Dans le but d’harmoniser le droit des marchés publics et des délégations de service ainsi que leur cadre de régulation, l’Union a pris un ensemble de mesures dont les Directive n °04/2005/CM/UEMOA portant procédures de passation et de règlement des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union économique et monétaire ouest africaine et la Directive n°05/2005/CM/UEMOA portant contrôle et régulation des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union économique et monétaire ouest africaine. Ces deux textes constituent le droit commun des PPP de l’UEMOA.
Toutefois, le premier texte ne réglemente pas toutes les formes contractuelles du PPP. Il ne concerne que les conventions de DSP (déjà étudiées dans le titre premier). Le deuxième texte relatif à la régulation des DSP constitue le droit commun de la régulation des PPP de l’UEMOA. Cette directive a pour objet de « définir les principes et les modalités de mise en œuvre des fonctions, des mécanismes et procédures de contrôle et de régulation des marchés publics et des délégations de service public au sein de l’UEMOA ». A travers cette directive, les Etats membres ont pris l’engagement de réaliser cet objectif en adaptant leur législation. Le Sénégal a modifié son code des marchés publics en 2007 pour se conformer à ce texte communautaire.
A côté du droit commun des PPP, l’Union a prévu une offre de PPP constituée par le « projet du code communautaire des investissements ». Cet instrument pourrait contribuer à promouvoir l’investissement privé au regard de ses objectifs qui consistent en la généralisation de Centres de Promotion des Investissements (CPI) dans tous les Etats membres de l’Union, afin de simplifier les procédures de création d’entreprises et de diligenter l’octroi des agréments et la mise en place de diverses garanties pour l’investisseur et d’une sécurité juridique et juridictionnelle dont tous les Etats ont souscrit à travers la Convention créant le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements. La mise en place de cet instrument favorisera le développement des PPP.
ILES PROJETS DE L’UEMOA SUCEPTIBLES D’ETRE FINANCES PAR LES PPP (potentiel PPP)
Les projets de l’UEMOA susceptibles d’être financés par le mécanisme du PPP varient en fonction des programmes de celle-ci. Aujourd’hui, l’essentiel de ces projets sont contenus dans le Programme Economique Régional (PER) et ce en conformité avec le protocole additionnel n°2 relatif aux politiques sectorielles de l’UEMOA . Le protocole oblige les Etats membres, pour réaliser les objectifs d’intégration économique, à adopter des politiques communes dans les domaines suivants : le développement des ressources humaines, l’aménagement du territoire, la politique des transports et des télécommunications, l’harmonisation de l’environnement, la politique agricole, la politique énergétique et la politique industrielle et minière.
Le PER a été adopté par Décision n°01/2004/CM/UEMOA portant adoption du Programme Economique Régional 2004-2008, le 18 mai 2004 à Cotonou par le Conseil des ministres statutaire de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMAO), élargi aux ministres en charge dans les Etats membres, des questions d’intégration et du NEPAD. Il est élaboré par les instances mêmes de l’Union à savoir la Commission, la BCEAO et la BOAD. Il se fixe comme vision, avant 2015, de « faire de l’UEMOA un espace unifié et ouvert et compétitif au profit d’une population solidaire ». Son coût global est estimé à 2 910 milliards de FCFA pour une période de cinq ans (2006-2010). Cette première phase du PER se déclinait en cinq axes stratégiques :
– Consolider la bonne gouvernance et approfondir l’intégration économique ;
– Développer les infrastructures économiques ;
– Construire un appareil productif intégré ;
– Développer les ressources humaines ;
– Mettre en place un partenariat pour la mobilisation des ressources et la mise en œuvre du PER.
Dans son rapport annuel présenté dans le cadre de la 15ème session ordinaire de la conférence de ses Chefs d’Etat et de gouvernement tenue le 22 janvier 2011 à Bamako, la Commission de l’Union a fait savoir qu’il restait 1 710 milliards de FCFA à rechercher soit 59% du coût du programme. Elle informe également qu’au 30 octobre 2010, sur les 63 projets inscrits au programme, 50 sont en cours de réalisation soit 80% du portefeuille . Il faut dire que pour la mobilisation des financements restant soit la somme de 1 710 milliards de FCFA, le comité de pilotage regroupant les représentants des institutions communautaires et chargé de la mise en œuvre du PER pourrait recourir aux PPP.
LES INITIATIVES DE L’UEMOA EN MATIERE DE PPP
Les initiatives répertoriées dans cette étude concernent la formation de certains acteurs de l’Union en matière de PPP (A) et les PPP dans le domaine des transports et de celui de l’énergie (B).
