Plus de 1800 morts à Gaza et de mornes condamnations.. Des indignations psalmodiées à voix basse. Des simulacres de marche téléguidées par les services pour couper l’herbe sous les pieds des islamistes. Le monde arabe est bien mort.
Ce terme générique désigne les pôles orientaux et occidentaux d’une bande de terre allant de l’Arabie heureuse et malheureuse à la Berberie d’Afrique du Nord. Sur ces terres gouvernées autrefois par des régimes progressistes et romantiques trône aujourd’hui une sorte de realpolitik inerte qui combine froidement la bonne entente avec Washington et ses alliés à une implacable lutte contre le terrorisme qui permet en réalité de mater les opposants.
Déjà pas remis de l’image atroce de Saddam Hussein, pendu haut et court devant les caméras du monde entier, les princes et dirigeants du monde arabe ont encore en mémoire les secousses telluriques du printemps arabe. De la fuite de Ben Ali à la comparution de Hosni Moubarak sur civière, en passant par la lapidation à mort de Kadhafi, ces dirigeants du monde arabe ont définitivement renoncé à toute prétention d’une solution au conflit palestinien autre que celle proposée par Israel et ses alliés. Bien loin d’agiter l’arme qui a conduit au choc pétrolier de 1973 et à la fin des 30 glorieuses, le Roi d’Arabie Saoudite cherche avant tout à « lutter contre le terrorisme ».
En cela, le gardien des lieux saints s’aligne sur la même longueur d’onde que l’égyptien Abdelfattah Sissi, lequel est le premier chef d’Etat depuis Sadate à afficher son alliance avec Tel Aviv dans une relative décontraction. Les petites animosités entre d’une part l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et l’Egypte et, d’autre part le petit et énigmatique Qatar, les uns et l’autre se gargarisant d’une alliance privilégiée avec les USA, bloquent toute tentative de parler d’une seule et même voix au sein de la ligue arabe redevenue un jouet aux mains de quelques chefs.
À cette dualité s’ajoute le conflit tragique entre shiites et sunites, conflit dont la Syrie et l’Irak dont devenus les terrains d’affrontement. Ces luttes pour l’absurde détournent les masses arabes des aspirations de dignité et de liberté émises lors du printemps arabe. Aussi, l’immense hijab qui recouvre le monde arabe, secoué le temps d’une printemps, s’est définitivement rabattu sur une jeunesse livrée aux deux extrêmes : l’alignement aux thèses sécuritaires. Ou la reconversion au Jihadisme. Des pays du printemps arabe qui ont renversé leurs régimes, seule la Tunisie est parvenue à empêcher le retour de la dictature. C’est là, aux portes de la Libye bédouine replongée au moyen âge, que se trouve le laboratoire démocratique d’un nouveau monde arabe.