De la courageuse naissance ouest-africaine à l’inamicale OPA sud-africaine …
Le Nigeria a joué le rôle de locomotive dès le début d’Ecobank. N’eut été l’engagement d’ Adeyemi Lawson, alors président de la Fédération des Chambres ouest-africaines de commerce, et deuxième actionnaire d’Ecobank, la banque rejoindra le cimetière des bonnes idées. Cet avocat de formation, à la tête d’un empire commercial allant de l’immobilier au commerce, propriétaire de la première brasserie locale du Nigeria, allait jouer le rôle de locomotive vis-à-vis de ses pairs du Bénin, du Togo, de la Côte d’Ivoire, du Liberia, de la Sierra Léone, du Sénégal et du Mali. Autre panafricaniste sans qui Ecobank n’aurait jamais vu le jour, le nigérian Henry Fajemirokun, fondateur de la Fédération des Chambres de commerce d’Afrique de l’Ouest (FCCAO) et directeur du groupe Henri Stephens. Il est décédé en 1978, un an avant que son rêve ne devienne réalité avec l’adhésion à la FCCAO des pays francophones. Autre idéaliste (c’était ainsi qu’on appelait ceux qui voulaient créer cette banque), le togolais Gervais Koffi Djondo qui fut président du Conseil économique et social du Togo, avant d’être nommé président de la Chambre de commerce du Togo. En 1984, alors ministre des sociétés d’Etat au Togo, l’actuel président d’honneur d’Ecobank allait user de son influence pour balayer les dernières réticences et mobiliser les premiers soutiens d’Ecobank en zone francophone. Il faut le noter, Ecobank est d’abord lancé par la partie anglophone de l’actuelle CEDEAO. La Fédération des chambres ouest africaines de commerce va s’élargir à la partie francophone en 1979. Voici ci-dessous les dates clés d’Ecobank.
–1972: à Bamako, capitale du Mali, des hommes d’affaires ouest-africains réunis dans le cadre de la Fédération des chambres ouest-africaines de commerce (FCCAO) évoquent pour la première fois la nécessaire création d’une banque qui faciliterait les échanges inter-africains.
-1979: Réunie à Monrovia, la Fédération des chambres ouest-africaines de commerce (FCCAO) s’étend à l’Afrique francophone. L’idée d’une institution de financement du secteur privé, Africa Holding, a fait son chemin.
–1982: formation d’un groupe de travail sous l’égide de la Fédération des chambres ouest-africaines de commerce (FCCAO). Ce groupe est chargé de réfléchir sur la création d’une banque panafricaine dédiée aux affaires. Le constat fondateur était le suivant: pas une seule banque africaine privée dans l’espace cedeao, organisation créée en 1975. Les multinationales et les Etats se partageant alors les rôles.
1983: L’étude de faisabilité est prête. Africa Holdings sera une banque commerciale privée ayant pour vocation le développement régional. Ecobank a failli s’appeler West African Bank of Commerce and Industry ou Banque d’Accord. Le projet est soumis aux chefs d’Etat de la CEDEAO lors du sommet de Conakry. Bien que figurant dans l’ordre du jour, il sera renvoyé au sommet de Lomé en 1984, lequel entérinera la naissance d’Ecobank.
-Août 1984: la Fédération des chambres ouest africaines de commerce crée la société Ecopromotion SA au Liberia, devant gérer une future banque privée africaine, destinée à accompagner les opérateurs du secteur privé. Le projet reçoit la bénédiction des chefs d’Etat de la CEDEAO durant la même année, lors du sommet de Lomé.