A. L’Union à « l’école des partenariats public-privé »
Au cours de la dernière décennie, l’Union et des organisations sous-régionales ont bénéficié des sessions de formation sur les partenariats public-privé. En effet, dans le cadre du suivi de l’appui au PER, la Commission ainsi que des chefs de projets, des responsables budgétaires et des cadres juniors devaient bénéficier de actions de formation technique couvrant les domaines de compétence de l’Agence Française de Développement (AFD) notamment en matière de partenariats public-privé.
Suite aux «premières journées techniques avicoles » tenues à Abidjan du 16 au 18 juin 2008 et ayant pour objectif de rechercher des solutions aux problèmes sanitaires et économiques identifiés comme par exemple la grippe aviaire ou la biosécurité, l’UOFA (Union des Organisations de la Filières Avicoles) a préconisé d’engager un campagne de sensibilisation sur la nécessité d’instaurer un partenariat public-privé pour lever de telles contraintes .
Du 23 au 24 juin 2008, le forum africain de la bourse et de l’investissement (AfrikBourse) organisé à Cotonou et ayant vu la participation de la BOAD s’est penché sur le thème « Le marché financier dans l’espace UEMOA et en Afrique : outil d’intégration et du financement du développement». Les sessions qui portaient sur le Financement des Investissements, l’Introduction des Entreprises en Bourse, l’architecture financière & Emergence économique, le financement de l’habitat au sein de l’UEMOA ont toutes retenu comme recommandations, le mécanisme du partenariat public privé .
B. Le partenariat public-privé au service du secteur des transports de l’Union et du secteur énergétique
Face aux contraintes budgétaires et au rétrécissement de l’aide au développement auxquels vient s’ajouter la récente crise financière, l’Union manifeste de plus en plus sa volonté d’impliquer le secteur privé dans la réaliser de ses objectifs. Dans les secteurs des transports et énergétiques, elle a commencé à mettre en œuvre des formes de partenariats public-privé qu’elle compte vulgariser dans d’autres domaines. Cette volonté a été manifestée par des dirigeants de l’Union lors du forum de la BOAD du cinquantenaire des indépendances dans l’UEMOA tenu du 15 au 16 juin 2010 à Lomé au Togo en ces termes : «Le PPP est un vecteur pouvant canaliser les flux financiers du secteur privé. Dans notre Union, des exemples de réussites dans les domaines de l’énergie et du transport donnent de l’espoir quant à cette forme de financement des infrastructures. Pour consolider cette tendance, un environnement favorable et apaisé doit être promu en vue de permettre au PPP d’apporter une contribution utile en matière de financement. »
Ainsi, nous mettrons ici l’accent sur les partenariats public-privé en cours de réalisation dans les secteurs des transports (1) et énergétique (2).
1. Un PPP dans l’espace UEMAO : le projet de postes de contrôles juxtaposés
Le projet des postes de contrôles juxtaposés est né du programme communautaire de construction de postes de contrôles juxtaposés aux frontières entre les Etats membres de l’UEMOA . Dans cette perspective, la Décision n°08/2001/CM/UEMOA a été modifiée en 2009 par la décision n°38/2009/CM/UEMAO en ses articles 2 et 5 pour mettre en exergue de manière claire l’implication du secteur privé dans le financement du programme. En effet, selon l’article 2 de la décision «Le programme indiqué à l’article 1er ci-dessus sera réalisé par étapes, à arrêter par la Commission de l’UEMOA, en relation avec les Etats membres, sur ressources propres de l’Union, avec l’appui de partenaires au développement, ou sur financement du secteur privé .» Mettant en œuvre cette décision, la Commission de l’Union a passé une convention avec la société anonyme Scanning Systems en vue d’exploiter sous forme de PPP un projet de poste de contrôles juxtaposés aux frontières du Burkina Faso et du Togo. Ce PPP est exposé dans l’encadré ci-dessous.
Exemple de PPP communautaire au Togo : un poste de contrôle juxtaposé
Dans sa volonté de « mettre en œuvre une politique commune et concertée pour faciliter la transit inter-Etat et partant, favoriser la croissance économique et le développement de la sous-région », la Commission de l’Union a passé avec la société Scanning Systems SA une convention de PPP portant sur la réalisation d’un poste de contrôles juxtaposés à Cinkansé à la frontière entre le Burkina Faso et la Togo.
Il s’agit d’un projet pilote d’un montant de quatre (4) milliards de FCFA qui pourrait s’étendre à tout l’espace de la CEDEAO à travers un programme régional de facilitation des transports.
Un poste de contrôles juxtaposés constitue le regroupement sur un même site des services de contrôle à une frontière à savoir la douane, la police, les contrôles phytosanitaires et zoo sanitaires ainsi que les opérations de transport et de transit de deux pays ayant la même frontière.
