En 2063, les langues des anciennes colonies ont disparu de l’Afrique pour être remplacées par le Swahili, désormais enseignée dans les principales universités du monde. Le TGV African Express Rail relie désormais le continent devenu depuis 2051 une confédération d’Etats.
En 2063, l’Afrique, éclairée grâce à une combinaison des énergies renouvelables et des énergies fossiles, sortie des guerres, des maladies et des famines, s’auto-finance via des projets de partenariat public-privé impliquant les investisseurs des pays émergents, notamment ceux du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine)
Le continent est engagé dans la technologie spatiale grâce à une industrie florissante le long de ses Silicon Valleys s’étendant de l’Egypte au Rwanda et de ses usines en RDC, en Angola, en Zambie etc. Kinshasa a, en cette année 2063, supplantée Paris et Milan en tant que capitale de la mode.
Tel est, en substance, le discours de madame Dlamini Zuma, présidente de la commission de l’Union Africaine, libellé sous la forme d’un email adressé du futur. Cette allocution lue à l’ouverture du 22e sommet de l’Union Africaine livre les grandes lignes de l’Afrique en 2063, une étude qui occupe les économistes et staticiens de la commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) et de la commission de l’Union Africaine depuis au moins deux ans.
Ce « I have a dream », aussi revigorant soit-il, se heurte aux réalités d’une Afrique où les forces motrices de l’histoire (rapports de production, intérêts de la classe dominante ) tendent plutôt vers le statu quo, c’est à dire l’accélération de la balkanisation. Pour preuve, l’Union Africaine ne dispose d’aucun agenda devant la transformer d’ici 50 ans en Etats confédérés.
Les contradictions politiques et diplomatiques qui agitent actuellement l’instance panafricaine en font une rencontre de syndicats de chefs d’Etats qui s’apprécient mutuellement. Comment allons-nous envoyer un homme sur la lune dans 50 ans si en 2014 nous ne disposons pas d’un « Ariane » africain approuvé dans les cercles scientifiques et non politiques?
L’Afrique de 2063 n’échappera pas aux trois scénarios des futurs africains étudiés par le sociologue sénégalais Alioune Sall. Entre les lions faméliques, les lions qui marquent leurs territoires, les lions conquérents et, comme actuellement au Soudan et en Centrafrique, les lions qui se mangent, nous devons choisir le destin que nous voulons.
Rien ne changera en 50 ans sans actes forts posés aujourd’hui. Pour être une langue de référence en 2063, le Swahili devait, en 2014, être enseigné dans les universités, les écoles et disposer d’académie ainsi que de publications scientifiques de reférence. A moins d’un baguette magique, la Silicon Valley est l’aboutissement d’un processus long, l’américaine ayant commencé au début du 20e siècle pour arriver à maturité à la fin des années 90. De même, le TGV est né d’abord de la maîtrise du chemin de fer et du bon vieux train évoluant à 100 km à l’heure.
Bref, le rêve éveillé de madame Dlamini Zuma est mobilisateur s’il aboutissait à une vision. L’avenir se construit aujourd’hui. Le déterminisme statistique part des réalités d’aujourd’hui et des études rigoureuses. Pour l’heure, la plupart des projections démographiques sur le futur africain conclue à une accélération du phénoméne de peuplement. L’Afrique comptera 2,2 milliards d’habitants en 2050 selon l’Institut français d’études démographiques. Première puissance démographique mondiale en 2050, l’Afrique sera aussi receptable d’économies fortes. Le cabinet Price Waterhouse voit le Nigeria dans le top 20 des économies mondiales en 2050 et la Chine et l’Inde devant les USA. Aucune allusion à l’Afrique comme ensemble composite.
Toute prospective devant partir du réel, il est difficile à l’heure où la CEMAC (Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale) peine à imposer un passeport unique et où le Maghreb et la Cédéao n’arrivent pas à s’entendre sur le droit d’établissement et la circulation des personnes et des biens, d’imaginer une Afrique des Etats confédérés en 2063.
Entre le traité de Rome signé en 1957 et l’année 2007, cinquante années se sont passées. L’Union Europénne est devenue durant ce laps de temps un espace commun, avec une monnaie unique, un parlement mais n’a pas trouvé encore les bases d’une politique étrangère commune prélude à une centralisation du pouvoir.
L’Afrique de 2014 compte 40 monnaies et 55 politiques étrangères qui ne défendent pas les mêmes causes lors des grandes résolutions à l’ONU. La preuve, le Nigeria , l’Afrique du Sud, deux poids de lourds africains, ont bien voté la résolution 1973 de l’ONU instaurant la zone d’exclusion aérienne au dessus de Benghazi et utilisée par l’OTAN pour intervenir dans ce pays. Ce alors que l’Allemagne, la Chine, le Brésil et l’Inde se sont abstenus de voter cette résolution présentée par la France et l Royaume Uni. Ces deux pays africains qui ont voté à l’ONU sont revenus par la suite pourfendre ce texte onusien à l’Union Africaine et plaider pour une solution africaine. Cet épisode montre l’absence d’une vision africaine commune des relations internationale.
Par ailleurs, rien dans les comportements des élites africaines ne montre un changement de mentalité. Une publication récente des Nations Unies soulignait que les avoirs privés des africains en dehors de la région représentent 60% du PNB du continent, soit la plus forte proportion des régions du monde. De même, cette épargne ne cesse de s’accroître en dépit des obstacles de plus en plus nombreux (Nations Unies 2001). » Or qu’est ce qui nourrit ces placements africains à l’étranger sinon le manque de confiance en l’Afrique, en ses institutions, son système judiciaire, ses marchés financiers? Comment arriverons nous à convaincre les investisseurs étrangers à investir chez nous alors que nous plaçons nos épargnes et nos retraites dans les pays de l’OCDE?
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