Par Adama Wade, envoyé spécial
A l’endroit de ceux qui nous lisent de Ouagadougou à Bamako et de Niamey à Ndjamena en passant par Abidjan, Lomé, Nouakchott et Dakar, nous osons ce constat évident : « la forte température ne saurait expliquer le sous développement. Le défaut de patriotisme, si!»
À Dubaï, le 9 septembre, l’Union économique e monétaire ouest africaine (UEMOA) a récolté des engagements de 19 milliards de dollars nécessaires à la transformation de sa croissance forte (7,5% prévue à la fin 2014) mais volatile, en une croissance durable et créatrice d’emplois. Les montants ainsi mobilisés vont permettre de construire des corridors ferroviaires, des autoroutes raccordant les grandes villes et facilitant l’accès au marché et l’évacuation de la production. De même, des centrales électriques indispensables au développement ont trouvé financement .
En tout seize projets structurants défendus comme un seul homme par six des huit chefs d’Etat de l’Union se concrétiseront. Cette unité des dirigeants de l’UEMOA est le signe que quelque chose a changé en Afrique. Les investisseurs émiratis sont impressionnés par la qualité des documents présentés par l’Union économique et monétaire ouest africaine. Le PER 2 (deuxième phase du programme économique régional) concentre en tout une cinquantaine de projets intéressant les 8 pays membres dans une logique d’intégration et de complémentarité. Sans conteste, l’UEMOA est à ce jour l’organisation régionale qui présente l’un des processus les plus aboutis. La différence est d’ailleurs assez frappante avec les grosses machineries de la CEDEAO.
Bref, en attendant les décaissements inscrits dans les Mémorandum of Understanding, nous vous proposons ci-dessous un modeste survol du modèle économique de Dubaï parti, précisons-le, d’un amour propre princier froissé. En effet tout a commencé par une demande d’un prêt de 150 000 dollars formulée par Sheikh Zayed dans les années 70 et refusé par les flegmatiques banquiers londoniens. A l’époque, le bédouin n’était pas encore à la mode. La suite, vous la connaissez. Dubaï est devenu Dubaï, destination préférée des expatriés devant Paris et Madrid et devant Londres.
Cet article, produit d’une brève immersion dans l’une des plus belles villes du monde, peut se résumer en une phrase: sans volonté politique et sans vision claire, pas de développement. On pourrait y ajouter la formule de Sénéque que les matelots récitent en chœur par temps de houle dans les cales des grands navires: «Il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va ».
Et, à l’endroit de ceux qui nous lisent de Ouagadougou à Bamako et de Niamey à Ndjamena, nous osons ce constat évident : « la forte température ne saurait expliquer le sous développement. Le défaut de patriotisme, si!»
Grandeur, superlatif et luxe
L’aéroport Dubaï International brasse 70 millions de passagers par an. C’est aujourd’hui, avec Wall Street et la City, l’une des plaques tournantes de la mondialisation, l’un des hauts lieux de flux de personnes, de biens et de services.
Et pourtant, cette improbable plateforme entre l’Eurafrique, le Moyen Orient et l’Asie, plus grande que la ville de Genève, premier aéroport mondial par le nombre de passagers internationaux, est dépassée. Déjà trop exigu pour contenir le gigantisme de Dubaï érigé en modèle.
Le souverain cheikh Mohamed Ben Rached Al-Maktoum, vice premier ministre de la fédération des Emirats Arabes Unis et émir de Dubai, vient de lancer les travaux d’agrandissement du deuxième aéroport, Al Maktoum International, lequel sera, d’ici six ans, le plus grand au monde par le nombre de passagers, soit 200 millions, détrônant l’aéroport international Hartsfield-Jackson d’Atlanta et ses 94 millions de passagers transportés en 2013.
Montant de l’investissement: 32 milliards de dollars au grand bonheur d’Emirates, la plus luxueuse compagnie de transport au monde (250 destinations par semaine) qui va disposer d’un terminal en exclusif pour ses A380 et ses longs courriers ultra modernes.
Ainsi va Dubaï, en perpétuelle course de grandeur dans une logique ultra-libérale fondée sur la création de richesse, l’ouverture totale aux investisseurs et la réduction de la notion de sécurité sociale au salaire. La règle des 51% aux autochtones est appliquée pour toute entreprise qui vise le marché intérieur. En revanche, aucune entrave pour les plateformes exportatrices qui attirent les géants de l’agroalimentaire, les leaders des NTICS et, dernièrement, les médias.
A la protection de la propriété privée, érigée en dogme, s ‘ajoute une garantie des autorités locales sur les avoirs et les investissements. Ici, violer le secret bancaire conduit à la prison. L’impôt est réduit à sa plus simple expression, ce qui vaut aux Émirats de figurer, discrètement s’entend, dans la liste grise de l’OCDE. Mais ce n’est qu’un détail, tous les pays de cette organisation renouvelant régulièrement leurs marques de sympathie envers ces princes libéraux.
