Autrefois les difficultés économiques de l’Afrique semblaient insurmontables. Plus maintenant. Les économies de l’Afrique subsaharienne, longtemps considérées comme caractéristiques de la croissance atone, ont récemment bondi, affichant l’un des taux de croissance parmi les plus impressionnants au monde. Au cours des quinze dernières années, elles ont connu une croissance de 5% par an et les projections futures sont encore plus prometteuses. Le défi est : comment continuer à croître tout en répartissant les bénéfices de cette croissance ?
Par Obadias Ndaba*
Un nouveau rapport publié par le Centre africain pour la transformation économique (ACET), un think tank basé à Accra, propose un plan pour répondre à ce défi. Il l’a baptisé « la transformation de l’Afrique » ou « la croissance approfondie». La prémisse principale du rapport est que : « Les économies africaines ont besoin de plus de croissance si elles veulent se transformer, elles ont besoin de croissance approfondie. Autrement dit, elles ont besoin de diversifier leur production, de rendre leurs exportations compétitives, d’accroître la productivité des exploitations agricoles, des entreprises et de l’administration publique, ainsi que de moderniser la technologie utilisée dans toute l’économie, le tout pour améliorer le bien-être humain ».
En matière de développement, les leçons sont bonnes aussi longtemps que vous êtes capable de discerner ce qu’il faut garder et ce qu’il faut rejeter. Il n’existe pas de formule pour le développement économique. Mais nous savons que si un pays est en guerre ou s’il manque d’institutions, ou encore repose sur l’exportation de minéraux bruts, sans créer de la valeur ajoutée, son économie est condamnée à long terme. Nous savons que si un pays n’investit pas dans la modernisation de son agriculture, ses citoyens seront des proies à la famine et à la malnutrition, ce qui impactera négativement le capital humain créant un cercle vicieux. Ces connaissances de base nous offrent une certaine marge pour élaborer au moins un plan partiel pour un succès économique partiel : échapper à l’extrême pauvreté qui ravage encore 50 % de la population de l’Afrique d’aujourd’hui.
Le rapport identifie « quatre voies prometteuses pour la transformation » basées sur les forces et les défis en Afrique. La récente explosion des taux de croissance, indique le rapport, a été basée sur un certain nombre de faits : de meilleures politiques économiques, la fin de plusieurs décennies de crise de la dette, les prix élevés des matières premières, la hausse des découvertes et des exportations de pétrole, de gaz et d’autres minéraux, et les nouvelles technologies de l’information. Mais dans l’ensemble, il paraît que la structure de la plupart des économies n’a pas beaucoup changé depuis l’aube de l’indépendance. Voici en gros les quatre voies à suivre que le rapport recommande :
Tout d’abord, le rapport identifie la fabrication manufacturière intensive en travail. La population de l’Afrique est jeune et sans emploi ou sous-employés. En 2050 l’Afrique sub-saharienne aura une main-d’œuvre plus importante et plus jeune que la Chine ou l’Inde. En outre, les salaires demeurent toujours plus compétitifs que ceux des autres régions. Cette double tendance, combinée à d’abondantes ressources naturelles, rend le potentiel de l’Afrique pour la fabrication manufacturière très prometteur.
Deuxièmement, l’agro-industrie. L’agriculture en Afrique s’est à peine modernisée, même au cours de la plus forte croissance économique de la dernière décennie. Il s’agit encore en majorité d’une agriculture de subsistance avec peu de recours à des méthodes modernes telles que les engrais ou l’irrigation. Cela a conduit à des rendements agricoles inférieurs en Afrique par rapport à ceux des autres régions. Comme le New York Times l’a rapporté le mois dernier, « les rendements agricoles en Afrique sont moins de la moitié de la moyenne mondiale, et n’atteignent que 25% de leur niveau potentiel. La productivité agricole en Afrique croit à un taux correspondant à la moitié de celui auquel croit la population ». L’agroalimentaire, le rapport nous rappelle, offre une opportunité pour la création d’emplois, de revenus et des devises.
Troisièmement, le pétrole, le gaz et d’autres minéraux. Ce n’est pas un secret que l’Afrique est riche en ressources naturelles à faire envie au monde entier. Mais ces ressources ne signifient pas grand-chose si vous ne faites que les extraire et les exporter. Vous devez développer la chaîne de valeur. Le rapport note que « la partie en amont de la chaîne de valeur est souvent dans une enclave déconnectée du reste de l’économie, et la concentration sur les produits non transformés expose les pays à la volatilité des prix et donc à l’instabilité des revenus. Ceci, couplé avec le fait que les ressources extractives ont tendance à être épuisables et non renouvelables, fait du développement durable un défi particulièrement difficile pour les pays qui en sont fortement dépendant ». Selon le rapport, les ressources naturelles doivent conduire à une plus grande productivité, à la modernisation technologique et à la croissance dans d’autres secteurs économiques.
Quatrièmement, le tourisme. C’est peut-être un peu surprenant puisque ce secteur n’est pas lié à la nature structurelle des trois premiers. Mais le rapport donne au secteur un poids considérable, car il a le potentiel d’augmenter les réserves en devises pour financer les importations et créer des emplois ». En fait, un nouveau rapport de la Banque africaine de développement appelle le tourisme en Afrique une « mine d’or inexploitée », avec seulement 8,2 millions d’emplois directs comme en 2012. L’Afrique ne reçoit que 3 % du tourisme mondial, montre le rapport, tout en représentant 15 % de la population mondiale. Le tourisme a, en effet, un potentiel énorme. Mais pour l’exploiter, un immense investissement est nécessaire au développement des infrastructures telles que les routes, les chemins de fer, les hôtels, les aéroports et les sites touristiques.
Le problème dans tout discours sur le développement est que le progrès suit rarement un seul modèle. Il est peu probable que ce qui a fonctionné à Singapour soit reproductible au Lesotho ou en Gambie, car le développement est une combinaison de nombreuses variables lesquelles ont tendance à être spécifiques à chaque pays. Le rapport reconnaît humblement que ses recommandations ne sont pas universelles et conseille aux pays de poursuivre des stratégies adaptées à leurs circonstances particulières.
Obadias Ndaba est analyste sur Libre Afrique (www.libreafrique.org)
Article publié en collaboration avec Libre Afrique