Reportage de Daniel Diagoué, envoyé spécial à Paris
La 3ème rencontre Kusuntu-Orrick sur le financement des entreprises en Afrique par les investissements issus de fonds de capital investissement, a été selon les organisateurs et les participants, un succès au-delà des attentes. Les contraintes logistiques ont conduit à limiter le nombre de participants. Sur une journée, près de 200 participants ont pu échanger avec 23 orateurs, tous professionnels de l’investissement en Afrique.
Dans son mot de bienvenue, Jean-Jacques Essombè, avocat associé et membre du groupe Banque et Finance du cabinet Orrick Rambaud Martel, est revenu sur le potentiel que représente pour la croissance inclusive en Afrique, l’Impact Investing, thème de la conférence.
Cette forme d’investissement qui touche plus particulièrement les petites et moyennes entreprises, aurait une taille de marché comprise entre 15 et 25 milliards de dollars US pour près de 8 millions d’entreprises. Celles-ci recherchent des financements en fonds propres et quasi fonds propres de l’ordre de 100 000 et 2 000 000 de dollars US.
Au cours de son propos d’introduction général, Jean-Michel Severino, Directeur du fonds Investisseurs et Partenaires, a rappelé le cadre général qui fait de l’Afrique un des moteurs principaux de la croissance mondiale pour les prochaines années.
L’impact Investing, qu’il a défini comme un investissement avec à la base une intention de répondre à un besoin d’intérêt général, apparaît comme une des meilleures options devant permettre l’atteinte d’une croissance inclusive. Une croissance génératrice d’emplois pour le plus grand nombre, mais aussi de croissance rentable préservant à la fois l’environnement et permettant l’installation de pratique de bonne gouvernance tout au long de la chaine de la hiérarchie sociale.
Jean-Luc Koffi Vovor, président du Think Tank Kusuntu-le-Club, une organisation qui promeut l’émergence et le développement de futurs champions économiques africains grâces aux apports du capital investissement, en excellent maître de cérémonie, a tout au long de la journée emmené 5 autres orateurs et 4 tables rondes à la découverte de ce qui se fait de mieux aujourd’hui en Afrique en matière d’Impact Investing. Sous sa direction, se sont relayés Erick Rajaonary, un entrepreneur malgache qui a placé l’impact social et la sécurité alimentaire au centre de sa stratégie ; Abhilash Mudaliar, le directeur de la recherche du GIIN (Global Impact Investing Network), une organisation basée au Etats-Unis et qui œuvre à la normalisation au niveau mondial des pratiques d’Impact Investing ; Marie-Hèlène Loison, Directrice Générale Déléguée de PROPARCO, la filiale de l’Agence Française de Développement en charge du financement du secteur privé dans les pays du Sud ; Vincent Jacob, sous directeur à la direction des entreprises et des affaires internationales au sein du Ministère français des Affaires Etrangères et du Développement International ; et, Isabelle Bébéar Directrice Générale Déléguée de BPI France International et qui dirige les programmes AVERROES.
Deux tables rondes animées par Patricia Dinneen, Présidente du Conseil pour l’Investissement d’Impact au sein de l’EMPEA (Association du Capital Investissement dans les Marchés Emergents) et Franck Giaoui, Directeur Associé du Cabinet de conseil en Fusion / Acquisition Héra Finance ont, grâce à des exemples concrets, débattu de la prise en compte des critères ESG au sein des processus d’investissements ainsi que du rôle au quotidien des fonds d’impacts en Afrique. Alexandre Alfonsi du Cabinet de Conseil en levée de fonds Axonia Partners a pour sa part animé une table ronde en deux parties sur les conditions nécessaires à un plus grand développent de l’Impact Investing sur le continent africain.
Parmis les nombreux orateurs, on pouvait compter des représentants de fonds d’investissements comme les français Amethis et Phitrust, le canadien Sarona ou encore les hollandais SOVEC et XSML, des représentants du Réseau Mondial des Investisseurs d’Impact (GIIN), du Ministère Français des Affaires Etrangères et du Développement International, de BPI France International et des organismes de certification et notation français VIGEO et ETHIC Intelligence.
La conférence s’est achevée par des rencontres d’affaires au cours desquelles, investisseurs et entrepreneurs présents on pu discuter de manière plus approfondie avec les représentants de fonds d’investissements invités.
