« The United Leadership » est bloqué depuis le 2 juin 2014 au port marocain de Mohammedia. L’histoire de ce navire battant pavillon des Iles Marshall (Micronésie) est-t-elle liée à l’affaire BNP Paribas ?
L’irrédentisme kurde, favorisé par la deuxième guerre en Irak, a accouché d’un ni-Etat ni province au Nord de l’Irak, qui réclame l’autodétermination. Tout comme en Libye, c’est la région riche en pétrole qui tente de se substituer à l’autorité centrale, notamment à la société publique d’exportation d’hydrocarbures ( State Organization for Marketing of Oil) et d’exporter son pétrole dans les quatre coins du monde.
La Turquie, pourtant confrontée au séparatisme kurde, est le premier pays qui profite de la faille, d’où son assignation devant les tribunaux de commerce internationaux par la partie irakienne qui réclame 250 millions de dollars au titre de dédommagements.
La menace de l’Etat irakien étant dissuasive, ces cargaisons sont en général écoulées via le marché noir. Aucune banque sérieuse n’ose financer de telles opérations import-export qui constituent des violations de souveraineté. Les navires qui transportent de telles cargaisons sont immatriculées au Panama, Liberia ou autres contrées réputées pavillons de complaisance.
C’est suivant de tels procédés qu’un pétrolier est bloqué depuis le 2 juin 2014 au port marocain de Mohammedia, terminal pour la raffinerie Samir appartenant au groupe suédois Corral Petroleum Holding, propriété du milliardaire éthiopien Al Amoudi.
Ce dernier s’était offert ce joyau à la faveur d’une opération de privatisation en 1997. Remarquons que ce navire, a été bloqué à la suite de la lourde sanction des USA sur BNP Paribas. Des observateurs s’interrogent d’ailleurs sur le montage financier de cette opération qualifiée par le premier ministre irakien, Nouri El Maliki, de «violation de souveraineté ».
De son côé, l’Amérique, restée de marbre lors de la construction, l’année dernière, de l’oléoduc reliant le gisement de Taq Taq au pipeline Kirkouk –Ceyhan, reliant le Nord de l’Irak à la Turquie, semble encourager de telles exportations en couvrant de son aile protectrice la famille Barazina, principal exportateur de pétrole.
L’Oncle Sam qui a décrété l’embargo sur un certain nombre de pays se réserve toutefois le droit de réprimander les joueurs à n’importe quel moment de la partie.
C’est ce qui est arrivé avec l’amende de 10 milliards de dollars prononcée contre BNP Paribas, une banque qui entretient des liens avec Sheikh Hussein Al Amoudi, l’un de ses gros clients. Est-ce donc ce milliardaire adoubé par le capitalisme mondial qui est l’affréteur, via la Samir, de «The United Leadership », première exportation opérée depuis le port turque de Ceyhan ? Drapée dans une position de neutralité positive, la Turquie laisse faire en proclamant que les revenus du pétrole irakien exporté à partir de son port retournent en Irak.
Parti de ce terminal, le 23 mai, le navire en question transporte plus d’un million de barils de pétrole. Les tentatives de Financial Afrik à faire parler Jamal Ba Amar, le directeur général de la Samir, sont restées vaines. Chargé initialement en destination du Golfe de Mexique, le bateau a changé de cap pour livrer 200 000 barils (soit le cinquième de sa cargaison) au port marocain.
A propos des sanctions contre BNP Paribas
Les sanctions américaines contre BNP Paribas concernent la violation d’embargo au Soudan, à Cuba et en Iran. Georges Chodron de Courcel, directeur général délégué du groupe et président depuis 2004 du conseil d’administration de BNP Paribas Genève, la filiale par qui le scandale est arrivé, est donné partant par le New York Times. De son côté, le Wall Street Journal évoque le départ probable du président de BNP Paribas, Baudoint Prot. Le régulateur de New York a réclamé la tête d’une dizaine de banquiers impliqués dans les faits qui remontent depuis 2007. Le «No Commet » dans lequel s’est emmuré la banque depuis quelques jours sera-t-il payant ?