Le Maroc prend sa revanche sur l’Espagne et l’ilôt Leila (Persil)
Dès le mois de juin, le port de Tanger Med, déjà gigantesque par son volume de 3 millions de conteneurs EVP transbordés, passera à une capacité de 8 millions de conteneurs. Sans cette extension décidée à temps, le port qui a traité 2,5 millions de conteneurs en 2013 et en espère 2,7 millions en 2014, puis 3 millions en 2016, sera saturé.
Ceux qui doutaient, lors de la construction de cet ouvrage, en 2004, qu’il détrônera le sanctuaire d’Al Gesiras, alors incontournable sur le Détroit de Gibraltar (où transitent 100 000 bateaux par an), doivent aujourd’hui se rendre compte des voies impénétrables du commerce international et du trafic maritime. De même, lors de la concession du terminal I à Maersk (APM Terminal) en 2007, pour une période de 30 ans, beaucoup de voix autorisées de la profession, comme celle, légitime, du professeur Najib Cherfaoui, auteur de plusieurs livres à caractère encyclopédiques sur le secteur, s’ étaient émues d’un possible verrouillage du trafic sur Gibraltar. Le danois, étant concessionnaire du terminal I d’Al Gésiras et du terminal I de Tanger Med, pouvait soumettre les autorités portuaires à son business plan. Autant de scénarios probables qui ne se sont pas réalisés.
Aujourd’hui, les deux terminaux à conteneurs de Tanger Med I tournent à plein régime, tout comme le port à passagers et roulier, le terminal à hydrocarbures (500 000 tonnes de stockages, indispensable pour le soutage des navires ), les terminaux rouliers (utiles pour les exportations de la méga usine de Renault, laquelle prévoit d’exporter ses modèles économiques jusqu’au Panama) et le terminal vraquier de 450 mètres.
Le succès commercial de Tanger Med confirme aussi le choix judicieux qui s’était porté à l’époque sur le consortium Comanav, CMA-CGEM, MSC et Eurogate-Contship pour le terminal 2 au détriment du multi user chinois Hutchinson Port Handling et de son allié marocain IMTC. Le professionnalisme des deux concessionnaires consacre Tanger Med dans sa bataille contre son rival espagnol El Gesiras, lequel, après avoir vainement essayé de s’engager dans une course à la taille, est revenu à une stratégie de complémentarité à laquelle l’invitait la partie marocaine dès le départ.
L’Ilôt Leila disparaît du radar
D’un point de vue stratégique, le Port de Tanger Med masque aujourd’hui, et durablement, l’ilôt Leila (Persil de l’autre côté du détroit), du nom de ce petit bout de pierre qui avait valu au royaume chérifien une humiliation de la part de José Manuel Aznar, lequel avait envoyé la Guardia Civil sur l’île, neutralisant les quelques militaires marocains qui s’y étaient installés quelques jours plutôt. La puissance de feu espagnole avait écourté les hostilités et forcé le Maroc à se retourner sur le terrain diplomatique où il obtiendra gain de cause quoique sans clarification claire du statut de cette île, vestige coloniale et crispation symbolique de la grandeur de l’Espagne perdue pour une droite populaire aux accents bushistes depuis le 11 septembre 2001. Bref, Tanger Med masque aujourd’hui stratégiquement cet ilôt Leila que les radars (tant des navires de commerce que des frégates militaires) ont du mal à repérer.
Connecté à 120 ports majeurs de par le monde et certifié ISO 9001-V2008, Tanger Med a comptabilisé 10 000 escales de navires grâce en partie à CMA-CGM et à Maersk. Le projet d’extension de Tanger Med I à Tanger Med II rajoutera deux terminaux (3 et 4) à l’ensemble pour une capacité supplémentaire de 5 millions de conteneurs EVP, ce qui portera la capacité totale à 8 millions de conteneurs.
Le terminal 3, d’une capacité de 3 millions de conteneurs EVP, comprend 1 600 mètres de quais, 78 ha de terre-pleins sera lancé en fonction de la demande . Quant au terminal 4, d’une capacité de plus de 2 millions de conteneurs EVP et comprenant 1 200 mètres de quais et 54 ha de terre-pleins, il a été octroyé à l’opérateur Marsa Maroc, issue de la scission, en 2005, de l’ex ODEP (Office marocain d’exploitation des ports ) en une agence portuaire et une société commerciale. Marsa Maroc prévoit d’investir 3,8 milliards de dirhams pour ce terminal.
Si les travaux du premier de Tanger prendront fin en juin 2014, l’entrée en exploitation commerciale n’interviendra pas avant 2015.