Au cours des échanges, les participants ont eu l’occasion d’avoir un éclairage d’experts sur l’Impact Investing et sa différence avec l’investissement à vocation philanthropique et sociale d’une part ; et l’investissement à vocation financière avec la prise en compte des facteurs ESG. Les intervenants ont notamment présenté à l’aide d’exemples concrets les modalités par lesquelles, au jour le jour, il était possible de réaliser des impacts notables en Afrique tout en générant des rentabilités financières ajustées du risque proches, voire supérieures aux rentabilités de marchés. Un point fort notamment de l’Impact Investing a été mis en avant : l’accompagnement opérationnel des entrepreneurs en vue d’une part de la création de valeur et de l’autre, de la réalisation de l’Impact initialement convenu, ceci à l’aide d’indicateurs de mesures spécifiques.
Les intervenants comme les participants ont toutefois déploré le nombre insuffisant de fonds d’investissements d’impacts en Afrique. Un appel a été fait pour le développement d’un nombre d’acteurs plus importants, afin d’accompagner les petites et moyennes entreprises pour que le capital investissement africain ne demeure pas l’apanage des très grandes entreprises. Des réformes institutionnelles sur les classes d’actifs autorisées aux acteurs financiers africains, à l’instar des réformes récentes des fonds de pensions en Afrique du Sud, au Kenya ou encore au Nigéria, devraient permettre de mobiliser des capitaux domestiques vers des équipes d’investissement locales. Une des conclusions de la rencontre porte ainsi sur une invitation à une 4ème édition de la conférence Kusuntu-Orrick au cours de laquelle, investisseurs institutionnels africains, européens et fonds d’investissements africains pourraient débattre des meilleurs moyens de coopérer et permettre de financer un nombre plus important de PME.
Le propos de clôture de Madame Bébéar de BPI France International a permis, en complément de la présentation faite en fin de matinée par Madame Loison de PROPARCO, de démontrer de l’importance de la mobilisation des acteurs français pour le financement des PME africaines. On a pu toutefois constater la faible présence de fonds d’origine française en proportion du nombre total des fonds d’investissements présents, avec notamment une représentation forte d’acteurs hollandais ou nord américains. Cependant, la présence française est appelée à croitre si l’on retient l’information donnée au cours de la conférence par Jean-Luc Koffi Vovor, sur la création d’un groupe Afrique, au sein de l’association professionnelle française des fonds de capital investissement – AFIC.
En réitérant le soutien du cabinet Orrick Rambaud Martel à ces rencontres qui ont démarré en 2012, Jean-Jacques Essombè a appelé les acteurs institutionnels français tels que Paris Europlace, les associations professionnelles telles que l’AFIC ainsi que la récente Fondation AfricaFrance pour une croissance partagée, à rejoindre le cercle des co-organisateurs et soutiens de cette initiative au rang desquels le fonds Investisseurs et Partenaires, PROPARCO et TRIDENT Funds Services, pour faire de cette rencontre, à l’instar de ce qui existe à Londres, Washington, Bruxelles ou Amsterdam, la Conférence Annuelle Française sur le Financement des Entreprises en Afrique.
Pour certains des participants, la conférence s’est étendue le 13 février à un séminaire restreint animé par le GIIN et au cours duquel, 34 gérants de fonds d’investissements, responsables d’investissement de fondations d’entreprises et de fonds souverains ont débattus sur les problématiques de levée de capitaux en vue de la constitution de fonds d’investissement d’impact pour l’Afrique.
NB: Votre journal vous proposera prochainement les vidéos intégrales des échanges de cette 3ème Conférence Kusuntu-Orrick.
Notes de la Rédaction:
– Critères ESG : mesures permettant la sauvegarde et la préservation de l’Environnement, l’amélioration du cadre Social et Sociétal ainsi que la promotion et la mise en œuvre des meilleures pratiques de Gouvernance
– AVERROES est un programme d’investissement de BPI France International dans les fonds de capital investissement africains. Après les véhicules AVERROES 1 et 2 dédiés aux pays du bassin méditerranéens, notamment l’Afrique du Nord, le programme AVERROES 3 est plus particulièrement dédié aux pays d’Afrique Sub-Saharienne
– GIIN : Global Impact Investing Network – http://www.thegiin.org
– EMPEA : Emerging Market Private Equity Association – http://www.empea.net
– AFIC : Association Française des Investisseurs pour la Croissance – http://www.afic.asso.fr
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