-3 octobre 1985: Le premier holding de banque africain Ecobank Transnational Incorporated (ETI) voit le jour au Togo. Le capital de départ est de 100 millions de dollars. Le Sierra Léonais Thomas Hope est le premier président d’Ecobank. Il le restera jusqu’en 1991. Le Nigérian Adeyemi Lawson lui succédera jusqu’à son décès en 1993. Il fut remplacé par le Sénégalais Mahenta Birima Fall, auparavant premier vice-président de Ecobank et ancien directeur général du Fonds de la CEDEAO. Mahenta Birima Fall resta en fonction jusqu’en 1996. Gervais Koffi Djondo dirigea le groupe de 1996 à 2003. Puis ce fut le tour de Philip Asiodu d’occuper le poste de président jusqu’en 2007 avant d’être remplacé par Mandé Sidibé, ex-Premier ministre du Mali. Sidibé demeura président jusqu’à son décès à l’âge de 69 ans en 2009. Son successeur est Kolapo Lawson, le fils de l’un des principaux fondateurs de la banque. Cntraint à la démission en automne 2013 suite aux révélations de la directrice finance, Laurence Do Rego, le nigérian Kolapo Lawson ouvre un nouveau chapitre de la banque.
–1986: Un accord d’assistance technique est signé avec Citibank, premier partenaire d’envergure de la banque panafricaine naissante.
-1988: l’agence togolaise est inaugurée au mois de mars.
–1989: Ecobank ouvre une succursale en Côte d’Ivoire et au Nigeria
-1990: Ouverture des filiales du Bénin et du Ghana
–1994: Ecobank obtient un résultat net de 5 millions de dollars pour l’exercice et distribue ses premiers dividendes.
-1995: grave crise financière qui entraîne une réduction de 50% du capital d’Ecobank. Des mesures drastiques sont prises. Le conseil d’administration est remanié.
1996: Arnold Ekpé, un ex de la Citibank, fut nommé directeur général en septembre. C’est la fin des huit années de vaches maigres. A noter que le premier directeur général d’Ecobank, David Ansell, lui aussi ancien de Citibank, restera en poste de février 1989 jusqu’en 1991. Il fut suivi d’Antony Rex Butler qui occupa cette fonction de février 1991 à mai 1992. Il fut remplacé par Rizwan Haider, également directeur général de Ecobank Bénin, la plus grande filiale de l’époque. Amin Uddin, directeur général de Ecobank Togo, lui succéda de juillet à septembre 1996. La banque enregistrait des pertes et ne pouvait verser de dividendes aux actionnaires, à bout de patience. Cette crise aboutit à une restructuration de l’équipe de direction. Gervais Koffi Djondo remplaça Mahenta Birima Fall au poste de président en 1996. C’est à cette époque que le conseil contacta Arnold Ekpe, alors chez Citibank, pour lui proposer de devenir le directeur général de Ecobank. Dans le cadre de la restructuration de la banque, la direction et le conseil furent remplacés et les parts des fondateurs furent converties en parts ordinaires. La banque approcha des investisseurs africains et étrangers dans le but d’augmenter le capital. Ecobank se rapprochait de plus en plus du concept de “banque unique“, au lieu de constituer une fédération de banques indépendantes.
-1997: le Burkina Faso et le Mali rejoignent le réseau avec deux filiales pays. Durant cet exercice, la banque réalise un résulat net de 10 millions de dollars (pour un chiffre d’affaires de 500 millions de dollars). La SFI investit dans Ecobank Burkina Faso.
-1998: Ecobank Guinée, Niger et Liberia ouvrent leurs filiales. La SFI investit dans ETI. Idem pour la West Africa Growth Fund et le prince Al Waleed.
1999: Ecobank Sénégal se lance. La banque ouvre son capital à d’autres investisseurs. C’est la ruée vers l’or. Les salariés du groupe en profitent. De même, Ecobank Development Corporation voit le jour.
-2001: Ouverture de la filiale Cameroun. Arnold Ekpe partit en 2001 et fut remplacé par Ahmed Jelani, suivi de Jean Nelson Aka, directeur général de 2002 à 2004 et enfin de Olufemi Adefope jusqu’en 2005. Le conseil rappela Ekpe pour lui demander de consolider la banque. En l’espace de quatre ans, le nombre de filiales Ecobank est passé à 30, avec
deux nouvelles ouvertures prévues. La banque enregistrait des bénéfices record et lançait des produits novateurs tels que les cartes de débit et de crédit acceptées dans les agences Ecobank, de Mombasa à l’Est, à Dakar à l’Ouest.
