par Carlos Lopes*
Je suis né à Canchungo, dans le nord-ouest de la Guinée-Bissau. Les souvenirs de magnifiques paysages verts sillonnés de nombreux cours d’eau, d’épaisses forêts, de vastes étendues de mangroves, d’îles vierges et de rivages intacts grouillant d’une vie marine foisonnante restent gravés dans ma mémoire. Aujourd’hui, des phénomènes tels que l’irrégularité du climat, la baisse de la pluviométrie et la montée du niveau de la mer transforment le paysage, menaçant les moyens de subsistance des pêcheurs et agriculteurs et mettant en cause l’avenir d’une bonne partie de mon pays.
Avec près de 80 petites îles qui s’étendent le long de son littoral, la Guinée-Bissau est l’un des six petits États insulaires en développement d’Afrique – aux côtés de Cabo Verde et de Sao Tomé-et-Principe dans l’océan Atlantique, et des Comores, de Maurice et des Seychelles dans l’océan Indien. Les petits États insulaires en développement d’Afrique sont généralement négligés, et pourtant ils « subventionnent » de fait le coût de la gestion du changement climatique. Représentant moins d’1 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone, ils supportent des coûts totalement disproportionnés.
Souvent désignés comme un groupe homogène, les petits États insulaires en développement d’Afrique sont en réalité bien différents les uns des autres. En termes économiques, Cabo Verde, Maurice et les Seychelles, rangés dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire, sort mieux lotis que les Comores, la Guinée-Bissau, Sao Tomé-et-Principe, qui comptent parmi les pays les moins avancés. Cependant, ils ont en commun d’être vulnérables aux chocs externes en raison de leur grande dépendance envers les importations d’aliments et d’énergie, du faible degré de diversification de leur économie et de leurs importants déficits publics et extérieurs. Compte tenu de ces contraintes, comment peuvent-ils lutter efficacement contre le changement climatique et en atténuer les effets ?
La bonne nouvelle, c’est que les PEID africains sont en première ligne de l’action visant à trouver des solutions innovantes pour surmonter les difficultés engendrées par le changement climatique. Ils prennent des mesures destinées à libérer le potentiel de leurs ressources marines et côtières et à le mettre à profit. Ils sont en train de passer à des solutions et des technologies plus propres, plus intelligentes et plus durables. En d’autres termes, ce sont des pionniers de « l’économie bleue », concept qui transforme les difficultés dues au changement climatique en chances à saisir.
Les exemples de réussites ne manquent pas :
Le projet éolien Cabeólica à Cabo Verde a été lancé en 2009, avec pour objectif de réduire la facture d’importation d’énergie du pays. Aujourd’hui, ses quatre parcs éoliens fournissent 18 % du total de l’énergie produite, ce qui fait de Cabo Verde un leader mondial de l’énergie éolienne et un modèle à suivre concernant le partenariat public-privé.
La centrale photovoltaïque à Bambous, à Maurice, qui est entrée en service en février 2014, a été conçue pour répondre à une demande croissante d’énergie. Elle devrait produire environ 24 GW d’énergie propre, permettant d’éviter l’émission de 15 000 tonnes de CO2 chaque année.
Le secteur de l’aquaculture est en plein essor aux Seychelles, grâce au soutien financier apporté par le du gouvernement pour intensifier la production de thon, dont 70 % sont destinés à l’exportation. Les Seychelles s’emploient également à développer l’industrie du tourisme en valorisant deux nouvelles niches touristiques respectueuses de l’environnement, à savoir le tourisme de croisière et le tourisme archéologique maritime. En juin 2013, le pays a inauguré son premier parc éolien, établi sur les îlots de Port Victoria. Ce parc approvisionne plus de 2 100 foyers en électricité et permet d’économiser 1,6 millions de litres de carburant par an. Le projet, mis en œuvre en collaboration avec les Émirats arabes unis, est un modèle de partenariat Sud-Sud.
Á l’heure où nous nous réjouissons de ces succès, nous devons redoubler d’efforts pour aider l’Afrique et les 52 petits États insulaires en développement du monde à lutter contre le changement climatique, à renforcer leurs capacités d’adaptation, et à promouvoir l’utilisation des connaissances existantes et nouvelles ainsi que des innovations. Dans un monde en rapide mutation, les petits États insulaires africains doivent innover pour dynamiser leur élan vers une « économie bleue », en exploitant notamment le potentiel offert par les marchés financiers africains.
Lorsque vous lirez ces lignes, je serai à Apia sur les îles Samoa dans le cadre de la troisième Conférence internationale sur les petites îles et les États en développement. J’ai l’intention de partager ces récits des petits États insulaires africains en développement et de plaider pour le déploiement d’une aide internationale de haut niveau à l’appui de leurs efforts. Je participerai également activement au dialogue de haut niveau, prévu en marge du Sommet sur le climat à New York début septembre, afin d’aider les PEID africains à traduire leurs préoccupations en projets solides, en prélude aux négociations sur le changement climatique prévues à Lima en décembre.
Il ne faut pas s’y méprendre. Le changement climatique est une menace bien réelle pour les PEID. Tuvalu, un petit pays composé d’atolls de corail au cœur du Pacifique, pourrait disparaître d’ici quelques années, si rien n’est fait pour endiguer rapidement l’élévation du niveau de la mer. Un grand nombre des 115 îles composant les Seychelles pourrait connaître le même sort, tout comme d’innombrables autres petites îles au large de l’Afrique et ailleurs.
Manquer ces occasions pourrait nous faire sombrer dans une spirale de pauvreté, de maladies et de vulnérabilités multiples. Les pêcheurs, les agriculteurs et les éleveurs du continent ne peuvent se résoudre à rester les bras croisés, alors que les effets du changement climatique brisent leurs rêves et minent leur confiance, leurs valeurs et leurs moyens de subsistance. Ils attendent avec impatience de véritables solutions. Selon une nouvelle étude de l’UNICEF, d’ici la fin du siècle, près de la moitié des enfants âgés de moins de 18 ans dans le monde seront africains. Bon nombre de ces enfants vivront dans les petits États insulaires en développement. Nous devons agir aujourd’hui pour influer sur l’existence des générations présentes et futures.
*Carlos Lopes est le Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique.
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Un commentaire
Il faut arrêter cette propagande inutile de pays plus avancés car cela veut rien dire surtout pour le Cabo Verde où la plus grande partie de la population n’a pas d’électricité, d’eau courante, pas de sanitaire chez eux, pas accès à l’éducation, vit en dessous du seuil de pauvreté, bon nombre de familles ne mangent pas à leur faim, des taudis où des vivent risquant leur vie, le chômage est à son paxosisme. C’est de la foutaise tous ses rankings qui sont établis pour des gens du haut de leurs chaires dans ces organismes internationaux