Même dans le scénario le plus pessimiste, il n’y a pas lieu de s’inquiéter à propos des perspectives de croissance et de développement de l’Afrique à cause du virus Ebola. Généreux en promesses, les donateurs tardent souvent à joindre le geste à la parole. (Sur le tableau ci-dessus, les engagements des africains).
Dans cette hystérie collective des projections à propos de la maladie à virus Ebola, l’étude de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), paru aujourd’hui, vient à point nommé. Il était temps en effet, qu’après les rapports de la Banque Mondiale, du Fonds monétaire international (FMI) du programme alimentaire mondial (PAM), de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’Agriculture (FAO) et du Centre pour le contrôle et la prévention ddes maladies (CDC), qu’une institution comme la CEA, moins sectorielle et plus globale, se charge de faire la lumière sur les conséquences socio-économiques de ce fléau concentré entre la Sierra Léone, le Liberia et la Guinée.Ce rapport de la CEA vient -c’est utile de le souligner- après le coup de grisou insuflé par l’Organisation mondiale de la Santé qui avançait, le 3 décembre dernier, 17 111 cas de malades atteints d’Ebola dont 10 708 confirmés en laboratoire et 6 055 décès déclarés. Tout dans ce rapport de l’organisation mondiale de la Santé, qui notait une « intense transmission » participait à la panique collective des populations et des Etats et, par conséquent, à des décisions inapropriées, qui ont fait plus de mal que le virus lui même.
De généreuses promesses qui tardent à se concrétiser
L’autre facteur agravant la crise est cette lenteur dans les décaissements notés auprès des donateurs. Au 15 décembre, l’on est encore loin d’avoir réunir les 1,5 milliards de dollars nécessaires pour faire face à l’urgence de l’épidémie dans les trois pays les plus affectés entre septembre et janvier 2015. Ainsi seuls 23,8% du montant annoncé par la Banque Mondiale (518 millions de dollars) ont été décaissés. Ce taux est de 9,98% pour l’Union Européenne qui avait annoncé 459 millions de dollars. Quant à la SFI, après s’être engagée sur 450 millions de dollars sans avoir versé 1 seul dollar à ce jour. Tout d’ailleurs comme le FMI (130 millions de dollars) ou encore la Banque Islamique de Développement (9 millions de dollars).
La Banque Africaine de développement n’a pour l’heure déblqué que le cinquième des 220 millions de dollars promis./Le Royaume Uni s’est acquitté jusque-là de seulement 8% des 360 millions de dollars promis. Le Canada se rapproche de la parole dite puisque les 58 millions de dollars ont été décaissés à 88%. La France s’était engagée sur 124 millions de dollars mais n’a encore déboursé que 37,8% de ce montant. Les USA qui ont dépêché des militaires dans la région et installé quelques hôpitaux de campagne n’ont couvert leurs promesses (345 millions de dollars) qu’à hauteur de 24,6%.
L’activité économique a baissé dans les trois pays concernés à cause de l’alarmisme ambiant et de peu de moyens effectifs mobilisés pour faire face au virus. Le secteur agricole, les écoles, les marchés, les commerces, les hôtels et les transports publics sont frappés de plein fouet. La contraction de l’assiette fiscale est inévitable dans ces trois pays de PIB relativement modeste. Les investissements dans les grands projets ont été interrompus. Le flux des IDE a considérablement ralenti. La diminution des recettes publiques pourrait se chiffrer à des dizaines de millions de dollars. Il en est de même des réserves de change. Par contre, les dépenses publiques ont augmenté pour contenir la maladie.
Le rapport de la CEA met en garde contre une perte de productivité à long terme et une augmentation rapide du taux de chômage. « Pas moins de 10 entreprises ou succursales ferment chaque semaine et même celles qui restent ouvertes ont réduit leurs effectifs de personnel et les horaires de travail ».
Incidences sur le reste de l’Afrique
Bien que la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone aient enregistré une baisse sensible de leur PIB, les effets
à la fois sur l’Afrique de l’Ouest et sur le continent dans son ensemble seront minimes, en partie parce
que, sur la base des estimations de 2013, les trois économies touchées ne représentent ensemble que
2,42 % du PIB de l’Afrique de l’Ouest et 0,68 % du PIB de l’Afrique. Par conséquent, si l’épidémie se limite à ces trois pays, l’ampleur de ses incidences sur le PIB et la croissance sera extrêmement faible. Les simulations
de la CEA fondées sur un « scénario pessimiste » selon lequel les trois pays enregistreraient une croissance
nulle en 2014 et 2015, suggèrent que l’incidence sur la croissance pour ces deux années pour l’Afrique de l’Ouest ne sera respectivement que de 0,19 et 0,15 point de pourcentage. Et pour l’Afrique dans son ensemble, l’incidence sera négligeable à 0,05 et 0,04 point de pourcentage respectivement sur les deux années. En bref, au moins au plan économique, il n’y a pas lieu de s’inquiéter à propos des perspectives de croissance et de développement de l’Afrique à cause du virus Ebola.
Le rapport découle sur une séries de recommandations appelant notamment à l’accès aux soins et en temps opportun pour tous les malades, à l’identification et à la coordination entre tous les acteurs intervenant dans les pays, le renforcement des systèmes de collecte de données et de statistiques dans les trois pays, renforcement de l’état civil et de la résilience des sytèmes de santé face à Ebola et d’autes maladies transmissibles.
Du point de vue économique, le rapport préconise l’adoption des filets de sécurité lors de l’élaboration des lois de Finance dans les pays touchés pour aider les familles des victimes et leurs proches. Les autorités monétaires sont appelées à réduire les taux d’intérêt pour stimuler la croissance. Pour les auteurs du rapport, les gouvernements doivent renforcer les contrôles aux frontières et non les fermer. Appel est aussi lancé aux créanciers pour annuler la dette extérieure des trois pays.