Dubaï, ville au luxe des mille et une nuits, collectionne les trophées et les visiteurs de marque. Cette nouvelle Bghdad de Haroun Rachid fait parler d’elle dans les médias du monde entier, attire des visiteurs et des résidents fortunés des quatre coins de la planète. Le modèle économique de cette renommée repose sur l’immobilier, le tourisme et la finance.
Un modèle économique porté par trois secteurs
Le développement de ces trois branches a donné naissance aux grands groupes: El Nakheel et Emaar, leaders dans la promotion immobilière avec des visées désormais mondiales. Idem pour la compagnie De téléphonie Etisalat, désormais actionnaire majoritaire de Maroc Telecom et, à travers le groupe marocain, de Sotelma au Mali, d’Onatel au Burkina Faso, de Gabon Tel, de Mauritel en Mauritanie.
Dans le domaine de la finance, les Émirats ont profité de la crise financière de 2008 pour jeter le grappin sur des institutions majeures comme la Bourse de Londres ou encore Citigroup en s’offrant de substantielles actions qui leur donnent droit au chapitre dans les décisions.
les fonds et institutions de Dubaï sont engagés dans une démarche de diversification. Et, dans cette quête, l’Afrique est en pôle position.
En attendant ces orientations dictées par la logique de la durabilité, Dubaï ville a doublé en l’espace de dix ans pour compter 2,7 millions d’habitants maintenant. De nouvelles inventions sont encore à venir comme le dôme enneigé d’une montagne qui viendra défier les lois de la nature au profit des touristes.
Abritant déjà la plus grande tour au monde, le Borj Khalifa, qui culmine à 826 mètres de glace et de métal, l’hôtel le plus luxueux au monde,soit le Borj El Arabe, construit en forme de voilier sur une presqu’île artificielle, l’un des plus grands ports au monde, le Jbel Ali, Dubaï a construit son modèle sur le superlatif. L’ hymne à la démesure et au gigantisme attire touristes, hommes d’affaires et chercheurs d’emplois. En plein désert, là où autrefois régnait dunes et erg, l’art architectural a épousé la folie et l’audace donnant à l’œil des perspectives uniques en hauteur dans une interminable succession de gratte ciel à la Manhathan.
Le coup de génie
En parcourant les allées fleuries qui rappellent parfois la Scandinavie, vite suivies par d’interminables routes et autoroutes droites, des trottoirs peu fréquentés, le visiteur africain est assailli de questions. Comment donc, en plein désert, et à des températures extrêmes ( il y fait 45 degrés à l’ombre en août, soit plus qu’à Ouagadougou) des bédouins qui vivaient depuis le 19 e siècle de la pêche des perles sont parvenus à faire de leur cité hostile un carrefour obligatoire de la mondialisation? Il y a sûrement le pétrole commun aux sept petits États qui forment les Émirats Arabes Unis. Mais l’or noir ne coule pas à Dubaï, ville fondée sur les idées et les défis.
C’est surtout la vision qui a fait que Dubaï n’est pas devenue Tripoli, Bangui ou Lagos. Le leadership éclairé de Sheikh Zayid dans les années 70 a été décisif dans cette métamorphose.
Quand ce bédouin qui portera plus tard le nom du «Plus sage des arabes » se présenta à Londres pour emprunter 150 000 dollars nécessaire à la politique portuaire de son émirat naissant, il lui fit opposé une implacable fin de on recevoir. Sûr de son fait, le prince hypothequa Dubaï pour disposer des fonds nécessaires à la construction du port précurseur du succès planétaire de la destination.
Ce coup de génie a largement pesé dans le destin des Émirats dont Dubaï est la vitrine. Les pétrodollars sont réinvestis dans les infrastructures accélératrices de développement comme le métro souterrain et en viaduc qui relie les différents quartiers de Dubaï et qui est devenu le métro automatique le plus long au monde.
la Sheikh Zayed Road qui relie Dubaï à Abu Dhabi est aujourd’hui parsemée d’ouvrages qui rivalisent d’originalité. Les quartiers Marina et Al Jumeira voient pousser des building futuristes qui font le cachet de Dubaï.
Cité cosmopolite avec des autochtones minoritaires, enrichi par l’apport des travailleurs et techniciens indiens, pakistanais, chinois et, dernièrement mais de plus en plus, africains de l’Est, Dubaï reste fragile comme toute fleur du désert. La crise financière de 2008 a eu ses effets sur les grands chantiers et le concept même du gigantisme. Aujourd’hui les choses sont réparties de plus belle comme en témoigne la relance des travaux d’agrandissement du deuxième aéroport de Dubaï.
Un commentaire
L’avenir nous dira si Dubai utilise bien cette amane du desert.