Les 24 et 25 février, aura lieu la réunion du groupe consultatif du Sénégal à Paris. Le premier jour est dédié aux partenaires techniques comme la Banque mondiale et le FMI, les organisations multilatérales et les pays entretenant des relations privilégiées avec le Sénégal. La deuxième journée, véritable innovation, sera consacrée aux partenaires privés. La délégation sénégalaise comprend des représentants des Finances, de l’Economie, du Budget des opérateurs privés.
Le Sénégal veut mobiliser 10 287,6 milliards de FCFA pour financer son PSE (Plan Sénégal Emergent) , soit environ 20 milliards de dollars à comparer avec les 22 milliards nécessaires au financement du Plan national de développement de la Côte d’Ivoire. Les plans de ces deux pays peuvent offrir des bases de comparaison sachant qu’en 2012 le Sénégal comptait un PIB de 14,16 milliards et la Côte d’Ivoire, environ 24,68 milliards de dollars à égalité avec le Cameroun (24,98 milliards de dollars).
Il faut dire que la majorité du financement du PSE sera fourni par le Sénégal. A Paris, c’est le financement complémentaire qui est recherché. Soit 2 964 milliards (6 millliards de dollars). Au-delà du montant, la mobilisation de ces financements est un véritable test de consistance et de crédibilité du PSE et de ses documents de reférence. Quelque 3,7 milliards de dollars proviendront des partenaires publics. Le reste est complété par l’apport privé. L’émergence économique est fixé en 2035 au plus tard.
La démarche n’est pas sans risque. La sollicitation des mêmes bailleurs par les mêmes pays (Sénégal et Côte d’Ivoire concernant l’espace UEMOA) est une concurrence en soi. Le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Gabon, quatre pays de la zone CFA, ont tous élaboré des plans émergents sans la prise en compte de la dimension intégration. Est-ce à dire que l’Afrique CFA sera encore balkanisée en 2035?
Bref, le PSE est l’aboutissement d’une réflexion sur dix ans, selon le ministre sénégalais délégué en charge du Budget, Mouhamadou Makhtar Cissé, lors d’une rencontre avec le conseil économique et social. Le PSE trascende le document de Stratégie Nationale de développement économique et social qui tablait sur une forte croissance entre 2013 et 2017.
La confusion entre les deux programmes est possible puisque les deux stratégies procèdent de la même démarche auprès des mêmes bailleurs. Au delà, avec le PSE, c’est la logique du court terme qui est abandonnée au profit d’un horizon plus large. De même, le PSE semble plus souverain étant conçu essentiellement par le Sénégal alors que la SNDS porte le sceau de la Banque mondiale qui l’a reproduit dans tous les pays en développement à la fin des PAS. Le PSE consolide la vision économique du Sénégal en établissant un reférentiel unique.
Des zones à clarifier
Au-delà du financement, le PSE doit conduire le Sénégal à une croissance forte pour créer des emplois pour les jeunes qui représentent 40% de la population. Le pilotage du plan entre le ministère du Budget, du Plan ou une structure ad hoc est à clarifier.
Le PSE repose sur restructuration, la relance par les secteurs porteurs (agriculture), le développement du capital humain et la gouvernance. Et pourquoi pas les services compte tenu de la position stratégique du Sénégal entre les USA et l’Europe, le Moyen Orient -Afrique du Nord et Afrique subsaharienne? Le PSE a-t-il fait une option claire entre la résorption du chômage par les services (un emploi généré par les services est moins coûteux en temps et en capital) ou par l’agro-industrie (temps long)?
La grande inconnue reste l’ implication du secteur privé. A quel degré ? A noter qu’au Sénégal, la masse salariale, qui pèse 491 milliards de FCFA, représente un tiers des recettes fiscales. Le PSE passera-t-il par la réforme du budget de l’Etat et la restructuration de la fonction publique? Une nouvelle approche de la fiscalité? Comment le Sénégal qui a généré un taux de croissance moyenne de 3,3 % entre 2006 et 2012 contre 3,6 pour cent pour l’UEMOA et 6,4 pour la cedeao parviendra-t-il à libérer ses énergies sans remettre à plat son système fiscal qui rappelle plus un pays de la zone OCDE qu’un pays émergent?