Le nouveau PIB nigérian doit avoir d’importantes conséquences sur le reste du continent. Cela soulève la question de savoir s’il y a d’autres économies africaines avec des PIB systématiquement sous-évaluée. Seuls 9 pays africains sont à jour. Focus.
Entre le 30 et le 31 mars, le Nigeria s’est réveillé avec un PIB de 509, 9 milliards de dollars, en hausse de 89% par rapport à celui de 2013. Certes, la désormais première économie africaine, 26e dans le monde, présente un PIB par habitant –qui a bondi de 1 555 dollars à 2 689 suite à la réforme– inférieur à ceux des principaux pays émergents ainsi qu’à celui de l’Afrique du Sud.
Mais, dans le fond, cette progression qui résulte de la mise à jour des méthodes de calcul (restés inchangés depuis 24 ans), de l’inclusion de certains secteurs comme les loisirs et la communication et de la réévaluation d’autres comme les banques, montre l’importance de la maîtrise statistiques. Combien de pays africains sont dans le cas du Nigeria, avec des chiffres et des méthodes de calcul sous -évaluant le secteur informel (90% des emplois au Bénin), et ignorant certaines nouvelles formes d’activité?
A la faveur de la réforme nigériane, les services comptent désormais 52% du PIB, ce qui atténue la dépendance du pays au pétrole et au gaz. Le ratio dette sur PIB du géant ouest africain est descendu de 19 à 11%. L’impact devrait être sans précédent sur la notation souveraine du leader de la CEDEAO, la qualité des actifs cotés en général et la confiance des investisseurs sur le pays. La Bourse de Lagos devrait en tirer les dividendes.
Dans sa réforme, le bureau national nigérian de la statistique présente toute sa méthodologie claire et transparente reflétant la maturité de son système. « Le nouveau PIB nigérian doit avoir d’importantes conséquences sur le reste du continent. Cela soulève la question de savoir s’il y a d’autres économies africaines avec des PIB systématiquement sous-évaluée« , déclare Carlos Lopes, Secrétaire exécutif de la Commission des Nations Unies pour l’Afrique (CEA).
Le passage à la nouvelle base d’évaluation avec l’année 2008 comme cadre de référence rend mieux compte de la structure des prix et de l’économie en général. Or, selon un sondage réalisé par le centre des statistiques de la CEA, 10 économies africaines travaillent sur des années de base situées entre 1991 et 2000. En outre, 19 pays travaillent sur des bases situées entre 2001 et 2005. En fait, seuls 9 pays sont à jour par rapport à la base 2008, explique Dozie Ezigbalike, directeur du centre africain des statistiques à la CEA. « Cela suppose que non seulement la taille de la plupart des économies africaines est plus grande que leurs estimations courantes mais aussi, que le poids de l’Afrique dans l’économie globale est sous estimée », ajoute-t-il.
En clair, le cas Nigérian repose l’urgence de la maîtrise de la statistique et du récit. Il est important, ajoute M.Lopes, que les pays utilisent les mêmes classifications et les mêmes méthodologies pour de meilleures benchmark entre régions et entre économies.
Dans ce cadre, la Commission économique pour l’Afrique, la Commission de l’Union Africain et la Banque Africaine de Développement ont mis en place un projet de soutien à l’implémentation du système de comptabilité nationale 2008 dans les pays africains. Lancé en janvier 2014, ce programme qui associe le FMI, la Banque mondiale et la division statistique des Nations Unies va sans doute réparer l’une des plus grandes aberrations du système statistique mondial.