Dans le cadre de ce projet, le partenaire privé, la société Scanning Systems mettra en place des équipements modernes afin d’accélérer les formalités de contrôle. Il s’agira entre autres d’un scanner qui va permettre de visualiser le contenu des marchandises ; d’un pèse essieux qui détectera les surcharges et permettra de comparer le poids lors du contrôle, et celui indiqué sur la déclaration en douane ; d’un système d’identification par radio (RFID) qui aide à identifier les objets et leurs caractéristiques précises au moyen d’une étiquette.
Ce projet a été mis en œuvre le 30 juin 2011.
Source : Communiqué de la Commission de l’Union.
2. Les partenariats public-privé au service du secteur énergétique de l’Union : l’initiative régionale pour l’énergie durable (IRED)
Face à la persistance de la crise énergétique depuis plus d’une décennie affectant sérieusement les efforts de développement des Etats membres de l’Union, les Chefs d‘Etat et de gouvernement ont pris des mesures d’urgence comme la location de groupes électrogènes à des coûts prohibitifs, l’utilisation en base des tribunes à gaz (TAG) fonctionnant avec des combustibles couteux (distillat, jet A1) etc. Ces solutions n’étaient que provisoires. Lors de sa 12ème session ordinaire, la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement du 17 janvier 2008 a mandaté la Commission de trouver des solutions stratégiques à moyen et long terme notamment par le renforcement des capacités de production et l’utilisation, à terme, des sources d’énergie alternatives. A la fin de ses travaux, la Commission a proposé une stratégie de résolution de la crise de l’Energie dans l’UEMAO intitulée «Initiative Régionale pour l’Energie Durable » (IRED). Celle-ci est gérée par un comité de pilotage composé du président de la commission, du gouverneur de la BCEAO et du président de la BOAD.
L’IRED appelée encore «Vision 2030» est un programme qui s’étend de 2010 à 2030 et vise à faire de sorte qu’ « en 2030, l’ensemble des citoyens de l’Union accédera à une énergie à bas prix, au sein d’un vaste marché d’échanges d’énergie électrique intégré et harmonisé, à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest, produisant une énergie propre et s’appuyant sur un partenariat public-privé dynamique ».
Cette vision dont le coût global est estimé à 20 mille milliards de FCFA est déclinée en une feuille de route, axes stratégiques et agenda de mise en œuvre. La feuille de route comporte trois ambitions qui seront exécutées progressivement : (i) rendre l’énergie disponible (période 2009-2012) : cette phase d’urgence comporte pour chaque Etat membre une stratégie très claire avec des mesures à effet immédiat, (ii) réaliser le tournant de l’énergie compétitive (période 2012-2020) : cette phase devra permettre aux Etats membres de sortir du « cercle vicieux » et (iii) instituer une offre d’énergie durable (période 2020-2030) : il s’agira de faire doter à l’Union une énergie moins coûteuse et plus compétitive, à partir de trois sources majeures à savoir : l’hydroélectricité qui aura besoin d’investissements importants, les énergies renouvelables (solaire thermique, biomasse, éolien, petite et moyenne hydroélectricité) mais aussi l’énergie nucléaire.
Les axes stratégiques de la Vision 2030 sont au nombre de quatre dont deux concernent les partenariats public-privé. Le premier axe est intitulé : développer une offre diversifiée, compétitive et durable. Le deuxième axe est dénommé : mettre en place un plan régional de maitrise de la consommation d’électricité et d’amélioration de l’efficacité énergétique. Le troisième axe est : accélérer l’émergence d’un marché régional d’échanges d’énergie électrique de l’Afrique de l’Ouest. A ce niveau, il est demandé, entre autres mesures, aux Etats membres de mettre en place un environnement favorable à l’investissement privé. Il s’agira pour eux d’harmoniser les cadres institutionnels et réglementaires du secteur électrique des Etas membres de l’UEMOA et de mettre en place un cadre propice au développement des partenariats public-privé d’une part et, d’autre part, d’encourager et de promouvoir des partenariats public-privé permettant de mobiliser à la fois des financements privés et concessionnels. Le quatrième axe est : mettre en place un mécanisme dédié au financement du secteur de l’électricité.
Pour mobiliser le financement de 20.000 milliards FCFA à l’horizon 2030 dont 10% sont consacrés au programme d’urgence 2008-2012, ce programme nécessite l’indispensable participation des bailleurs de fonds institutionnels ( Fonds de Développement Energie-FDE qui va financer l’entame de l’IRD), des fonds d’investissements privés (Fonds Infrastructures est composé d’investissements privés) et le développement de partenariats public-privé.
Pour diversifier les partenaires susceptibles d’investir dans les projets prioritaires de l’Union, la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa), la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD), la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF), organisent, en partenariat avec le cabinet Global Finance & Capital Limited (GFCL) ce 9 septembre 2014, la Conférence internationale des investisseurs à Dubaï aux Emirats Arabes Unis.
Dr Aliou SAWARE
Formateur et Expert en PPP
Mail : contact@iaf-ppp.org