Par Jean Claude de l’Estrac
Que l’on raisonne en termes de gestion ou de créativité, que l’on s’intéresse aux pays en développement ou aux pays de l’OCDE, l’apport des femmes à la croissance économique et au bien-être social est indéniable. Tous les spécialistes en conviennent : plus les femmes sont actives et représentées à tous les niveaux de responsabilité, plus le monde gagne en diversité et donc en efficacité.
Dans le monde développé comme dans les pays émergents, les femmes constituent l’une des principales forces de changement économique et social. Mises en situation d’exercer librement une activité professionnelle, elles sont des acteurs économiques autant que des agents de développement de la société.
La communauté internationale a raison de rappeler que la contribution des femmes est déterminante dans le changement des mentalités et donc des pratiques professionnelles et sociales. Ce constat ne doit rien à la démagogie : les femmes ne sont ni meilleures que les hommes, ni plus intelligentes, ni plus travailleuses. Mais elles portent un regard particulier qui les rend si utiles pour une communauté professionnelle et au-delà pour la société tout entière.
Les femmes sont, on le sait, plus sensibles aux aspects humains, aux questions sociales, aux défis environnementaux. Elles sont soucieuses de l’avenir, parce qu’elles ont le sentiment que c’est aussi de celui de leur famille, de leurs enfants et de leur communauté dont il est question. Dans mes différentes fonctions, comme ministre, comme chef d’entreprise, comme Secrétaire général d’une organisation régionale africaine, j’ai toujours eu la conviction que nous avons collectivement beaucoup à gagner en donnant aux femmes les moyens de s’épanouir en accédant aux postes de responsabilités.
Agir différemment reviendrait d’ailleurs à se priver de la contribution des femmes à la croissance. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a calculé, en effet, qu’une diminution de 50 % de l’écart hommes-femmes en terme de taux d’activité, engendre en l’espace de deux décennies une progression de 12 % du PIB mondial. En France, le CNRS a observé de meilleures performances en matière de croissance, de rentabilité, de productivité au travail et de création d’emplois dans les entreprises du CAC 40 ayant un taux de féminisation de l’encadrement supérieur à 35 %.
Une autre gestion
Souvent pragmatiques – peut-être plus que leurs confrères masculins – les femmes n’hésitent pas à explorer de nouveaux territoires d’affaires et d’innovation ou à privilégier une prise de décision participative. D’après une étude réalisée en 2012 auprès de 25 164 entreprises françaises ayant réalisé plus de 4 M€ de chiffre d’affaires en 2011, les entreprises dirigées par des femmes obtiennent en moyenne 4,8 % de croissance sur trois ans et 6,6 % de rentabilité, contre respectivement 4,3 % et 5,6 % pour celles dirigées par leurs homologues masculins.
Des vecteurs essentiels de développement
En Afrique et en Asie, les femmes jouent un rôle déterminant dans l’essor de l’économie. En Afrique subsaharienne, où la production agricole est le moteur de la croissance et le principal moyen de subsistance, la part de la production vivrière fait des femmes les principaux agents de la sécurité alimentaire.
A ce titre, leur autonomisation économique et sociale doit constituer une priorité des politiques agricoles et d’éducation afin de favoriser leur formation, leur accès aux technologies et aux financements. Epaulés par les institutions internationales, dont l’Organisation internationale de la Francophonie, les gouvernements doivent accompagner activement les femmes à passer des rôles traditionnels axés sur la subsistance à des activités plus rémunératrices et plus valorisantes de production, de vente, de services et d’innovation. Nos sociétés sont prêtes à ce saut qualitatif, notamment dans notre espace africain où les femmes gèrent déjà 48 % des PME.
Lutter contre les discriminations
Cependant, 1 milliard de femmes ne peuvent toujours pas donner la pleine mesure de leur potentiel économique en raison d’entraves aussi contreproductives que l’inégalité devant le crédit, l’insuffisance de leur formation ou simplement le manque de soutien à leur intégration dans le monde du travail.
En inscrivant au cœur du prochain sommet de la Francophonie de Dakar, le rôle des femmes en tant que facteurs de paix et de développement, notre communauté francophone réaffirme la nécessité de lutter contre cette situation inacceptable et de faire évoluer un environnement socioculturel qui freine encore trop souvent les porteuses de projets, les amenant à s’autocensurer et à douter de leurs capacités.
