L’éternel volontaire du Corps de la Paix veut sauter la mince barrière qui sépare l’humanitaire du business en Afrique. Ce sommet vise bien à repositionner l’Oncle Sam dans une compétition féroce qui tourne au profit de la Chine depuis 2009.
Ce premier sommet USA-Afrique qui se tient à l’invitation de Washington, du 4 au 6 août 2014, s’est affranchi du traditionnel messianisme droit-de-l’hommiste américain. Y prennent part une cinquantaine de chefs d’Etats dont le maréchal égyptien, Abdelfattah Sissi, invité sur le tard ou encore le président congolais Denis Sassou Nguesso, désireux de changer une constitution à ses yeux devenue obsolète, projet ambitieux que des opposants dénoncent comme une volonté de faire sauter le double verrou de la limitation du mandat et de l’âge.
En attendant les engagements solennels, l’image choc de ce sommet est le test de dépistage de la fièvre Ebola imposé aux délégués africains. Le président nigérian, Goodluck Jonathan, s’y est prêté de bonne grâce sous les flashs des caméras. Le pragmatisme américain fait peu de cas des grincements de dent de quelques diplomates qui devront, pour unique consolation, se rapporter à la petite justification du docteur Oboma : «le problème Ebola est quelque chose que nous prenons très au sérieux ».
Du reste, ce sommet présenté dans un bel emballage «investir dans la prochaine génération» marque un revirement de la politique américaine. L’éternel volontaire du Corps de la Paix veut sauter la mince barrière qui sépare l’humanitaire du business en Afrique. Les officiels américains comme Will Stevens, porte-parole de la direction Afrique au département d’Etat, ont beau prétexter du contraire, ce sommet vise bien à repositionner l’Oncle Sam dans une compétition féroce qui évolue au profit de la Chine depuis 2009. A cette date, l’Empire du milieu est devenu le premier partenaire commercial de l’Afrique. L’écart s’est encore creusé puisqu’en 2013, les échanges commerciaux entre l’Afrique et la Chine ont atteint 210 milliards de dollars, plus du double du volume entre l’Afrique et les USA (85 milliards de dollars).
En 2013, les USA ont importé pour 39,3 milliards de marchandises de l’Afrique, soit 1,7% de ses importations. Les exportations américaines n’excèdent pas 24 milliards de dollars, soit à peine 1,5% des exportations totales. La loi américaine sur la Croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA) adoptée en 2000 et qui arrive à expiration en 2015 a permis de dynamiser les échanges entre les deux parties, échanges cantonnés, faut-il le dire, sur les matières premières. Les USA représentent environ 17% du commerce africain.
Changement de fusil d’épaule
Désormais dépassée par l’UE, les USA se sont départis de toute prétention à démocratiser le continent au profit d’un pragmatisme qui pousse le département d’Etat à s’allier de préférence avec les régimes forts qui assurent la stabilité de leurs pays. Le discours d’Accra de Barack Obama a vécu. Place à la volonté de promouvoir le commerce à travers les deux initiatives Trade Africa et Power Africa présentées déjà par le président américain lors de sa tournée africaine durant l’été 2013.
Destinée à faciliter l’importation des matières premières aux USA, cette initiative est en phase d’être élargie à tous les pays africains à l’exception de quelques Etats situés dans la liste noire américaine. En attendant, le volume des échanges entre l’Amérique et l’Afrique est dominé par les hydrocarbures et les ressources minières importées notamment d’Angola, du Nigeria, d’Afrique du Sud. Quelque 20% du pétrole consommé aux USA provient du Golfe de Guinée devenu depuis le 11 septembre, une priorité stratégique face au Golfe arabo-persique. La sécurité des approvisionnements passe par de bonnes relations avec les pays africains, démocratiques ou non.
Que cherche l’Afrique ?
Si l’agenda américain est clair, rien par contre n’indique que l’Afrique est venue en rangs serrés à Washington. Comme lors des sommets avec la Chine, la Turquie ou la France, ce sont une cinquantaine de pays, d’agendas et de stratégies différentes, qui ont répondu à l’invitation. Les risques de dissonance demeurent élevés. Au grand avantage de l’hôte du jour qui pourra faire jouer la concurrence pour obtenir les meilleures conditions d’accès aux ressources minières. Maître de l’ordre du jour et du timing, Obama ne prévoit aucun tête à tête avec un chef d’Etat africain en particulier. De même, aucune conclusion d’accord n’est prévue. Le pragmatisme américain se contentera-t-il de symboles ?
Un commentaire
Il n’y a rien à espérer de l’actuelle administration US. Et le futur, ce sont les BRICS. Les donneurs de « leçons », c’est fini!