nationales sont reconnues. Manquent sans doute la volonté politique et les ressources financières nécessaires à la modernisation du secteur.
S’agissant des ressources financières à mobiliser par le NEPAD, elles doivent être colossales, au regard des 6 programmes prioritaires définis. En lieu et place de stratégies de mobilisation de financement réalistes, basées sur des projets de tailles acceptables par les bailleurs de fonds, on assiste souvent à des programmes faramineux dont les montants annoncés donnent des vertiges. Il est à noter que l’Afrique a toujours eu des espoirs déçus sur ses programmes et projets soumis à la communauté internationale pour financement. Des besoins d‘investissements colossaux sont exprimés à l’occasion de la présentation desdits projets. Des tours de tables sont organisées à l’issue desquels, des promesses de contribution gigantesques sont annoncées dans l’euphorie sans aucune suite. De nombreux exemples existent. Engagements d’aide du G8 envers l’Afrique respectés qu’à hauteur de 14% selon certains observateurs. Le Programme Economique Régional (PER) de l’UEMOA d’un montant de 4.000 milliards de FCFA est également un autre exemple. Il est affirmé sur la base des promesses d’aide reçues que la moitié a été trouvée. Au décompte final, les espoirs risquent d’être encore déçus. Le Mali avec ses 3,25 milliards d’euros théoriquement mobilisés lors de la conférence de Bruxelles sur la reconstruction du pays n’est pas épargné par le constat. Malgré des promesses de dons et de prêts qui ont dépassé les attentes, force est de parier que la plupart de ces annonces ne seront pas suivies de décaissements.
Le NEPAD pourrait avoir les mêmes difficultés de mobilisation de ressources au regard de la taille des programmes en jeux. Tous ces problèmes devaient amener les africains à dresser un bilan sans complaisance de 50 ans d’initiatives d’intégration déracinées, pensées au sommet, sans la moindre prise en compte des aspirations populaires.
Au finish, il semble que de manière quasi globale, aucune des initiatives d’intégration pensées depuis plus de la moitié d’un siècle n’ont réussi à arrimer notre Continent au progrès. Le moment nous semble venu de penser à des alternatives.
Une d’entre elles pourrait concerner des politiques consistant à développer plutôt nos terroirs, avant d’aller progressivement et de façon réfléchie vers des intégrations souhaitées par les peuples et non vers des ententes préfabriquées et forcées. Tout en continuant de cheminer avec des logiques d’Etats-nations qui nous ont été léguées, par le colonisateur, nous nous demandons si le moment n’est pas venu d’expérimenter d’autres formes d’organisations, plus proches des peuples, comme par exemple le découpage des Etats-nations en terroirs homogènes liés par l’histoire, la langue et le vécu culturel. La responsabilisation de tels espaces géographiques grâce à des politiques de décentralisation courageuses basées sur le transfert de prérogatives significatives et de moyens fiscaux importants devrait peut être faire naître de nouveaux espoirs pour le continent Africain. Tout ceci pour simuler une saine motivation, entre les nouvelles entités définies, sous le double contrôle des Etats-nations et des populations locales. Il s’agira en d’autres termes de créer des confédérations nationales.
*CABINET DE RECHERCHE DE FINANCEMENT GMC
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Dakar-Sénégal
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