Au moment où certains apôtres de l’obscurantisme voudraient remettre en cause la place de la femme dans la société, il est essentiel que la Francophonie continue de rappeler haut et fort que l’autonomie des femmes et l’égalité des sexes jouent un rôle moteur dans l’épanouissement du développement humain.
Biographie
Jean-Claude de l’Estrac
Secrétaire général de la Commission Océan Indien
Ancien ministre des affaires étrangères de l’île Maurice
Homme politique, journaliste, écrivain, humaniste pétri de culture, réformateur et défenseur inlassable de la démocratie, Jean-Claude de l’Estrac a connu un parcours exemplaire au service de l’intérêt général. Elu local, membre de plusieurs gouvernements, fondateur de la Commission de l’Océan Indien, ancien ministre des Affaires étrangères de Maurice, cet épicurien père de trois enfants est de l’avis de tous une personnalité attachante « marquée du sceau de la simplicité et de la chaleur humaine », comme le souligne Jean-Paul Adam, ministre des Affaires étrangères des Seychelles.
Un homme politique de grands desseins
C’est en 1971, qu’il s’engage dans la vie politique, au sein du Mouvement Militant Mauricien (MMM), un nouveau parti de gauche. 5 ans plus tard, il se présente aux premières élections législatives suivant l’indépendance, et devient à 28 ans, membre de l’Assemblée nationale où il siégera jusqu’en 1994. Très rapidement, il devient une figure de proue de l’opposition parlementaire et acquiert au travers de mandats locaux, une solide réputation de gestionnaire et de défenseur de l’intérêt général. Mais c’est en tant que ministre que son dynamisme trouvera sa plus belle expression, se révélant un véritable homme d’Etat. Tour à tour ministre des Affaires étrangères, du Développement économique, de l’Industrie, il oeuvre à l’édification d’une société mauricienne tournée vers la modernité, ouverte à la diversité, mais soucieuse des équilibres et du respect des identités culturelles et linguistiques. A l’écoute des populations les plus défavorisées, il accepte de présider de 2006 à 2009, la National Empowerment Foundation, organisme public chargé de lutter contre la pauvreté.
Sa force de conviction et sa capacité naturelle à fédérer autour d’un projet mobilisateur, lui permettent de jeter les bases de la Commission de l’Océan Indien (COI) dès 1982, un remarquable outil de coopération régionale dont il assure aujourd’hui les fonctions de Secrétaire Général. Ardent militant de « l’Indianocéanie », il milite en faveur d’une connectivité renforcée entre les Etats insulaires d’une région appelée à devenir un nouvel épicentre de la croissance mondiale. Défenseur infatigable de la démocratie, il joue un rôle déterminant dans la résolution de la crise malgache.
Une plume au service de la liberté
Journaliste, homme de presse et historien, Jean-Claude de l’Estrac, aiguise très tôt une plume qui nourrit le débat. A 17 ans, il fait ses premiers pas dans le monde journalistique, en lançant avec ses camarades de lycée «Le Flamboyant», dédié aux écrivains et poètes mauriciens. Lauréat de plusieurs concours littéraires, il rencontre Philippe Forget, fondateur et rédacteur en chef du journal l’express, qui deviendra son mentor. Il l’engage en mai 1968 en tant que journaliste-reporter, cinq ans plus tard il devient le rédacteur en chef adjoint de ce titre phare. Membre fondateur, puis Président et Secrétaire général de l’Association des journalistes de l’île Maurice (AJIM), il joue un rôle crucial pour la préservation de la liberté de la presse et de la démocratie. En 1995, il prend la direction des publications du groupe La Sentinelle, dont il diversifie les activités dans les secteurs de la radio et de l’audiovisuel. Passionné par l’histoire de son pays, il s’y plonge avec délectation et publie en 2004, après 18 années de recherche, le premier volume d’une trilogie historique « Mauriciens, Enfants de mille races, Au temps de l’île de France, Passions politiques. » qui constitue l’ouvrage le plus reconnu jusqu’à ce jour sur l’histoire de Maurice et ses interactions avec la région et le reste du monde.
Jean-Claude de l’Estrac est Officier de la Légion d’honneur (France) et Chevalier de l’Ordre du mérite (Madagascar).