-2002: le total bilan d’Ecobank franchit la barre du milliard de dollars (1,1 milliard de dollars).
–2006 : Tchad et Sierra Leone rejoignent le réseau. Cette année marque le tournant. Fort de 300 millions de dollars de fonds propres, Ecobank entame son processus d’intégration en Bourse dans les places financières ouest-africaines (Lagos, Abidjan et Accra). La cotation simultanée est effective en septembre. L’entrée en lice dans le top 1000 mondial fait de la banque (6000 employés et 330 agences dans 19 pays ) un géant qui suscite convoitises et admirations. Dans son rapport annuel, Ecobank annonce une nouvelle vision: rompre avec la vocation régionale ouest -africaine pour une vocation panafricaine. De même, consolider le modèle de banque universelle au lieu de rester sur des bases institutionnelles et corporate propres aux banques étrangères.
-2007: Guinée-Bissau, République Centrafrique, Rwanda et Sao Tomé et Principe.
–2008: Burundi, Congo-Brazzaville, Congo-Kinshasa, Kenya, Malawi, France. En août de cette année, Ecobank lance une émission de droits et une offre de vente d’actions d’une durée de 14 semaines dans le but de réunir 2,5 milliards de dollars. Néanmoins, elle n’obtint que 554 millions de dollars, suite à l’effondrement des marchés des capitaux mondiaux entraînant le désintérêt des investisseurs étrangers. L’échec partiel de cette opération augmente le besoin en argent frais de la banque, devenue virtuellement passible d’une OPA. Le russe Renaissance Capital rode et tente de s’emparer de la majorité à la hussarde. Il sera contraint de revenir à moins de 10%.
-2009: Ouverture de la filiale du Gabon. Ecobank scelle une alliance stratégique avec Nedbank et Bank of China.
-2010: la restructuration du groupe aboutit à la création de trois entités: Banque de détail, Banque d’affaires et Ecobank Capital. Ecobank signe une facilité de financement avec la SFI (175 millions de dollars).
2011: Arnold Ekpé, le tout puissant directeur général d’Ecobank est invité à partir. Le directeur général invoque son contrat qui stipule une année de préavis. En septembre 2011, la banque rachète 100% du capital d’Oceanic Bank, reprenant 373 agences. Cette acquisition serait coûteuse et obtenue en forçant la main des membres du conseil d’administration, dénotent les détracteurs de M. Ekpé. Autre engagement signé par Ekpé: l’accord de prêt de 285 millions de dollars avec Nedbank qui stipule la conversion du prêt en action en 2014 dans le cadre d’échanges croisés.
2012: en janvier, alors qu’il était en préavis, M. Ekpé continue de signer des affaires. L’acquisition de 100 % du capital de Trust Bank Ghana Limited (TTB) – qui a augmenté de 70 le nombre d’agences du groupe au Ghana. – est obtenue par échanges d’actions. Dernier acte posté par Arnold Ekpé, l’investissement de 250 millions de dollars du sud-africain PIC devenu en avril 2012 premier actionnaire de reférence d’Ecobank avec 19,58%.
2013: Suite aux révélations de la directrice finance, Laurence Do Rego, le PCA, Kolapo Lawson est contraint à la démission. Ecobank entre en crise. Une assemblée générale extraordinaire prévue le 3 mars devra marquer un nouveau départ. L’éventuel maintien du directeur général, Thierry Tanoh, signifierait la remise en cause de nombreuses transactions et procédures passées.
Sources: Ecobank, Financial Afrik, Bloomberg, Pana, AFP
Un commentaire
Bonjour, je suis un jeune camerounais licencie en Finance et Comptabilite et j’apprecie beaucoup votre travail. allez de l’avant